Photo-graphies et un peu plus…
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Il est étonnant de voir à quel point cette image de rail attaqué par la rouille avec ses traverses bien parallèles, paraissant à peine posé sur le sable ocre et allant se fondre dans un horizon blanc énigmatique ressemble à la vue aérienne nocturne et électrifiée d’Impression soleil levant. Pourtant, rien de plus opposées que ces deux représentations de la vie.

Si la photographie d’hier incarnait l’urbanisme dans toute sa démesure et laissait deviner une forte activité humaine, celle-ci ne montre rien. Cette voie de chemin de fer est perdue au milieu du désert du Namib. Il n’y a tellement rien autour que si l’on regarde à gauche et à droite avant de s’en approcher, ce n’est pas pour s’enquérir de l’arrivée éventuelle d’un train mais plutôt pour tenter de voir où disparaissent ces lignes. Tout au plus, trouve-t-on des poteaux et un câble électrique courant en parallèle, ainsi qu’une route, rectiligne, suivant le mouvement. Trois camarades d’errance, trois traits d’union silencieux entre quelque chose et quelque chose. Un vide, un trou noir, un néant qui aspire, inspire et fascine autant que la ville grouillante, bruyante et saturée. Et au final, ce sont ces bouts de métal et de macadam ardemment chauffés par les rayons d’un soleil capricorne filant droit comme l’honnêteté qui (trans)portent une vie qui ne fait que passer…

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Si loin, et pourtant si proches ainsi juxtaposés, comme ils l’étaient déjà, superposés, dans Paradoxe auditif…. Abysse de glace bleue turquoise dont le fond, insondable, nous appelle tel un champ gravitationnel neptunien. A l’aplomb, juste avant la crevasse, une épaisse couche de neige nous sauve de la dégringolade fatale. Elle craque sous les pas, nous prévient. Dans cette atmosphère bleue et blanche qui amortit les sons et donne à chacun l’impression d’être dans une chambre sourde ou un monde déserté par la vie, on n’entend que cela, ce bruit inimitable du crissement des flocons délicatement posés les uns sur les autres, cet air glacial coincé entre les cristaux expulsé brutalement par la pression. Le chant des glaces…

Dans l’autre hémisphère, celui où l’on a la tête en haut, dans le sable, le sans fin, c’est à la fois une autre histoire et la même ritournelle. Il n’est d’ailleurs pas si lointain le temps où l’on m’a appris la nouvelle. Les dunes chantent. A leur manière. Un mythe comme pourrait l’être le tintement induit par l’éclatement de gouttes de rosée à l’heure bleue ? Non, une réalité. Des sons graves, vibrants, d’une puissance assourdissante pouvant atteindre 100 dB selon la taille des grains, provoqués par de grandes avalanches de sable et ressemblant, par moments, à un vol de bourdons. Un pas un peu appuyé sur le rebord d’une dune bien choisie. Elle se fissure. Lentement, la dune se met en branle. Roulement de tambours. Le grondement monte. Tout, autour, s’emplit d’un profond silence, tout s’éteint. Puis les étoiles s’allument, scintillant comme des cristaux de glace. Ce soir, c’est concert à ciel ouvert ! Ou comment le plus insignifiant des grains de sable peut être à l’origine d’un moment dune indicible volupté…

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Lorsque j’ai pris cette photo, alors bringuebalée à l’arrière d’une jeep en direction d’Antelope Canyon, ce que j’ai voulu voir, c’est le reflet du conducteur dans le rétroviseur ainsi que celui du paysage sur le dos du phare supplémentaire greffé à l’avant de la carlingue. Evidemment, je savais qu’il était Indien,  l’ayant vu monter dans le véhicule. Ce canyon magnifique, situé sur une réserve Navajo, est, de fait, géré par la communauté. Que le guide, dont on ne voit pas le visage, porte un T-shirt sur lequel figure un Indien était donc le détail motivant la prise de vue. Je n’étais pas allée plus loin que : « Oh, c’est amusant, il est Indien et il a un T-Shirt avec un Indien ! »

Aujourd’hui, je ne trouve plus cela très amusant en fait, mais questionnant. Quel message veut en effet faire passer un Indien portant un vêtement montrant un membre de son groupe en habit traditionnel, peut-être tel qu’on se le représente dans notre imaginaire biaisé par les westerns manichéens ? Est-ce une sorte de mise en abyme ? « Je suis cet Indien sur ce T-Shirt, mais, en même temps, je ne suis plus cet Indien sur ce T-Shirt avec son arc et ses flèches. Je conduis une voiture, j’ai une montre, je fais visiter mon canyon à des visages pâles. » Est-ce de l’auto-dérision ? Ou au contraire, une façon de montrer sa fierté d’appartenir aux premières Nations ? Une façon de dire : « je suis une icône ! » ? La question est transposée sur d’autres terres. Un Kenyan porterait-il un T-Shirt avec des Masaïs en train de faire des bonds ? Et un Français, un avec un petit vieux doté de baguette et béret ? Revendiquer de tels clichés peut-il relever d’autre chose que de l’auto-dérision ? Et pourtant, ce sont probablement ces pièces de coton que les touristes ramènent le plus de leurs périples exotiques. Car ce sont souvent ces clichés, ces images d’Epinal qu’ils viennent chercher.

Quoi qu’il en soit, cette simple photo montre que l’interprétation que l’on peut faire d’une image, même si l’on en est l’auteur, change avec le temps. Rien de plus naturel en fait, étant soi-même quelque chose en devenir. Ainsi la photographie n’est pas cette image figée à laquelle on pense parfois. C’est une image animée d’une vie, d’une histoire évoluant au gré des yeux qui la regardent…

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Fin de manifestation à Lyon dans une rue adjacente à celle empruntée par le cortège. Les fumigènes flottent encore dans l’air remonté et chargé d’électrons libres. Tranquillement, ceux qui s’en sont échappés, ou qui n’y ont pas participé, rentrent chez eux avec la sensation du devoir accompli. Profitant, pour certains, de ce désert urbain pour s’offrir une petite virée sur la rue même. Pacifiquement. Impression de fin de quelque chose. Pour ne pas dire du monde. Qui serait un peu trop fort. Une image d’une actualité brûlante, pourrait-on dire.

En fait, une légende. Dans un sens comme dans l’autre. Une photo certes prise à Lyon. Mais dans un contexte totalement différent de celui exposé ci-dessus. Un incendie important dans un proche bâtiment. Quartier bloqué par sécurité par les soldats du feu à son chevet. La fumée au fond ? Celle émanant des flammes dévastatrices. Une photo sans histoire peut en avoir mille selon qui la regarde, le moment où elle est partagée, la disposition dans laquelle se trouvent ses observateurs, mais aussi sa légende, très facilement manipulatrice pour qui ne dispose d’aucun moyen de vérification. D’ailleurs, cette photo a été prise à Paris, un matin brumeux, avant que la ville ne se réveille vraiment et que les rues ne s’emplissent de boites métalliques hurlantes et de promeneurs égarés…

En fait, ce n’est pas vrai non plus.

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