Photo-graphies et un peu plus…

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L’autre matin, écrasée de toutes parts dans la rame des sardines par des gens poussés par d’autres amassés sur un quai bondé et n’arrivant pas à se faire à l’idée d’attendre le prochain métro, j’ai eu un flash. Là, au cœur de ce sas à la densité humaine digne d’intégrer la page 469 du livre des records, j’ai pensé aux manchots. Vous avez déjà sûrement observé cette scène, en vrai ou sur écran : en hiver, alors qu’il fait très froid sur la banquise (voire plus au nord comme ici) balayée par des vents glacés et forts, les colonies de manchots se regroupent. Les manchots se collent les uns aux autres pour avoir le plus chaud possible. Ceux en périphérie jouent alors le rôle de bouclier et protègent les cercles inférieurs des agressions météorologiques jusqu’à ce qu’une savante rotation soit déclenchée permettant ainsi aux manchots frigorifiés de réintégrer l’intérieur et d’être remplacés par des manchots réchauffés. Et ainsi de suite… C’est un spectacle assez étonnant à observer et si parfaitement orchestré que l’on croirait presque qu’ils font de la télépathie… « Vas-y, c’est à ton tour ! » « Bien reçu, Roger, j’arrive ! » Vous visualisez ?

Bon, et bien, c’est exactement cette séquence qui m’est revenue dans mon sas… Car c’est exactement comme cela que nous, pauvres êtres humains même pas soumis aux vents catabatiques, procédons pour nous déplacer ou nous extraire d’une rame bondée quand l’heure est venue. Nous sommes comme des manchots serrés les uns contre les autres, bras le long du corps, incapables de nous mouvoir autrement que par des pas minuscules et de façon légèrement circulaire : une personne sort, cela crée un vide dans le sas que la masse humaine s’attache instantanément à remplir tout en absorbant une, deux  voire trois nouvelles personnes. A l’échelle de l’individu, au bout de 4, 5 stations, on réalise que l’on a fait un tour sur nous-même, que nos voisins ne sont plus du tout les mêmes qu’au départ et que l’on fait désormais partie du bouclier protecteur. Celui qui va sauvagement être expulsé à la prochaine station ! Car, malheureusement, l’homme transporté n’est pas aussi civilisé que les manchots !

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Une fois n’est pas coutume, je commence par le texte car ce qui suit devrait être un joyeux bazar. Tout comme le sont certains étals de vide-grenier amateur, où l’on trouve tout et souvent, n’importe quoi, parmi lesquels des objets dont nous voudrions nous-même nous débarrasser s’ils nous appartenaient. Et que nous sommes pourtant prêts à acquérir car à 1 €, le « n’importe quoi » prend du galon et peut encore faire des heureux… On se dit : « A ce prix-là, ce n’est pas grave si cela ne fonctionne pas, si cela casse dans dix jours, si je ne le mets pas, si je le perds, si on me le vole, si… Au pire, je le revends au prochain vide-grenier ! ».

Du coup, j’ai loué mon mètre linéaire car, comme avant un déménagement hâtif, j’ai besoin de faire un peu de vide dans mon dossier hebdomadaire où j’accumule les photos envisagées pour ces duos quotidiens. Il y en a quelques unes que je ne peux plus voir en peinture, certaines prennent la poussière, et de nouvelles idées s’accumulent dans les carnets avec d’autres photos… Et puis, ce sont les vacances, cette coupure tant attendue où, comme au 1er janvier de chaque année, nous tentons de prendre de bonnes résolutions (soit dit en passant, c’est simplement car nous avons enfin le temps de nous poser, de sortir la tête hors de l’eau, et donc de penser, que nous essayons de reprendre la main sur notre quotidien pour les mois à venir ; ce que nous appelons communément des résolutions donc). Bref, trêve de bavardage, il est faussement 6h du matin, l’heure de tout déballer sur mon stand et d’essayer de lier ces images, dans l’ordre où elles se présentent à moi alors qu’elles n’ont rien en commun.

