Il y a toujours une crainte, à revenir en des lieux déjà foulés, de se répéter et donc, à mon sens, de s’ennuyer. Plutôt que de creuser un même sillon, de perfectionner une voie, je préfère en imaginer et en explorer une autre. Et, de fait, être constante dans mon inconstance… ce qui est tout sauf ennuyeux !
Inquiétante étrangeté… C’est ainsi que se révèle cette bâtisse cossue aux couleurs perdues, fièrement postée sur le rivage et se découpant parfaitement dans un ciel sans nuage. Les arbres caduques et les reflets distordus ne font que parfaire la ténébreuse ambiance. Quels secrets couve cette demeure ? Un univers où la vie s’est arrêtée, stationnée à jamais dans le passé, en noir et blanc, alors que tout continue de bouger autour ?
Tout comme l’on joue avec les mots et leurs sens créant ainsi différentes interprétations à une même phrase, un même paragraphe…, on peut jouer avec les images et en faire émerger plusieurs réalités et donc, autant de sentiments. C’est à la fois de la magie et de l’usurpation (l’une n’étant pas forcément éloignée de l’autre)… Mais la photographie n’a-t-elle pas pour fin possible une re-création du réel ? Et, n’est-ce pas là sa conséquence la plus excitante ?
Il est des images que notre esprit construit et reconstruit au fil des ans, sans que l’on en ait réellement conscience… Cette perspective en est l’exemple le plus saillant. Deux hauts murs assez proches l’un de l’autre, la lumière à l’horizon et une silhouette qui se dirige vers lui. Ou vers elle, ce qui est peut-être l’unique question à se poser…
Un jour, on m’a fait réaliser que j’aimais beaucoup ce type d’image… J’ai vérifié, dans mes archives. Effectivement, curieusement, mon inconscient m’avait régulièrement poussée à déclencher quand j’étais face à de telles perspectives. Par quoi est-on réellement guidé lorsque l’on se balade l’appareil en bandoulière ? Pourquoi cette image-là, quelle signification, quelle interprétation doit en découler ? Est-ce un souvenir qui renaît à chaque fois, un signe pour l’avenir ? Si, aujourd’hui, je provoque ces images, le sentiment mêlé de mélancolie et de satisfaction qu’elles font naître, demeure.
C’est curieux comme, de haut, un être humain est un être humain, un être vivant avec deux jambes, deux bras, une tête, un tronc… L’universalité de la silhouette, ici flottante, me plaît. Le tableau composé par cet ensemble paraît totalement erratique. Mais regarder ces silhouettes évoluer quelques minutes prouve que c’est totalement le contraire. Chacune avance d’un pas très décidé et avec une régularité de métronome vers sa destination finale, hors-champ…
Certains ont pensé que cette photo avait été prise à Central Park, à New York… La statue de la Liberté, qui se dessine (à peine) à l’horizon, peut ajouter à la confusion, même si, à New York, l’un n’est pas visible de l’autre et réciproquement. C’est une image parisienne, capturée sur une langue de terre érigée entre deux bras de Seine près de la dame de fer. Une étroite respiration dans la ville, une allée où le chemin est tout tracé. Un signe : la ligne droite.
Se lover dans un fauteuil rouge de salle obscure peut, dans le meilleur des cas, conduire à ressentir un flot d’émotions. Des émotions de base, joie, peur, tristesse, surprise, colère… Et des émotions dites secondaires, car elles en sont des combinaisons : amour, haine, nostalgie, confiance, gratitude, embarras, envie, mélancolie… On y pleure, on y rit, on y pleure de rire, on s’y tortille, on s’y cache les yeux, on y respire, on s’y énerve, on s’y détend, on s’y ennuie, on y mange, on s’y embrasse, on y dort… En somme, on y vit ! If these walls could talk, ils auraient beaucoup à raconter !
