Photo-graphies et un peu plus…

Comment expliquer que, dans 95% des cas, l’on puisse monter ou descendre des escaliers sans scruter les marches une à une ? On y va, tout simplement, en regardant devant soi, en continuant à parler avec son voisin, en dépouillant son courrier, en transportant des cartons si gros qu’ils bloquent tout champ de vision, si étroit soit-il en ces lieux… Les plus téméraires y vont même à reculons ! Automatiquement, on pose un pied devant l’autre, on fait faire une rotation à notre corps à chaque passage d’étage, et sans vraiment s’en rendre compte, on est déjà en haut ou en bas… Sain et sauf. Une action aussi banale qu’étonnante !

Ce que l’on ne réalise pas forcément, c’est que la confiance que notre corps accorde d’emblée à un escalier et aux marches qui le compose est totale, voire aveugle. La première rencontre est un apprivoisement,  une sorte de repérage, essentiellement de la hauteur entre chaque marche. En deux, trois pas, c’est calé. Un accord tacite entre l’homme et les marches stipule en effet que celles-ci doivent être également réparties. C’est la clé du succès ! Notre être, qui retient des quantités de codes et de numéros de téléphone, d’accès, de cartes et est en mesure de les faire remonter à la conscience quand nécessaire, est aussi capable d’enregistrer la distance qu’il y a entre chaque marche et d’adapter, instantanément, son pas à cette hauteur… C’est tellement ancré en nous, que, lorsque, par exemple, une marche est ajoutée à un escalier, ou à l’inverse, un petit écart entre deux niveaux séparant deux endroits est supprimé, notre corps, qui a tout gardé en mémoire et est donc déjà dans l’après au présent, est déséquilibré ! On se raccroche alors à ce que l’on trouve à proximité, une rambarde, un mur, une fenêtre, quelqu’un, et la première chose que l’on fait une fois stabilisé est de se retourner. Comme si quelqu’un nous avait poussé ou joué un mauvais tour ! Une fois comprise la raison du malentendu – on ne pense pas spontanément à une simple marche -, l’ajustement se fait, même si déshabituer le corps à cet enchaînement peut prendre du temps. La confiance est restaurée.

Il arrive malgré tout, c’est rare mais cela existe, que cette confiance entre marches et homme ne puisse jamais être atteinte. La raison à cela ? Des marches à la hauteur totalement inégales, réparties de façon totalement hiérarchique, deux hautes, une petite, une haute, trois petites, deux hautes, deux petites, cinq hautes, une petite… Impossible pour le corps de s’habituer à quoi que ce soit puisqu’il n’y a aucune répétition. Même le temps n’y fait rien ! Alors, en arrivant près de ces marches, on abandonne toute autre action pour ne se concentrer que sur l’ascension ou la descente, les yeux rivés au sol, voire la main bien arrimée à cette fameuse rambarde que l’on ne tient jamais car on est des grands quand même. La démarche est un peu gauche, comme si l’on réapprenait à marcher… Et arrivé à bon port en un seul morceau, on remercie celui qui, le premier, a eu l’idée de faire des marches égales et a réussi à la démocratiser !

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