Photo-graphies et un peu plus…

« Sur une branche, perchée avec… » ou 3 questions posées à un membre de l’écho-munauté… Pour ouvrir la série, Laurence Serfaty.

Quelle est la place de la photographie dans ta vie ?
J’ai eu mon premier Instamatic Kodak à 12 ans, un cadeau de mon père pour mon anniversaire, je crois. Je n’avais pas du tout le sens du cadre. J’ai commencé à comprendre comment composer une photo en visitant les châteaux de la Loire. C’est là que j’ai réalisé qu’il fallait chercher des angles originaux, des points de vue différents et ne pas se contenter de faire “clic” face au monument. Je ne prends pas de photos régulièrement, je ne pars pas en chasse à la bonne photo et je n’ai jamais eu un excellent matériel. D’ailleurs, l’envie d’acquérir un meilleur équipement commence à me démanger. Aujourd’hui, je fais pas mal de photos avec mon Iphone et avec un petit Canon numérique. J’ai du mal à prendre des photos quand les émotions que je ressens sont intenses parce que je préfère vivre le moment plutôt que de chercher à en préserver une trace en image. L’autre jour, je suis allée voir Anish Kapoor au Grand Palais, et la sensation, à l’intérieur de son œuvre, était si forte que je ne pouvais me résoudre à prendre mon appareil pour la transformer en cliché. Une fois sortie des “entrailles de la bête” dans la Nef du Grand Palais, l’aspect graphique a pris le dessus et j’ai pu faire quelques clichés. Quand j’observe les gens et leur appareil photo, je me demande souvent combien de photos sont prises chaque jour dans le monde, surtout depuis l’invention du numérique. Je me demande ce que deviennent ces clichés, s’ils sont regardés au retour des voyages. Je me demande aussi parfois sur combien de photos de touristes nous figurons puisqu’il nous arrive si souvent de passer dans le champ d’un appareil. Les photographes que j’aime dans le désordre : Salgado, Reza, les deux photographes qui ont provoqué les émotions les plus fortes et Riboud, Dorothea Lange, Depardon, Capa. Même si je suis sensible à la composition graphique d’une photo, ce sont toujours les photos de gens qui me touchent le plus.

Quelle est l’histoire de cette photo (Graphisme, matières et couleurs, G2-3) ?
Lors de mon tournage à Pittsburgh pour mon documentaire sur le neuromarketing, nous avons fait quelques extérieurs, ce que nous appelons dans notre jargon des « Dallas ». Ce sont des plans de situation extérieurs pour situer le lieu où se déroule l’action, comme dans la série Dallas…, donc à Houston, à Pittsburgh ou encore à Trifouilly les Oies, on fait des Dallas. L’expression vient du temps où Capa TV produisait le magazine 24 heures entre les années 89 et la fin des années 90 pour Canal. Plusieurs équipes de tournage filmaient un même événement depuis des points de vue différents. Chacune devait penser à « faire des Dallas » pour que l’on puisse facilement passer d’un lieu à l’autre en sachant toujours où on est… J’en ai profité pour faire cette photo. Pittsburgh n’est pas une très jolie ville. Dynamique sur le plan universitaire, elle est encore très marquée par son passé industriel, sidérurgique. L’enchevêtrement des lignes, entre la voie de chemin de fer, le pont, la route, le fleuve et les buildings m’a pourtant paru d’une grande poésie.

Quelle association d’idée t’a poussée à choisir cette photo ? J’ai hésité un très court instant avec deux ou trois autres clichés, du fait des couleurs (le bleu intense), des lignes horizontales et verticales, des courbes. La photo de Pittsburgh, néanmoins, a été ma première intuition quand j’ai vu celle de Vancouver. Difficile à expliquer, c’est comme une évidence. Je pense que le cerveau associe des images comme il associe des mots. Je relis ta question et je me dis : c’est davantage une association d’images que d’idées, l’aspect géométrique des deux clichés, les lignes qui s’entrecoupent, et les couleurs.

Demain, ce sera au tour de Sébastien Gonnet de s’asseoir sur la branche…

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