Photo-graphies et un peu plus…

Faut-il avoir peur du futur ? Mes élucubrations quantiques étant toujours dans les couches supérieures de ma mémoire, j’aurais tendance à répondre « non ». Imaginez, même si je m’apprête à caricaturer, un temps où, lorsque nous nous rendrons dans une agence de voyages (si, si, elles existeront toujours) pour réserver notre prochaine évasion réelle (une tradition qui perdurera encore longtemps même si les voyages mentaux auront pris le relais), on nous demandera bien sûr la destination, mais aussi l’époque… 5467 ? 1736 ? ou peut-être -12 583 ? Paradoxe, penseront les plus avertis, les retours dans le passé ne pouvant être antérieurs à la date de création de la machine à remonter le temps (sinon, nous aurions déjà croisé des voyageurs du futur…) ! Bref, se projeter dans cet univers-là, de science-fiction disons-le, a quelque chose d’excitant et de stimulant intellectuellement. Peut-être parce que nous ne le vivrons pas. Qu’il est virtuel.

Faut-il avoir peur du présent alors ? Le verdict n’est pas aussi direct à l’heure où l’homme découvre les affres de la virtualité (l’autre, celle des échanges d’informations de toute nature), s’engouffre dans ses abysses les yeux fermés, au risque d’y perdre un peu de sa consistance. Et ce n’est, évidemment, qu’un début. En restant du côté du divertissement, l’an passé, plus de 10 millions de personnes ont été fascinées par les avatars tridimensionnels de James Cameron, nous donnant, par la même occasion, un aperçu de ce que sera notre prochain environnement visuel (et publicitaire certainement, encore que Steven Spielberg l’avait déjà fait entrevoir avec son Minority Report visionnaire, lui-même adapté de nouvelles de Philipp K. Dick publiées en 1956) : des images devant  littéralement se jeter dans nos bras pour se faire remarquer et exister à nos yeux ! Poursuivons l’effacement… Dans la foulée du succès planétaire de ces grands hommes bleus (par opposition aux petits hommes verts, malgré la portée écologique du film), sur une île aux côtes déchiquetées, dans une ville mêlant tradition et modernité, au cœur d’une salle de fans illuminés, un nouveau pas était franchi : tout d’un coup, l’écran devenait obsolète.

Hatsune Miku, 16 ans, 1m58, 42 kilos, tempo de 70 à 150, tessiture entre A3 et E5, déhanchement cadencé, longs cheveux bleus, gestuelle étudiée, look de manga, flotte quelques centimètres au dessus de la scène et chante des mots repris en chœur par son public. Pas d’illusion d’optique, car « c’est juste un hologramme » pourraient lâcher des fans d’un autre âge. Son nom signifie « premier son du futur » ; sa voix a été développée, sans fausse note, par Yamaha ; son image – calibrée, il va sans dire – par Crypton Future Media, émanation de la fameuse planète. Une sorte de synthespian nouvelle génération. Elaborée pour être l’objet marketing parfait, irrésistible. C’est effrayant de se savoir à ce point manipulable. De voir cet engouement tout ce qu’il y a de plus réel pour un phénomène (de foire ?) totalement virtuel, si ce n’est les musiciens, les seuls à transpirer sur scène. La machine est si bien huilée (et pervertie) que les fans se font paroliers (faisant notamment répéter à la star qu’elle les aime !, comme quoi, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même) et vont ensuite payer pour acheter un album ou voir un concert dont, ils sont, d’une certaine manière contributeur… Si du virtuel peut émaner des sentiments et émotions réels, n’est-ce pas une négation de l’humain, de l’homme que de s’amouracher d’une entité dont le cœur ne peut s’arrêter puisqu’il n’existe pas ? Est-il là le futur de l’humanité, esseulé dans un coin, derrière une vitre teintée, en haut d’une forteresse de métal, prêt à être englouti par la lumière blanche ? Tel un bon vieux souvenir.

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Métaphore de bord de mer… Vivre, n’est-ce pas avoir encore à l’esprit ce qui s’est passé, et ce qui fait notre instant, notre présent, ce moment où nous sommes vraiment là, tout en anticipant ce qui va se passer ? Parfois, la trajectoire change en cours de route. De petits décalages en émergent. On s’éloigne, on se rapproche de soi, un peu comme la marée de la terre. Un vrai jeu de cache-cache à découvert…

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Absolument pas ! Authentique relique britannique en plein cœur de la Méditerranée, sur une île anciennement annexée par l’Empire qui y a laissé quelques habitudes… Ses très symboliques cabines rouges donc, ses petits déjeuners bacon-œuf-haricots rouges, mais aussi sa conduite à gauche, sans le flegme qui lui est, sous d’autres latitudes, attaché.

Le duo subtilement éclairé formé par cette cabine, posée au beau milieu de la placette devant le tronc d’un arbre aux branches protectrices, et ce banc vert en fer forgé fraîchement repeint, accueillant, semble tout droit sorti d’un musée à ciel ouvert… On tourne autour sans vraiment pouvoir l’approcher. Une certaine solitude s’en dégage. Nostalgie peut-être. La cabine, qui permet de garder un lien avec des personnes éloignées ; le banc, qui, à l’inverse, unit les êtres déjà proches. Aujourd’hui, on les dirait abandonnés. Leurs couleurs vives les inscrivent encore dans le présent, mais la distance qui nous sépare d’eux transforme le tableau en photographie tirée d’une époque ancienne…

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