C’est parti :

Il faut toujours un point de départ. Une gare aux ombres énigmatiques et un sombre passager fuyant feront amplement l’affaire…

Oublions la gare de la ville où on y danse on y danse et prenons la vedette ! Cet îlot qui, de la crête de Crater Lake, a des allures de vaisseau fantôme (comprenez, on ne le voit pas tout le temps), ressemble, depuis le niveau de l’eau, à un trou noir, une sorte de grotte inversée dans un décor de rêve…

Qui nous ferait ressortir directement dans les ruelles de Kyoto où, un peu avant la tombée de la nuit, les geishas défilent en silence et sous le crépitement des flashs de badauds les attendant au tournant…

Je me suis alors demandé où pouvaient les conduire leurs pensées à cet instant précis où elles n’étaient plus qu’un personnage au visage figé, qu’une icône aux yeux des autres dont ils voulaient rapporter une image à tout prix… Peut-être sur cette plage Quileute de La Push, de l’autre côté de l’océan Pacifique, où reposent ces trois rochers majestueux…

Et où, paradoxalement, on traverse les paysages à vive allure…

Au risque de se heurter à un mur étrangement colonisé par du lichen déshydraté… Heureusement, une manœuvre réflexe permet d’éviter le choc frontal mais elle nous projette directement à l’embouchure de ce nouvel abysse, de cette sombre porte carrée sans fond apparent.

A l’autre bout de laquelle se trouve une plage normande éclairée sporadiquement par des pétards de fête nationale. C’est là que ça se gâte, que je perds le fil et que tout s’enchaîne sans transition ni autre explication que de courtes légendes lapidaires…

Paris, Nuit Blanche… Succès démesuré. Approcher l’installation de Vincent Ganivet relève du parcours du combattant. Lassés, les gens passent à côté sans lui jeter un œil.

Sagrada Familia. La lumière, dont je force volontairement le trait, inonde ce lieu d’une beauté sans pareille provoquant un séisme émotionnel de 9 sur l’échelle de Richter…

Pour le cliché, tout simplement. Impossible de se trouver à un tel endroit sans penser à un calendrier. Cela a quelque chose d’un peu ringard et en même temps, la ringardise a parfois ses avantages…

Sous les poursuites roses, une montagne humaine se lève et fait une hola aussi difficile à saisir que magique à voir… S’ensuit une avalanche d’images non légendées, un mélange de chaud et de froid, d’ici et d’ailleurs, de réalité et de faux-semblant, de proche et de lointain… Des images qui s’enchaînent sans d’autre raison que celle imposée par leurs noms qui s’enchaînent.

Voilà, en un coup d’ailes, c’est fini. Le stand est quasi vide. Je me sens légère tout d’un coup…

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Vous l’avez probablement remarqué et même personnellement expérimenté, nous avons tous une sorte de radar interne se mettant instinctivement en branle et allumant nos warning – merci à notre cerveau reptilien d’être encore actif ! – dès lors qu’une personne pénètre un périmètre que nous estimons intime sans l’être pour autant, un intime. Bien sûr, il peut y avoir des circonstances atténuantes et une tolérance en fonction de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Par exemple, dans le métro à l’heure de pointe ou dans une galerie commerciale un samedi après-midi où nous sommes cernés par des inconnus à l’allure parfois patibulaire, alors que nous devrions typiquement être dans la configuration d’une distance publique voire sociale (soit entre 1,20 m et plus de 7 m entre les uns et les autres), la frontière de l’intime (sous les 45 cm) est souvent franchie sans pour autant que nous nous repassions notre dernier cours de self defense en accéléré. Car si notre cerveau commence par nous avertir « Arouuuu, attention, plusieurs individus non identifiés vont entrer dans votre périmètre de sécurité (oui, mon cerveau me vouvoie, question de respect !) : contact inévitable« , il sait aussi s’adapter « Surtout, ne paniquez pas ! Et poursuivez votre chemin en faisant comme les autres ! » C’est-à-dire donner des coups d’épaule pour se faufiler dans certains pays, ou, surtout ne pas toucher l’autre dans d’autres sous peine de réanimer le dinosaure qui sommeille en lui…

