Photo-graphies et un peu plus…

La caverne inespérée

Souvent, on grimpe aux arbres. Ou aux branches. Ou tout du moins, on essaye. Mais il n’arrive que très rarement que l’on puisse entrer dedans…

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Les bras m'en tombent...

Après tant d’années, il y a prescription. Donc, je vous le dis. Pour arriver là, c’est-à-dire, sur cette plage de galets donnant sur un Océan Indien version 50e hurlants somme toute assez paisible, où se jette sans grand fracas la Rivière des Macaronis, du nom d’une espèce de manchots à aigrettes qui ne sont pourtant pas ceux présents à l’embouchure à cet instant précis – en l’occurrence, des papous -, nous avons feinté. Pire, nous – mes trois camarades de manip’ et moi-même – avons fait le mur pendant deux jours et demi, et, par conséquent, menti, par omission, aux autorités locales miraculeusement hors de portée de VHF.

Notre mission officielle, acceptée : réparer le toit d’une des cabanes de la Presqu’île Ronarc’h, une pure beauté minérale vierge accrochée au sud-est des Iles Kerguelen, à quelques heures de bateau de la base de Port-aux-Français. Notre mission secrète, telle que nous l’avions imaginée et préparée à la lueur de nos bougies et des étoiles plein les yeux, allant jusqu’à cacher notre matériel de bivouac dans des touques : régler cette histoire de toit aussi vite que possible puis déserter ladite cabane afin d’explorer cette majestueuse presqu’île rocheuse, tâter des souilles, des pierriers et des azorelles, jusqu’à atteindre, en particulier, cette Anse de la Caverne énigmatique et magnétique car au bout du bout du monde.

Or, le bout du monde, c’est un peu comme la bouée : lorsqu’il est à ce point à portée de bottes, impossible à l’âme aventureuse d’y résister. Car c’est un appel du vide – après ce piton rocheux et ces falaises, il faut attendre l’Antarctique pour reposer le pied à « terre », ce qui est assez vertigineux quand on vient du continent. Et c’est également un rappel du tout – la Terre est sphérique : par définition, elle n’a donc pas de bout, puisqu’elle ne forme qu’un tout. Et il est parfois bon de s’en souvenir.

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Si le voyageur peut accepter, sous certaines conditions, d’être taxé de touriste – ce qu’il est quoi qu’il en pense et malgré la connotation négative que peut recouvrir ce terme -, il est nettement moins flexible et compréhensif lorsque d’autres voudraient voir en lui un simple mouton de Panurge suivant le flux sans réfléchir. Ou les conseils de son guide de voyage dont il a indéniablement besoin tout en ressentant une petite gêne d’avoir recours à cet appendice pour appréhender l’inconnu. Dans ce contexte nimbé d’illusions, ce que le voyageur aime par dessus tout est donc cette sensation de ne pas être un touriste comme les autres.

Imaginez donc sa fierté lorsqu’un autochtone avec qui il a sympathisé partage ses plans préférés, ceux-là même qui ne se trouvent pas dans les anti-sèches du migrant temporaire qu’il est et qui sont à peine indiquées sur les cartes. « Là, sur cette route, entre telle ville et telle autre, une piste partira à la perpendiculaire, il ne faudra pas la rater car il n’y a aucune indication, vous bifurquerez là et ensuite vous devrez rouler une bonne dizaine de minutes avant d’atteindre cette petite plage magnifique et isolée que seuls les gens du coin connaissent… » Bien évidemment, le voyageur ne verra la fameuse piste que seulement après l’avoir dépassée, il pestera le temps de son demi-tour à la hussarde tout en souriant légèrement, conscient de n’avoir jamais été aussi près d’un endroit « spécial ». Chaque virage sera une aventure en soi et lorsque, pour la première fois, il apercevra ladite plage au loin, effectivement perdue au milieu de nulle part et peu fréquentée, il garera sa voiture sur le bas-côté pour immortaliser cet instant avant d’achever son trajet et de foncer tête baissée dans une eau qu’il ne pouvait imaginer si translucide et turquoise. Et là, tel un poisson dans l’eau, il pensera que, définitivement, il n’est pas un mouton.

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