Photo-graphies et un peu plus…
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Il a fallu faire un sacré détour pour les trouver et le tapis de neige hivernal n’a pas facilité pas les recherches… Mais au terme de 2h34 de marche par -17, elles sont apparues, dépassant à peine de la surface pour certaines : les flèches de la bataille de Tehukatemak. Intactes malgré les épreuves du temps et étrangement concentrées, laissant imaginer la violence, mais aussi le chaos, de l’attaque qui s’est tenue dans cette orée en 1893 ainsi que la taille de l’ennemi. Un ennemi sur lequel il plane d’ailleurs une légende incroyable. Tous les témoignages des assaillants de l’époque concordent : il se serait volatilisé juste avant que la salve de flèches ne l’atteigne, comme par magie…

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Il y a beaucoup de questions auxquelles nous n’avons pas, à titre individuel, de réponse. Je ne parle pas des récurrentes « qui suis-je ? », « où vais-je ? », « mais qui a changé la place du sel ? ». Des choses plus faciles : « quelle est la capitale du Malawi ? », « qui a réalisé « Le père noël est une ordure ? », « quelle mer se trouve au sud des Philippines ? »… Un mélange de questions jaune et rose au Trivial Pursuit, par exemple. Mais, même si nous ne connaissons pas les réponses à ces questions-là, nous savons qu’elles existent, qu’elles sont simples et uniques. Lilongwe, Jean-Marie Poiré, la mer de Célèbes.

Parmi ces questions ne sondant que les abysses de notre inculture, il arrive que certaines soient de véritables colles. Cela dépasse le simple fait de savoir ou pas. C’est donc légèrement déstabilisée que j’ai accueilli cette question pourtant légitime : « Qui a découvert la France et quand ? » Lorsque la question est posée par une canadienne, sur une île officiellement découverte en 1534 par Jacques Cartier (les Micmacs – qui n’est pas le nom d’un double burger prononcé par un enfant ni un ensemble de mauvaises intrigues, mais une tribu amérindienne – y vivaient déjà) et aujourd’hui composée essentiellement d’une population descendant d’irlandais, d’anglais, d’écossais, d’acadiens, cela a du sens. Et la réponse que je me suis piteusement entendue bredouiller, après avoir remué le peu qu’il restait de mes cours d’histoire, est : « euh, je ne me suis jamais posé la question en ces termes ; c’est comme si la France, qui n’était pas la France d’aujourd’hui, avait toujours été là ». Même si la bêtise de ma réponse m’est apparue sitôt après l’avoir prononcée, je n’ai pas réussi à la retenir. Les premières traces d’hommes (préhistoriques) en « France » remontent à 1 Mo d’années. Des Homo erectus venant d’Afrique. Il serait donc juste de dire qu’ils ont découvert la « France ». Mais que sous-entend réellement le mot « découvrir » ? Jacques Cartier est le découvreur officiel d’une terre qui était déjà habitée par les Indiens, les peuples des Premières Nations comme on dit aussi, qui auraient posé le pied en Amérique il y a au moins 40 000 ans via le Détroit de Béring alors gelé. Tout est relatif et la découverte ne vaut que pour les ignorants. Malheureusement, l’ignorant se croit parfois supérieur, se sentant alors obligé d’effacer et/ou d’avilir, les traces de vie antérieures à son arrivée…

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Lorsque j’ai pris cette photo, alors bringuebalée à l’arrière d’une jeep en direction d’Antelope Canyon, ce que j’ai voulu voir, c’est le reflet du conducteur dans le rétroviseur ainsi que celui du paysage sur le dos du phare supplémentaire greffé à l’avant de la carlingue. Evidemment, je savais qu’il était Indien,  l’ayant vu monter dans le véhicule. Ce canyon magnifique, situé sur une réserve Navajo, est, de fait, géré par la communauté. Que le guide, dont on ne voit pas le visage, porte un T-shirt sur lequel figure un Indien était donc le détail motivant la prise de vue. Je n’étais pas allée plus loin que : « Oh, c’est amusant, il est Indien et il a un T-Shirt avec un Indien ! »

Aujourd’hui, je ne trouve plus cela très amusant en fait, mais questionnant. Quel message veut en effet faire passer un Indien portant un vêtement montrant un membre de son groupe en habit traditionnel, peut-être tel qu’on se le représente dans notre imaginaire biaisé par les westerns manichéens ? Est-ce une sorte de mise en abyme ? « Je suis cet Indien sur ce T-Shirt, mais, en même temps, je ne suis plus cet Indien sur ce T-Shirt avec son arc et ses flèches. Je conduis une voiture, j’ai une montre, je fais visiter mon canyon à des visages pâles. » Est-ce de l’auto-dérision ? Ou au contraire, une façon de montrer sa fierté d’appartenir aux premières Nations ? Une façon de dire : « je suis une icône ! » ? La question est transposée sur d’autres terres. Un Kenyan porterait-il un T-Shirt avec des Masaïs en train de faire des bonds ? Et un Français, un avec un petit vieux doté de baguette et béret ? Revendiquer de tels clichés peut-il relever d’autre chose que de l’auto-dérision ? Et pourtant, ce sont probablement ces pièces de coton que les touristes ramènent le plus de leurs périples exotiques. Car ce sont souvent ces clichés, ces images d’Epinal qu’ils viennent chercher.

Quoi qu’il en soit, cette simple photo montre que l’interprétation que l’on peut faire d’une image, même si l’on en est l’auteur, change avec le temps. Rien de plus naturel en fait, étant soi-même quelque chose en devenir. Ainsi la photographie n’est pas cette image figée à laquelle on pense parfois. C’est une image animée d’une vie, d’une histoire évoluant au gré des yeux qui la regardent…

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