Photo-graphies et un peu plus…

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Nous nous sommes donc réveillées confinées. Par conséquent, mon carnet de non confinement perd son « non »…

Nous sommes confinées comme les 5 millions d’habitants de ce pays. Et aussi comme 2,7 milliards d’autres personnes sur cette planète, soit un tiers de la population mondiale. Je l’écris, mais cela reste abstrait et difficile d’imaginer, concrètement, qu’un être humain sur trois est appelé à rester chez lui pour plusieurs semaines. Je me demande s’il existe d’autres exemples d’une telle proportion et découvre que, encore aujourd’hui, une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à de l’eau salubre…

A l’autre bout du spectre, je me demande aussi si les milliardaires américains qui, ces dernières années, ont fait construire des abris de luxe pré- et post-apocalypse en Nouvelle Zélande, dans les montagnes de l’Ile du Sud essentiellement, sont là. La situation actuelle est-elle suffisamment catastrophique pour eux ? Je me demande où ils placent le curseur…

Et puis, je réalise que moi, je suis en Nouvelle-Zélande, dans ce pays choisi par ces personnes-là car elles estiment que c’est l’un des endroits les plus sûrs au monde. Si ce n’est le plus sûr. Certes, je ne suis pas installée dans un bunker, mais tout de même… Et à nouveau, malgré ce confinement embryonnaire et son cortège de restrictions, malgré cette très longue distance imposée avec les miens, je me dis que j’ai beaucoup de chance d’être là, en ce moment absolument sidérant pour tous mais vécu si différemment par chacun selon le pays dans lequel il se trouve et évidemment, à plus petite échelle, sa situation personnelle. Je dois ainsi dire qu’après avoir voyagé sur ces deux îles pendant 2,5 mois sans vraie interruption, vivant presque au jour le jour, pouvoir se poser « un peu » au même endroit est presque une bonne nouvelle… Je n’irai pas plus loin aujourd’hui. Distance de sécurité oblige.

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Suite à l’ascenseur émotionnel d’hier, bien géré cependant, et une arrivée nocturne mais réconfortante à Wellington, aujourd’hui dimanche, c’est relâche ! Après avoir bavardé avec quelques voyageurs plus ou moins anxieux à l’auberge, nous décidons de ne pas nous poser de questions – ce qui est plutôt une bonne chose et un vrai défi – et de laisser passer la journée tranquillement. D’autant que, de toute évidence, elle ne nous apportera pas plus de réponses. Pour l’heure, le seul fait d’être sur l’Ile du Nord, et en particulier à Wellington, la capitale, nous suffit et nous rassure (non que nous soyons inquiètes). Cela peut en effet être utile de n’être plus qu’à quelques minutes de marche de l’Ambassade, du Service d’immigration, des bureaux de compagnies aériennes, versus de vaines heures d’attente au téléphone, des dizaines de kilomètres et un Détroit à passer.

Voici donc les faits : nous sommes le 22 mars et en Nouvelle Zélande depuis le 10 janvier ; notre vol pour Paris via Singapour, initialement prévu le 30 mars après un premier changement, est annulé ; les alternatives n’existent quasiment plus – l’Australie accepte encore 2 jours les transits de moins de 8h dans sa zone internationale et ensuite, ferme tout – ; les cas augmentent en Nouvelle Zélande – 67 désormais ; il est recommandé aux Français en voyage de rentrer au pays – vos récits et les prévisions pour les prochains jours / semaines ne donnent pas vraiment envie d’insister et puis, techniquement, l’étau se resserre – mais à ceux qui le peuvent de rester ici – on parle d’interruption des vols jusqu’au 30 juin a minima. Tout cela sera encore d’actualité demain car, pour une fois depuis plusieurs jours, nous avons la sensation que le temps s’est arrêté et nous offre un peu de répit pour respirer. A moins que cela ne soit notre posture vis-à-vis des événements qui évolue…

Ceci dit, nous nous extrayons quand même de notre chambre dans l’après-midi pour tâter le pouls de la ville et récupérer la clé de l’appartement où, peut-être, nous devrons séjourner plus longtemps que prévu. Le soleil est au rendez-vous, nous avançons de façon presque insouciante. En février, lorsque nous avions découvert Wellington, les rues étaient très animées. Enfin, au moins jusqu’à 18h, heure à laquelle presque tous les commerces ferment en Nouvelle-Zélande. Voilà qui nous a décontenancées plus d’une fois d’ailleurs mais garantit, a priori, une vie extra-professionnelle plus riche et équilibrée. Aujourd’hui, les rues sont quasi désertes, tout comme les quais, nombre bars et restaurants sont fermés, les musées aussi… Le confinement n’a pourtant pas été proclamé. Seulement, les gens semblent avoir bien intégré le conseil simple donné par le gouvernement : « rester chez vous ». Nous nous disons, naïvement croyez-vous ?, que, même si le virus continue à se développer ici – ce qu’il fera assurément -, la gestion de la crise sera peut-être plus proche de ce qui a été mis en œuvre, avec succès, à Taïwan, Hong Kong ou en Corée du sud, que dans les pays latins…

En fin de journée, avant de regagner notre chambre à l’auberge de jeunesse, nous faisons une incursion dans la forêt toute proche de notre futur refuge. Histoire de prendre le vert et de humer les essences purificatrices des eucalyptus qui nous accompagnent discrètement depuis notre arrivée sur ces îles. Chaque chose en son temps. Demain arrivera bien assez vite !

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Ce qui s’est passé aujourd’hui vient parfaitement confirmer ce que j’écrivais hier… Ne pas se projeter ! Même à un jour… Nous venons d’arriver à Wellington. Avec 3 jours d’avance donc.

