C’est terrible comme certaines images peuvent, dans l’instant, nous envoyer à des milliers de kilomètres de l’endroit où elles ont été prises… Ainsi en est-il de ce paysage aux trois éléments capté depuis le siège arrière gauche d’une voiture roulant à 142 km/h sur une autoroute française. Sur le moment, rien de « plus » qu’un soleil couchant, une éolienne en contre-jour, quelques nuages épars et un horizon hoquetant. A posteriori, un air de déjà vu. Un air de Nevada. Un vendredi soir sur la deux fois six voies menant à Las Vegas. Un cliché en somme. A l’allure finalement universelle. Une image générique donc. The end.
Les rais ardents du soleil assèchent tout, les cours d’eau, les herbes folles, les yeux marrons. Une cascade d’eau sur ces attributs voyeurs résout tout. Enfin, en partie… Si le flot, comme la pomme, file rapidement rafraîchir l’humus, une fine pellicule d’eau fait de la résistance et reste fermement amarrée aux yeux. Rideau.
En un rien de temps, tout ce qui était parfaitement défini et identifiable perd la mémoire. Le flou total, qui fait naître de nouvelles formes. Arbre de Noël aux branches attirées par les hauteurs serties de guirlandes estivales aux boules de ciel bleu, de lumière blanche et de feuilles vertes. Mélange confus et inextricable de billes abstraites impossibles à attraper. Magma magnifique que l’on ne peut toucher qu’avec les yeux. Embués.
Cela aurait aussi pu s’appeler : rencontre du 3e type… Car cette chenille semble tout droit sortie d’une au-tre ga-la-xie. Evidemment, j’ai grandi en ville, au cœur du béton et du macadam, je m’émerveille donc facilement devant un bout de nature (oh, une fleur ! ; oh, un mouton ! ; oh, une chenille !…), mais, là, c’est autre chose. La bête fait 2 cm de diamètre et 12 cm de long au moins ! Peut-être une mission secrète pour des extra-terrestres en quête d’une Terre d’accueil ?
Côté discrétion, il faudra alors rapidement leur transmettre les coordonnées d’autres petits hommes verts qui ont déjà étudié la question. Mais très sérieusement, quelle autre raison à la présence de tous ces capteurs bleus sur le dos et de ces antennes flexibles au dessus de la face ? Enfin, quand on s’en approche, de cette mâchoire empourprée, on se dit que leurs intentions ne sont pas forcément pacifiques… Et encore, nous n’en sommes qu’au premier stade ! Cette chenille, magnifique il faut l’avouer, va-t-elle réellement se transformer en papillon ? Guettons les journaux ces jours prochains, un ovni devrait bientôt être repéré dans le ciel tourangeau !
Les promenades dominicales à vélocipède peuvent conduire à une conclusion heureuse : il existe bel et bien un Paris bucolique. Le gris et le crème sont remplacés par le vert et le bleu, les saules viennent pleurer à la surface de l’eau d’où émergent des algues sans fin, les chemins de terre conduisent à des jardins faussement abandonnés, les péniches bien ancrées au rivage sont bercés par le soleil, le ronronnement des moteurs cède sa place au pépiement des oiseaux, les maisons de bois occupent les rives assorties de hamacs. Inspiration. Expiration.
Enfin, Paris. Rectifions. Sa petite couronne. Il n’empêche, de vrais îlots de fraîcheur. D’ailleurs, ce sont des îles… Ile de la Jatte, Ile Saint Germain… Pas les plus modestes ni les plus accessibles, financièrement parlant, car pour le reste, les ponts jouent très bien leur rôle. On traverse d’ailleurs souvent ces bouts de terre entourés d’eau sans se rendre compte de leurs trésors, partiellement cachés ; et donc, sans prendre le temps de s’y arrêter. Car, ces îles-là sont, par définition, de parfaites zones de transit pour les travailleurs motorisés. Sûrement salutaire pour leurs habitants privilégiés. Je me souviens d’un exercice d’école mené sur l’île Saint Louis, autre île inaccessible, mais vraie parisienne pour le coup. L’idée, très facilement concrétisée ? Interroger quelques iliens et les amener à dire que lorsqu’ils franchissaient l’un des six ponts rattachés à leur île, ils allaient textuellement « sur le continent », comme si l’île Saint Louis était perdue en plein milieu de l’océan, comme s’ils vivaient sur… Belle Ile en Mer.
