Photo-graphies et un peu plus…

Comme je l’ai déjà évoqué dans La croisée des chemins, j’aime aborder une ville en me laissant guider par le hasard et la surprise que me réserve le bout de chaque rue ou une perspective lointaine. Avec un plan, la route est déjà toute tracée. On suit le chemin optimal pour voir tel ou tel monument connu, bâtisse remarquable, musée incontournable. Choisir l’option hasardeuse impose, soit d’avoir du temps, soit de faire l’impasse sur ce qu’il y a « vraiment à voir » dans la ville visitée si le voyage est de courte durée. Même si cette notion de « vraiment à voir » mériterait d’être discutée.

Toujours est-il que cette option hasardeuse m’a un jour conduite face à ce mastodonte énigmatique. Au détour d’une rue donc, il n’y avait plus que lui pour occuper mon champ visuel. Tout, dans ce bloc, en impose. La hauteur d’abord, la largeur ensuite, puis l’architecture. Et puis, surtout, une chose intrigue rapidement : où sont les fenêtres ? Les gros blocs sombres situés à mi-hauteur et au sommet sont vraisemblablement destinés au système d’aération intérieur… Aucune ouverture sur le flanc Est. Je fais le tour, ce qui prend un temps certain, persuadée que les ouvertures – les fenêtres essentiellement – sont toutes de l’autre côté… Mais, après avoir bien observé les quatre faces du building, je dois me rendre à l’évidence : la lumière naturelle n’entre pas dans ce bâtiment. Sauf si elle est zénithale et dans ce cas, je préférerais ne pas travailler dans les bas étages. Seule ouverture notée : une double porte de taille normale avec deux petites caméras sur les côtés. Pas un nom, pas une enseigne. Un bâtiment neutre. Pas discret étant donné sa taille, mais ne laissant rien transparaître de ce qui s’y trame. Tout ce mystère fait naître une autre question : qu’hébergent donc ces murs apparemment impénétrables ? Le bâtiment de Men in black me revient à l’esprit. De la science-fiction ! Evidemment, m’étant laissée guider par le fameux hasard, je ne sais pas où je suis. Et lorsque je me retrouve face à un plan, je réussis à me persuader que ce bâtiment n’est pas indiqué sur la carte. Cela épaissit un peu plus le mystère, ce qui me va plutôt bien…

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Mes vacances avec Holga. C’était le titre d’un livre photo. Avec Holga donc. Je ne connaissais pas. Naïvement, j’ai d’abord cru à un voyage en Russie. Retour à l’ouest pour cette image irréelle. Le fruit imprévisible d’Holga. Appareil photo plastique qui laisse, si on le souhaite, passer la lumière. D’où, par exemple, les petites ailes rouges sur Voyages télescopés, que j’avais d’abord effacées avant de me raviser. Cette image était la volonté d’Holga.

Donc, résultat imprévisible et à la reproductibilité plus qu’utopique. Mais, au fond, c’est exactement ce qui est recherché en utilisant ce genre d’appareil ouvertement imparfait. Un dérèglement, un grain de folie, une prise de liberté avec le sujet qui nous échappe, ne nous appartient pas… Dans cette pseudo anarchie photographique, le contre-pied de l’opérateur consiste à forcer le destin, sans pour autant pouvoir se vanter d’anticiper l’esprit de l’image finale. Fixer sciemment l’astre brillant et tout se dérègle ! Une vraie déflagration. L’image se défile sous nos yeux. Se dématérialise. Et le Flat Iron Building se mue en gardien tout puissant d’une ville haute, devant lequel on se prosternerait presque. Vive Holga !

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« Vous avez acheté là ou vous aimez les briques ? » me demande un monsieur en me voyant affairée autour de cet amas de terre rouge cerclée depuis quelques minutes. Je souris. « J’aime les briques, c’est ça ! ». « Ah ! » rétorque-t-il tout en continuant de marcher. Certes, même si elle était proposée (peut-être ironiquement), cette réponse n’était visiblement pas celle qu’il attendait. En même temps, photographier des briques parce que l’on aime leur forme, leur couleur, leur texture, leur assemblage et tout le potentiel qu’elles couvent en elles, me semble bien moins étrange que photographier des briques qui vont potentiellement constituer les murs de son futur appartement. Comme un inspecteur des travaux pas finis en quête d’un vice de forme. Genre : « il est hors de question que cette brique fasse partie de ma cuisine ! » Mais, j’avoue, je n’en suis pas à ma première tentative avec les briques. Je crois même que quelque chose est en train de se construire entre nous…

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Toute absorbée par l’originalité de la forme de la fenêtre de droite – mais peut-on décemment encore parler de fenêtre dans ce cas ? -, j’ai totalement zappé le vieux monsieur qui était derrière la fenêtre de gauche. Il ne s’est révélé qu’au visionnage des photos du jour. Il me regarde. Le sourire n’y est pas vraiment… Je ne suis certainement pas la première à m’extasier devant cette percée murale, ni la première à la photographier. Il se dit peut-être : « Encore une qui croit avoir découvert quelque chose ! ». Lui, c’est l’éternel voisin, derrière sa banale fenêtre rectangulaire, c’est celui que l’on oublie, ou que l’on ne voit qu’après. A posteriori, je ne sais plus quel regard est le plus intéressant : celui, épieur, du monsieur, ou celui, plus mécanique, de la fenêtre à l’allure d’onomatopée ?

