Photo-graphies et un peu plus…

Ce « drapleau », c’est la première chose que j’ai vue en entrant dans la salle des mariages de l’hôtel de ville de Villeurbanne, l’une des pièces maîtresses du quartier des Gratte-ciel. Cet ensemble architectural symbolique du mouvement moderne, remarquable et unique en France, a été conçu dans les années 30 en guise d’habitat social et de cité ouvrière. Allez, faisons la parisienne de base. Je dois avouer, en tant que parisienne de base donc, que la ville de Villeurbanne ne m’a jamais fait fantasmer. Je ne me suis jamais réveillée, un matin, en me disant : « Il faut absolument que j’aille à Villeurbanne ! ». Et, même si c’est affreusement injuste et totalement subjectif, j’aurais tendance à penser que c’est à cause du nom même de la ville. Villeurbanne. Villeurbanne, comme pourrait le dire Harry, ça fait ta feuille d’impôt, ça dévitalise une dent, mais l’extase, non… Heureusement, il y a les mariages pour vous faire aller là où vous n’iriez pas spontanément et, par la même occasion, ravaler vos a priori.

Mais je m’égare. On rembobine. Le drapleau. Point de départ. Quelle étrange idée, dans une institution nationale, que ce tableau… Première pensée, furtive : le drapeau était fixé plus haut sur cette feuille quadrillée et, évidemment, était bien droit ; les attaches ont lâché ; la mairie n’a pas eu le temps de s’en occuper. On a tous un tableau penché chez nous, ou un cadre avec une photo qui se décolle. Pour autant, on ne se jette ni sur l’un ni sur l’autre pour les redresser… Néanmoins, dans une mairie, on imagine un minimum de discipline. Conclusion qui nourrit la seconde pensée, pérenne : il n’y a pas d’erreur, ce drapeau français en pleine dégringolade est une œuvre d’art (en l’occurrence et après recherche : « Le drapeau libre » de Jean-Pierre Raynaud), peut-être même une commande, tout est donc fait exprès ! Mais alors, comment interpréter sa présence dans ce lieu aussi symbolique? Un pied de nez à l’institution ? Une conscience aiguë de la futilité du pouvoir ? Une illustration de la fragilité du pays ? Ou, au contraire, une prise d’indépendance vis-à-vis de la rigidité des règles établies ? Alors même que, en y réfléchissant un peu, un drapeau ne peut jamais être parfaitement droit, hormis sur les dessins d’enfants…

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