En fin de matinée, après avoir à nouveau parcouru les différents sites officiels (Ambassade de France en Nouvelle Zélande, Immigration, Gouvernement, compagnies aériennes, compagnie du ferry…) et continué à lire les récits de Français tentant, en vain ou à grands coûts, de s’envoler vers des cieux moins cléments mais hexagonaux par les rares voies aériennes encore ouvertes – et où ce sont finalement les mêmes informations qui s’échangent sans que l’on puisse réellement s’empêcher de les lire une énième fois -, nous avons préféré retourner plus rapidement sur l’île du Nord.

Deux éléments déclencheurs à ce twist final : un post évoquant des « rumeurs » de cessation des traversées du ferry entre les deux îles – ce qui compliquerait quand même un chouia la situation – et le discours – quotidien – de la Première Ministre à 12h n’annonçant rien de nouveau mais rappelant que tout pouvait changer du jour au lendemain. Après avoir décidé que le temps de l’errance était vraisemblablement terminé, il nous a fallu quelques minutes de plus pour acheter deux billets pour le dernier ferry du jour – demain, c’était complet et après-demain, un futur trop lointain -, réserver deux nuits à Wellington – et recevoir dans la foulée un mail de l’auberge prévenant qu’elle n’acceptait pas les personnes en quatorzaine -, appeler l’auberge où nous devions passer les deux prochaines nuits pour annuler – comme partout dans le monde, les acteurs du tourisme sont très touchés -, tout mettre dans la voiture – en vrac, nous rangerons plus tard -, puis parcourir les 134 kilomètres – un peu moins de 2h – qui nous séparent de Picton, d’où part le bateau et où nous devons être à 17h40 au plus tard, après avoir, bien sûr, rendu, par anticipation, la voiture au loueur… Ces circonstances exceptionnelles obligent à penser et à agir vite et efficacement. Fort heureusement, nous sommes en phase sur la marche à suivre. Nous quittons donc Nelson comme si nous fuyions une tornade imminente… C’est très étrange de finir ce voyage ainsi.

Nous arrivons en avance au Terminal du ferry. Avec deux sacs à dos de 50 l, un autre de 30 l, deux duvets, une tente et des petits sacs satellites de victuailles et autres ingrédients du quotidien du voyageur autonome. En récupérant nos billets, on nous dit que nous aurons presque le ferry pour nous toutes seules – c’est le milieu du week-end, il est tard, les néo-zélandais préfèrent la lumière du jour. Et pourtant, quand deux personnes – des Françaises dont l’une a réussi à trouver un vol après-demain à Auckland (11h de bus depuis Wellington) pour la Polynésie, où elle vit – se présentent pour acheter un billet, on leur explique qu’il y a de nouvelles restrictions et qu’on ne peut plus leur en vendre. Il leur faudra presque aller jusqu’aux larmes – non feintes – pour obtenir le précieux sésame malgré tout. Cet épisode délicat nous confirme toutefois que nous avons probablement bien fait de nous hâter…

A bord du ferry, il n’y a effectivement pas la foule de l’aller. On ne peut plus payer en cash – pour ne pas faire circuler de pièces -, des agents s’activent à désinfecter en continu les rambardes, fauteuils, tables… Quelques personnes portent des masques, d’autres toussent, certains vont se mettre à l’abri sur les ponts balayés par les vents. Sans être lourde, l’atmosphère est chargée. Comme à l’auberge hier soir ou ce matin. Chacun plongé dans ses questionnements et doutes. Car si, sur nos écrans tactiles, nous voyons défiler la vie de personnes confinées chez elles, ici, la configuration est diamétralement opposée puisque nous sommes tous loin de chez nous.

Je sors prendre l’air et quelques photos. Je sors aussi pour saluer l’île, dont les côtes peuvent être visibles depuis l’île du nord par temps clair. Un rien nous sépare, mais le rien fait parfois une grande différence…

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Hokitika ! Le nom de certains sites et villes néo-zélandaises résonne comme des gouttes de pluie sur un tambour… Je suis à Hokitika, petite ville de la côte ouest de l’île du sud quand le confinement débute en France. A admirer le coucher de soleil sur la Mer de Tasman. J’ai beau être sur une île, je n’en ai pas vu tant que cela depuis mon arrivée et cela me manquait.

Je dois admettre que celui-ci a une saveur particulière.  Impossible de ne pas penser à tous ceux – en particulier, famille et amis – qui, en quelques heures, ont perdu la possibilité de se déplacer librement. Je pense à eux, je pense à vous, en nous regardant, nous, de ce côté du monde, libres, face à l’immensité de la mer, observer, sans oser tourner la tête une seconde de peur d’en rater un bout, la descente inéluctable et imperturbable de l’astre du jour sur l’horizon. J’ai l’impression que, ce soir, nous le regardons différemment, ce petit cercle jaune. Avec une joie, un émerveillement, une gratitude décuplés, mais aussi une pointe de nostalgie, de mélancolie – beaucoup de ces silhouettes anonymes sont des voyageurs de passage. Avec cette conscience aiguë et peut-être nouvelle que tout peut basculer du jour au lendemain. Que tout a déjà basculé, ailleurs. Qu’ici, ce n’est peut-être qu’une question de temps. Ou pas. On ne sait pas. On  ne peut pas savoir. On ne peut pas pré-voir. Reste que, dans ce nouveau monde plein d’incertitudes, il est rassurant de savoir que, quoi qu’il se passe, le soleil se couche et se lève, même si on ne le voit pas toujours…

Sinon, la Nouvelle Zélande vient de fermer ses frontières à tous les étrangers.

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