Photo-graphies et un peu plus…

Trois cent mille kilomètres par seconde

La nature n’est pas bien faite… Enfin, si, la nature est bien faite, mais quand même, pourquoi a-t-il fallu que la vitesse de la lumière – 299 792 458 m/s plus précisément – soit à ce point supérieure à celle du son – seulement 340 m/s à 15°c et au niveau de la mer ? La lumière, elle, se moque de la température et de l’altitude puisqu’elle est capable de se déplacer dans le vide quand bien même elle ralentit un chouia lorsqu’elle a à se propager dans l’air. Et d’ailleurs, même si nous vivions sous l’eau où le son se déplace plus de 4 fois plus vite que dans l’air, le ratio serait encore largement en sa défaveur. Bref, le son ne fait pas le poids devant la lumière.

Et si dans nos petites vies quotidiennes d’êtres humains vivant sur Terre à une vitesse normale – quel que soit notre perception personnelle du temps qui passe -, nous ne nous en rendons généralement pas compte, il est une situation extra-ordinaire, lumineuse et tonitruante à la fois qui nous place face à cette terrible injustice : l’orage ! Un orage avec éclairs et tonnerres donc, sinon, c’est un peu comme des profiteroles sans amandes effilées grillées à la poêle jetées nonchalamment sur le chocolat fondant, il manque quelque chose d’essentiel pour que l’ensemble soit parfait ! Je fais donc partie de ces personnes que l’orage fascine. C’est simple, j’ai des étincelles dans les yeux, j’applaudis après des coups de tonnerre si assourdissants qu’ils donnent l’impression que la planète se fend en deux, je crie littéralement de joie et d’émerveillement lorsque de multiples éclairs viennent fendre le ciel et éclairer le monde de leur surpuissante lumière !

Evidemment, je cherche à prendre des photos et c’est à ce moment précis, après plusieurs essais infructueux – « pourquoi as-tu photographié l’immeuble d’en face ? » – que j’aimerais que le tonnerre soit celui qui annonce l’éclair et non l’inverse… Cela donnerait au moins un indice quant à leur survenue, alors que dans cette configuration décidée par les lois universelles de la physique – et qui ont tout de même fait du bon travail jusqu’à présent : nous existons… encore que je ne sois pas sûre que nous n’aurions pas existé si la vitesse du son avait été supérieure à celle de la lumière -, impossible de savoir d’où va partir le prochain éclair. Et évidemment, à cette vitesse, inutile de chercher à le rattraper ! Cela relève du coup de chance. Il ne reste alors plus qu’une chose à faire : se poser quelque part, lever la tête, scruter le ciel, attendre, vibrer, tressaillir, admirer et avoir le coup de foudre !

Share on Facebook

Far

Il y a ce phare permanent tout proche qui brille comme une étoile mais sans ciller, au bord de ce bassin où grandissent les poissons tant bien que mal, un phare au ras des herbes hautes occupé par deux hommes nus de torse finissant leur éreintante et chaleureuse journée en écoutant une musique libérée de leur radio à piles et en se grillant une poignée de cigarettes. Et puis il y a ce phare lointain, intempestif, imprévisible, éclatant, spectaculaire, circonscrit aux stratocumulus dans lesquels il se débat sans pouvoir en sortir, en envoyant ses décharges électriques, petites et grandes, qui viennent éclairer la nuit par intermittence. La lumière n’est-elle pas faite pour irradier ? Un phare étrangement silencieux par ailleurs alors que l’on espérerait un tonnerre d’applaudissements, des craquements tonitruants, de graves grondements… Un orage sans son donc, qui a préféré squatter les hautes sphères plutôt que flirter avec la terre, trop basse. Pas de coup de foudre ce soir. A la place, un concert de basse-cour fébrile et magnétique imperceptible à l’oeil nu mais audible juste ici

Share on Facebook

Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…

*

Il y a eu un feu d’artifice. Sur cette plage de sable fin. Hier soir. Il faisait nuit et à 23h, la foule commençait à s’impatienter. Ici et là, des artificiers amateurs faisaient exploser leurs lanternes, illuminant de façon spasmodique le ciel étoilé. Un feu de Bengale, des pétards mitraillette, des fusées sifflantes… Des couleurs à tout-va et l’émerveillement latent… Les feux d’artifice… Les feux d’artifice rallient les troupes. Chacun semble avoir bu de l’élixir de jouvence dans ce genre de circonstances. Enfants, parents, vieillards, tout le monde est logé à la même enseigne : les uns comme les autres s’affolent lorsqu’une explosion survient à leur côté, ou poussent des « oohhh » traînant en longueur lorsqu’une pluie d’étoiles file dans leur direction.