Les larves inertes et suantes que nous sommes en ces jours de fortes chaleurs nous feraient presque regretter l’évolution. Si seulement nous étions encore des poissons ! Mais c’est fini depuis belle lurette, ce temps-là. Alors, à défaut, on se prend à rêver d’avoir une douche froide qui nous suit en permanence. Certes, difficilement réalisable et pas du tout développement durable. Plus simplement alors, avoir les pieds dans l’eau ? Un pédiluve privé sous le bureau ? Mieux, c’est la maison qui doit avoir les pieds humides. Une petite chaleur ? Et hop, en nage, on se jette par la fenêtre sans craindre de s’échouer sur un sol bétonné se délitant sous l’effet des rais ardents de l’astre brillant sans pitié. On se fond dans l’eau, on batifole, on s’éclabousse, on se régule, puis on se réveille, car ceci n’est pas une maison. Ceci est un ponton désaffecté déguisé en maison avec fenêtres, toit pointu et cheminée. Désillusion optique. Bon, revenons aux fondamentaux : qui a pris la bassine ?
Toujours au cours de cette fameuse balade portuaire… Une nouvelle espèce de denrées – faut-il le préciser, de luxe – a fait son apparition à fond de cale : des petites formes ouatées, généralement blanches, qui, au naturel, se baladent nonchalamment dans le ciel comme si elles y étaient chez elles et s’effilochent en quelques minutes, voire quelques heures pour les plus résistantes. C’est là que réside toute la difficulté de l’opération, et, en même temps, tout l’intérêt pour les manœuvres de tripodes les plus agiles qui viennent de tout le pays pour se frotter au défi ! Il n’y a que très peu d’attrape-nuages dans le monde. C’est un peu comme les Maîtres Laquier au Japon désormais érigés en Trésor National Vivant. Ceci dit, le transport de nuages, qui a connu ses plus beaux jours dans la deuxième moitié du 19ème siècle, tend à disparaître…
Une question de rentabilité essentiellement et de l’échec retentissant des ruses classiques des armateurs d’aujourd’hui pour l’augmenter. Cela remonte à la fin des années 90. Malgré les réserves de certains, ils ont commencé à mettre de plus en plus de nuages dans les cales… Les trois, quatre premiers trajets – assez courts – se sont bien déroulés. C’est ensuite que les premiers bateaux ont commencé à chavirer. Les nuages étaient trop à l’étroit dans les bas fonds, trop condensés… Impossible de tenir dans cet état, ils finissaient tous par se transformer en pluie, augmentant considérablement le poids du bateau, dès lors incapable de continuer à flotter ! Les marins avaient beau écoper, les plus chanceux se sont retrouvés à l’eau à déclencher leur signal de détresse. Certains ont alors eu la chance de voir un spectacle extraordinaire : la re-formation des nuages, recomposés en d’autres formes, et leur évasion vers des cieux plus contemplateurs…
Navigation portuaire… D’immenses paquebots, de gigantesques blocs de tôle baignent dans les eaux limpides du port de Senglea aux côtés des bras articulés, de conteneurs empilés, de tas de ferraille emmêlés… Pas âme qui vive sur les quais ou si peu. Et puis, là, comme par enchantement, une petite tâche de couleur se détache de la coque perforée d’un navire à câbles voire accablé… Un homme, en rouge de travail, est paisiblement assis sur une barre, un livre posé entre les mains. Un sursaut d’humanité. Une fenêtre sur le monde extérieur. La mécanique démantelée. Il est bon de pouvoir trouver un endroit à soi, où que l’on soit, pour pouvoir respirer et se ressourcer loin du regard des autres. Enfin loin, pas toujours…
L’écoute matinale de la radio conduit, de temps en temps, à se poser un certain nombre de questions, triviales parfois, ou à lancer quelques commentaires à la volée, désobligeants parfois… Quand, par exemple, un philosophe est convoqué pour ergoter très sérieusement sur le ballon rond et la catastrophe nationale qui se joue à l’autre bout de la planète, on se dit que, quelque part, le monde ne tourne pas rond, qu’on a manqué un épisode…
Evidemment, si ces philosophes engageaient autant leur pensée sur des choses plus sérieuses, l’équilibre serait respecté. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas… On en oublie qu’aujourd’hui, c’est le 1er jour de l’été, même si la météo nous y aide un peu ! Et que, comme chaque année en ce même jour depuis 28 ans, c’est aussi la Fête de la Musique ! C’est donc le bon jour pour se souvenir que la musique adoucit les mœurs même si l’envie serait plutôt de tout envoyer en l’air, comme le font ces enfants bien accrochés à cette balancelle défiant la pesanteur !