On vit des émotions vraies et sincères face à des vies imaginées et montées à cet effet, avec lesquelles, malgré tout, on garde une certaine distance, celle occupée par l’espace entre la fiction et la réalité. Il arrive pourtant, exceptionnellement, que chez certains spectateurs, cette distance semble infinitésimale voire inexistante. Samedi par exemple, la jeune femme d’à-côté était corps et âme de l’autre côté de l’écran, lâchant des « non, non, non… » à l’approche d’un danger comme le clament les enfants au spectacle de Guignol… Imaginez sa réaction quand le personnage principal s’est violemment fait renverser par une voiture ! Un grand cri strident que les 6 autres personnes de la salle n’ont pu qu’entendre. Puis, elle a fondu en larmes ! Excessif mais sincère. Evidemment, le spectateur de cette scène-là ne peut être que décontenancé. Il peut même sourire (j’avoue, j’ai souri)… C’est la première fois que je voyais une personne de cet âge vivre autant une fiction ! Quelle fatigue émotionnelle ce doit être à chaque fin de séance ! Et quelle est la couleur d’une vie sans filtre ?
… la photogénie naturelle des musées. Toujours le même, qui, après avoir honoré l’horizontalité, passe au vertical lumineux…
Les expositions temporaires du Musée d’art moderne de la ville de Paris, dont les collections permanentes sont en accès libre (ne pas hésiter à leur rendre visite…), m’a parfois (souvent ?), plongée dans une certaine perplexité, voire, comme dirait Dupont ou Dupond, dans une perplexité certaine… Il doit me manquer certains codes pour bien saisir toute la puissance de certaines des œuvres dépouillées présentées aux yeux de tous avec beaucoup déférence.
Dans ces cas-là, le plus énigmatique se trouve parfois dans le petit texte accolé à l’œuvre… J’en avais noté un à l’occasion de l’exposition de celles de Carsten Höller et Rosemaire Trockel (ce qui remonte à quelques années déjà). Juste une phrase : « Certaines pièces apparaissent comme la nouvelle formulation d’un dispositif montré précédemment dans un contexte différent, répondant ainsi à la nécessité interne du développement d’une réflexion. » Quelle structure alambiquée pour se défendre du fait que ce travail a déjà été exposé, et peut-être sous une forme moins aboutie ! Voilà, je me souviens avoir été agacée par ce pseudo snobisme contemporain. C’est toujours le cas ! Un de mes anciens professeurs d’université, un homme qui avait officiellement la tête dans les étoiles et qui du coup était souvent en retard, avait l’habitude de railler ceux qui utilisaient des mots compliqués pour dire des choses simples et se donner des airs plus intelligents… Il n’y a pourtant rien de déshonorant à être compris !
Comme ça, d’emblée, sans avant, sans après, la scène doit sembler énigmatique… Dois-je préciser de quoi il s’agit ? Ecrire où cette photo a été prise ? Et quand ? Difficile d’extraire une image de son contexte et de lui trouver un sens, unique. Comme ça, pourtant, d’emblée, c’est évident. Un dimanche après-midi, ensoleillé qui plus est (donc passé depuis belle lurette), dans un parc pris d’assaut (ah, ah) par une bande de girafes télescopiques et une funambule tractée par de joyeux lutins. Evident ! Bien sûr, il y a le tintamarre des tambours, en dehors de l’image et, l’odeur des fumigènes, hors champ aussi… Et puis, peu à peu, il y a les souvenirs qui remontent à la surface, grâce à l’image évidemment…
En pratique, toutes les photos figurant sur ce site sont en vente. N'hésitez pas à me contacter pour plus de renseignements !
Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Les photographies naissent toujours au moins trois fois. Une première fois lorsque nous les imaginons et qu’elles ne sont encore que virtuelles ; une deuxième fois quand nous les prenons et qu’elles existent alors ; et une troisième, lorsque enfin, nous les utilisons. Ces trois moments peuvent être totalement déconnectés dans le temps et nombreuses […]