Photo-graphies et un peu plus…

Des courbes et des lignes

Jamais je n’aurais cru mon moi de 2017 s’il était venu me voir en 2001 pour me dire, alors même que je refusais d’aller nager dans les piscines parisiennes car je trouvais que cela n’avait aucun sens d’enchaîner les longueurs pour enchaîner les longueurs – c’est comme si vous faisiez des allers-retours sur un trottoir pour marcher, sans autre but que de marcher ; d’ailleurs, pourquoi personne ne fait cela alors que des gens font le tour de parcs en courant, qu’ils font des longueurs en piscine ? -…

Oups, mayday, mayday, on a perdu Lou dès la 2e ligne ! Pardon, je reprends… Donc, jamais je n’aurais cru mon moi de 2017 s’il était venu me voir en 2001 pour me dire que seize ans plus tard, non seulement je ferai des longueurs dans des piscines, mais qu’en plus, je ferai le tour de stades en marchant vite… Vous vous dites que mon moi de 2017 n’est pas très charitable et qu’il aurait pu me donner des informations plus utiles, un peu à la Retour vers le futur 2 ? Oui, moi aussi, mais la vie est ce qu’elle est au moment où elle l’est. Ce qui n’est pas aussi fataliste qu’il n’y paraît. Je me remets dans le couloir de ma pensée sinon, je vais encore être rappelée à l’ordre.

Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et je change d’avis donc… Bref, une migration désirée peut justement être l’occasion de prendre de nouveaux rythmes, que l’on aurait rejetés dans son cadre habituel de vie. De fait, un jour, en explorant ce campus de la banlieue de Taipei où j’allais passer quelques mois, je suis tombée sur ce terrain de sport, entouré, comme il se doit, d’une piste d’athlétisme. Si je n’ai jamais vu quiconque sur le terrain, en revanche, les couloirs avaient leurs habitués, en tenue de ville, de sport, des jeunes, des vieux, des marcheurs, des coureurs, des silencieux, des chahuteurs, des solitaires ou des groupes… Ils se retrouvaient ainsi en fin de journée pour faire un peu d’exercice. En l’occurrence, quelques tours du stade à des allures variables et, en tout cas, en phase avec l’objectif qu’ils s’étaient fixé. J’avoue avoir trouvé étrange de préférer faire le tour d’un terrain alors que le campus, bien plus grand, était arboré et offrait donc d’agréables balades. Pourtant, un jour, après les avoir observés une énième fois, je me suis lancée et mise sur la piste. Et j’ai commencé à marcher. Sans réfléchir. J’ai alors fait un tour, puis un autre puis un autre… Et c’était plutôt agréable. Alors, j’y suis retournée le lendemain puis le surlendemain, et de couloir en couloir, c’est devenu une habitude post-prandiale quasi quotidienne, une sorte de rendez-vous informel. On pourrait penser qu’il n’y a aucune surprise possible à faire en boucle le même chemin, jour après jour. Et bien, c’est vrai, et c’est aussi ce qui repose… enfin, sauf quand deux étudiantes se présentent en pull rayé sur les bandes de la piste… et quand des étudiants répètent une chorégraphie… et quand un escargot traverse les pistes… et…

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Le souffle court

En effet, il s’agit d’un terrain de basket doublé d’un terrain de hand ball, sur lequel on joue certainement au foot également même si la discipline a son propre stade de taille réglementaire un peu plus haut dans le village. Bref, c’est un banal terrain de sport comme il en existe des dizaines de milliers, sûrement même des centaines de milliers dans le monde (statistique totalement inventée mais revue à la hausse en découvrant que la France à elle seule comptait déjà 18 000 clubs de foot…). Sauf que, si le terrain est effectivement classique, le site où il a été construit l’est nettement moins.

Socaire, petit hameau dont le dernier recensement datant de 2002 relevait la présence de 843 âmes, en plein coeur du désert d’Atacama, plus connue pour son église et sa porte en bois de cactus que pour son terrain de sport, est surtout située à 3 500 mètres d’altitude. « ¡3.500 metros sobre el nivel del mar! » s’exclamerait l’alter ego chilien de Doc en s’arrachant les cheveux ! Et oui ! Certes, il y a plus haut (mais pas de beaucoup puisque le stade olympique Hernando Siles à La Paz, la porte à côté, n’est qu’à 137 mètres de haut en plus) et certes bis, on s’acclimate, mais imaginer des gens courir dans tous les sens après un ballon alors que la teneur en oxygène de l’air diminue et que, par réaction, le rythme cardiaque s’emballe, me coupe le souffle par avance ! Bon, évidemment, je n’ai vu personne s’y aventurer et peut-être le terrain n’a-t-il jamais vraiment servi mais son existence (et la blancheur des buts et paniers) suffit à me faire penser que ce n’est simplement pas la bonne heure…

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