Une image vaguement approximative, nettement floue… C’est un peu ce à quoi ressemblent ces lointains souvenirs que l’on traque parfois, en réalisant qu’ils sont bien peu nombreux à avoir passé les années… Et que finalement, l’on ne se souvient pas de grand chose de cette enfance ou de telle autre période de notre existence passée. Sont-ils malgré tout enfouis quelque part, prêts à jaillir à la moindre madeleine ? Dans des cartons peut-être ? Ceux-là même qui ont été conservés, par bonté, dans un placard du fond, dans un grenier poussiéreux de la maison familiale, et qui couvent lettres, cahiers d’école, dessins, cartes postales, bracelet, tickets de cinéma, peluches, cours, entrées de musée, rêves…
Même si on finit par les oublier, on sait qu’ils sont là, quelque part, à portée de main. Plus que de simples papiers, de simples gadgets, c’est véritablement notre histoire qu’ils abritent. C’est rassurant de savoir qu’il existe un amoncellement de ces petites choses très matérielles qui nous permettent de reconstituer ce que nous avons été. Elles sont l’antisèche de notre mémoire faillible. Tout se complique quand ces cartons sont désignés persona non grata. Deux solutions : soit on les emporte avec soi, pour préserver ces tranches de vie encore quelques années ; soit on décide de s’en séparer, car, objectivement, on se dit que ces « objets » n’ont jamais servi depuis qu’ils ont été placardisés et qu’il n’y a donc aucune raison qu’ils soient plus utiles aujourd’hui. Le premier choix nécessite de trouver, concrètement, de la place ailleurs. Le second nécessite d’en trouver en nous, à moins de nous couper à jamais d’une partie de notre vie. Et c’est une étrange sensation de réaliser qu’alors, cette mémoire partielle voire partiale sera notre unique moyen de nous souvenir de tout ce que nous avons fait et été.
Même endroit, même heure, J+1. Un nouveau parachutage s’opère dans le ciel bleu azur de Cherbourg. Seuls de rares spectateurs égarés dans la zone portuaire assistent à la représentation à laquelle participe une bonne centaine de ces spécimens ailés parés de leur blanche tenue distinguée surmontée d’une touche de noir au bout des ailes. Un vol à basse altitude d’une parfaite maîtrise avec changements de cap intempestifs, commandé directement depuis les airs par Jonathan Livingstone en plume et en os, leur chef de file révolutionnaire ! Spectacle magnifique au profit du partage, de la tolérance et de la liberté dans le monde… si, si…
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Un tour du Soleil en duos : 6e année en cours
Pour (re)découvrir en un clin d’œil et sur une seule page les micro-histoires photographiques publiées en ces lieux virtuels :
- entre le 22/02/2010 et le 22/02/2011, voici Un tour du Soleil en duos…
Après avoir longé le bateau sur plusieurs centaines de mètres, puis louvoyé de bâbord à tribord à une vitesse déconcertante, soulevant déjà une vague d’émotion rare, il s’était subitement éloigné de l’embarcation et avait tout d’un coup jailli hors de l’eau dans un élan d’une beauté et d’une pureté absolues avant de disparaître pour de […]
… adossée à la surface, on y vient à fleur d’eau, on ne frappe pas, ceux qui vivent là, ont jeté la clé… Et pour cause, ils ont été chassés. Ce n’est pourtant pas l’histoire que l’on a envie d’entendre lorsque l’on zigzague le coeur léger entre les pitons rocheux et que l’on s’approche de ces […]