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Se promener dans certaines rues de Lisbonne, en particulier son labyrinthesque quartier historique, l’Alfama, suppose de ne pas être trop claustrophobe… Y habiter a fortiori. Car, entre ces deux immeubles – oui, oui, les deux  là, en bas de l’image -, se faufile bel et bien une venelle. Un « beco », on dit là-bas. On doit aussi s’y faire des bisous, mais il ne s’agit pas du même. Les deux bâtisses ont beau tenter de s’éloigner légèrement l’une de l’autre au bout de quelques mètres, où que l’on soit, il suffit d’écarter les bras pour en toucher les deux côtés ! Cela a un certain charme…

Evidemment, cela a aussi ses inconvénients : un manque évident de lumière, une potentielle promiscuité avec le voisin d’en face, que dis-je ?, d’à côté, une impossibilité de passer avec les poussettes modernes, en voiture n’en parlons pas (ce qui est un avantage)… Imaginez un déménagement dans un de ces Beco. Tout doit arriver en pièces détachées. Après le labyrinthe, le jeu de Légo au beau milieu de l’appartement. Mieux vaut ne pas s’être équipé chez les Suédois : ça se démonte, mais ça ne se remonte plus !

C’est comme certaines montres… L’autre jour, en face de moi, dans le train, une dame avait une montre bijou. Une grande première pour mes yeux ! J’ai donc vérifié à plusieurs reprises. L’idée d’avoir un bijou représentant une montre à l’heure figée à 10h10’24 » me paraissant en effet légèrement étrange… Rien à voir avec la tour de l’horloge bloquée à 8h15 un certain 6 août 1945 à Hiroshima ! Pour quelle(s) raison(s) pourrait-on vouloir porter une montre dont la mission n’est pas de donner l’heure mais de faire croire qu’elle la donne ? Le temps est décidément bien blagueur. Et voilà, je parle, je parle, et je suis perdue dans un de ces fichus Becos !

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… les musées sont pris d’assaut. Inutile de raser les murs dans l’espoir d’être maigrement protégé par les balcons et autres avancées, inutile d’essayer de passer entre les gouttes en marchant sous les arbres car il pleut aussi sous ces derniers. A l’accueil où tout était calme depuis quelques heures, tout d’un coup, c’est l’affluence. Gérer les entrées, les parapluies mouillés. Rapidement, l’esseulé est dépassé. A l’intérieur, les peintures sont sèches mais l’humidité ambiante augmente du fait de la présence des visiteurs dégoulinant. Les capteurs s’affolent. Mais pas uniquement à cause de la moiteur… A cause des enfants aussi !

Imaginez un peu… Vous êtes tranquillement en train d’admirer les détails d’une estampe de Félix Buhot (qui, en écho avec la situation présente, représente d’ailleurs la ville par temps de pluie) quand votre attention est soudainement interrompue par une succession de petits cris stridents. Une souris peut-être ? C’est tout comme ! Une petite fille allongée sur les dalles de carrelage au beau milieu de la pièce et en train de faire l’étoile. C’est très joli. Son père, un peu gêné, vient la relever rapidement et lui expliquer que l’on ne peut pas faire ça ici etc. Elle restera debout pour la suite de la visite, en courant… Trois options pour les parents : lui faire un sermon toutes les cinq minutes ou faire comme si ça n’était pas leur fille. Ce qui peut marcher ! Il y a aussi, essayer de l’intéresser à ce qui se trame sur ces feuilles de dessin. Ce qui les amène à rester plus de temps que de raison devant une estampe de Berthe Morisot représentant une petite fille, sage comme une image…

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Regarder vers la terre à marée basse, et non vers l’horizon lointain, donne souvent une toute nouvelle perspective aux bâtiments que l’on a le plus souvent l’habitude d’appréhender depuis la digue, courant à ses pieds. Des figures géométriques se détachent, se désolidarisent de la masse qu’elles composent à courte distance. Un point face à un enchaînement de carrés… Point trait. Soit A en morse.

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Il n’y a pas que les petits qui aiment se perdre dans les dédales de miroirs convexes et concaves pour s’offrir une nouvelle silhouette ! Autant dire que cette façade aux vitres bien rangées et que l’on imagine parfaitement planes prend quelques libertés avec les formes. Et du coup, avec le fond, qui parade innocemment.

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En ville, je ne peux pas résister à faire foncer les lignes dans les coins, à découper l’espace en zones bien distinctes, à orienter voire à faire fuir le regard, à chercher la forme détonante du panorama, à jouer du reflet et de la réflexion, à créer l’illusion… Le pont se poursuit-il vraiment dans l’immeuble à la façade de verre ?

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Toujours commencer la semaine par un brin de ciel bleu et un peu de hauteur… J’ai déjà écrit cela il y a quelques semaines, quelques mois. Rien de tel, pour ce faire, qu’un petit détour par la grande pomme aux lignes acérées. Un cliché parmi tant d’autres sur cette ville magnétique. Les taxis jaunes, ces puzzles sur le bitume et surtout le fringuant Flat Iron Building.

La première fois que je suis allée à New York, il était entouré d’un filet de dentelle. Ravalement. Pour se faire une beauté. Une frustration quand on ne sait si on aura la chance de revenir ou pas. La nuit venue, depuis le sommet de l’Empire State Building, ce monument d’architecture se démarque comme peu d’autres dans le magma lumineux que devient la ville. Non qu’il soit particulièrement bien éclairé, mais sa position centrale, au carrefour des 23e rue, 5e avenue et Broadway en fait un point où le trafic converge pour mieux s’en éloigner. Une toile d’araignée en quelque sorte. Arrivé à la jonction, le flot d’automobiles se décompose alors en deux artères bien rectilignes. D’en haut, des filets de lumière incessants comme un flux sanguin.

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