La plage se peuple. Dans l’obscurité interrompue d’éclairs bigarrés, des silhouettes se dessinent. Elles sont deux, trois…, cinq, assises autour de lampions ou patientes dans le noir. Ambiance de fête. Une musique indéfinie s’échappe des haut-parleurs, mêlée aux pétarades décalées. Les enfants s’en donnent à cœur joie avec leurs sacs remplis de pétards ou de fusées. Téméraires, ils demeurent près des jets d’étincelles, luttant contre le vent d’ouest pour allumer leur prochain K2.

Au fond, des éclairs inondent le ciel. Se pourrait-il que le spectacle ait lieu là-bas ? Non. La foule est ici, attendant et reluquant – en guise de hors d’œuvre – le feu d’artifice des voisins. C’est alors que les lampadaires s’éteignent. Un « ah… » de satisfaction se répand dans l’assemblée, c’est le signe du départ. Chacun l’espère plus long et plus beau que celui de la veille. Chacun se contorsionne pour observer les premières lueurs. Cela tambourine. Petit à petit, l’extravagance l’emporte sur la timidité des tirs.

Le vent souffle toujours, s’éloignant du soleil couchant. Les fumées issues des explosions multiples forment des nuages cotonneux bleuis par le fond du ciel. De la barbe à papa à portée de main… Un lustre tout droit sorti des dancings des années 30 éclaire la foule quelques secondes, avant d’être remplacé par une série de flashs, détonants et aveuglants, obligeant presque à fermer les yeux. C’est immense. Une pluie d’étoiles filantes rouges s’abat sur les proches spectateurs, qui, pris de panique, se mettent à courir en hurlant. La musique cubaine précède le classique. Un crépitement saccadé annonce la valse langoureuse. Crescendo, decrescendo… Le doute pèse sur le final, qui finit par se faire désirer. Non que le spectacle soit décevant – loin de là – mais, il faut bien qu’il y ait une fin. Et comme on dit : « Terminer en beauté », le final doit se démarquer du reste par un retour en force des détonations, des éclairages artificiels, des « Ohhh » de l’assistance. Or le final s’éternise. Les magiciens s’obstinent à mettre le feu aux poudres, pour le plaisir de chacun. Une dernière salve… d’applaudissements électriques et la foule se disperse. Le sable a fait des bonds, les corps ont vibré, les visages se sont éclairés. Place à la valse des piétons et à la menace des camions !

Share on Facebook

Les premières fois, quelles qu’elles soient, ont toujours un petit goût particulier. Pour certaines, on se demande d’ailleurs comment l’instant n’a pas pu se présenter avant. C’est vrai, un orage, finalement, c’est assez courant ! Même en ville. Ce qui l’est moins, c’est de pouvoir le photographier. Les villes habitées étant souvent peuplées d’immeubles hauts, seuls les plus chanceux ont un ciel ouvert offert à leurs yeux. Cette hauteur oriente notre regard, souvent stoppé net par une façade lorsqu’il s’aventure à se projeter à l’horizon. Lever la tête pour avoir droit à une étroite fenêtre sur le ciel.

Montréal est une ville basse. Avec beaucoup d’habitations de 2, 3 étages principalement. A tout moment, le ciel est présent, dans sa globalité. Il s’étend nonchalamment comme s’il était chez lui, au lieu de se frayer un chemin entre les briques arrangées. A fortiori, un soir d’orage. Ce qui rend plus faciles certaines premières fois, donc. Enfin, moins difficiles. Car, réussir à capturer un éclair dans sa boîte noire relève, pour le néophyte, d’un lumineux coup de chance ! On tente de raisonner, on croit pouvoir définir un cycle, prévoir leur manifestation, on compte le temps entre le tonnerre et l’éclair pour évaluer la distance au son et lumière gratuit, et après plusieurs échecs, on finit par cadrer large et mettre un temps de pause suffisamment long en se disant qu’il y tombera bien « quelque chose ». Le plus souvent, un halo lumineux, comme s’il faisait jour en pleine nuit. Et dans le tas, miraculeusement, un éclair. Qu’on manque d’effacer dans la précipitation. Un bel éclair torturé mais bien décidé, venant s’échouer dans une zone pas si lointaine. Une magie. Qui ne se reproduit pas. Le résultat n’a rien d’extraordinaire. Seulement, le seul fait d’être la première image de ce genre la rend extra-ordinaire… L’orage se déplace, des trombes d’eau balayent les rues désertées, les premières feuilles jaunes tombent au sol, les flashs se détournent, le tonnerre gronde toujours, mais il est déjà plus sourd. La tempête se poursuit ailleurs. Avec sûrement, à d’autres fenêtres, d’autres admirateurs…

Share on Facebook