Mais il arrive aussi que vous vous retrouviez avec des gens – des personnes que vous connaissez bien, avec lesquelles vous vous sentez bien, en qui vous avez confiance – ne gérant pas les distances – personnelles a priori, donc, entre 45 cm et 1m20 – de la même façon que vous. Ce qui peut donner lieu à une jolie valse dont vous êtes le/la seul/e à être conscient/e pour la simple et bonne raison que c’est vous qui menez la danse. Et si vous menez la danse, c’est tout bonnement parce que vous trouvez qu’ils sont trop proches de vous voire au seuil de votre distance intime. Gêné/e par cette proximité – qui n’est pas de la promiscuité pour autant -, vous vous sentez obligé/e de reculer d’un pas, ce qui vous replace à une distance que vous jugez désormais raisonnable. Vous pouvez alors poursuivre la conversation sans être perturbé/e par ces centimètres qui vous séparent les uns des autres. Mais voilà qu’en réaction à votre repli, les autres se rapprochent à nouveau, jusqu’à retrouver la configuration initiale. Warning en alerte, vous faites un nouveau pas en arrière en vous déportant un peu sur le côté, en espérant que cette fois-ci, cela leur montera au cerveau. Et bien non ! Car tout cela se fait de façon totalement inconsciente. Pour vous en assurer, vous rééditez même l’expérience – c’est ça, la démarche scientifique – qui se conclut effectivement de la même manière que les deux fois précédentes. Après 5 minutes de ce petit va-et-vient qui vous amuse et vous agace à la fois, vous avez bougé de 5 mètres vers le sud-ouest. Vous êtes bien le/a seul/e à l’avoir remarqué mais vous êtes aussi le/a seul/e à ne plus savoir du tout ce qui s’est dit pendant ce laps de temps, trop occupé/e que vous étiez à chercher à maîtriser l’espace…

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Extrait d’”Etats d’âme sur le macadam”, ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets…

*

Dans le métro. Non, le train. Une dame avec un imper beige et un chignon lit Saga de Tonino Benacquista. Elle est pâle et son poing gauche soutient sa tête. Absorbée par sa lecture, elle tourne le livre plutôt que cette dernière. Sa vie est bien rangée, comme son sac bordeaux et ses mocassins noirs. A ses côtés, un homme en costume beige rayé est plongé dans Les Echos. Son ordinateur portable au sol, encadré par deux souliers en daim clair. Il est jeune, mâche du chewing-gum. L’informaticien consciencieux qui gagne correctement sa vie. Une femme à lunettes prépare son voyage pour l’Espagne. Elle demande à quelle station on est. Vraisemblablement, elle n’est pas familière de cette ligne.

En fait, ce n’était pas un portable. Juste une sacoche noire. L’homme n’est peut-être pas informaticien. Mais qu’importe, il en existe bien quelque part. Tel est l’avantage de l’imagination sur la réalité. Tout y est envisageable. Ce qui, en fait, est aussi le cas de la réalité. Qui plus est, ces descriptions ne sont pas issues de mon esprit ; elles ne sont que le simple écho de ce que je suis amenée à voir. Ce sont des plans, des séquences. Tout n’est que passage, suite d’événements. Acteur, on l’est forcément. Mais on est surtout spectateur de la vie des autres. Ils sont là, toujours, fidèles à eux-mêmes. Ils ne savent pas à quel point ils sont merveilleux. Leur anonymat les rend ainsi. Passer de l’inconnu au connu changerait sûrement tout. Voilà le paradoxe. Ne voir en soi et en l’autre qu’un personnage de théâtre voire un figurant d’une pièce mondiale. Chacun a un rôle à tenir, souvent pris très au sérieux. Ils vont au travail, font à manger, prennent le train, vont au cinéma, jouent au tennis, partent en vacances, s’aiment, se haïssent…, ils font tout ce qui est faisable. Et ils y croient, parce que c’est comme cela que la vie va depuis des millénaires. Cette dame attendait le 21, en face du café. Pourquoi ? Qui est-elle ? Que fait-elle dans la vie ? Elle appartient au monde réel, image impalpable et à jamais furtive. Les deux bavardes en bleu vivent aussi. Elles sont descendues du train et ont poursuivi leur chemin indépendamment de tous les autres voyageurs. Peut-être ceux-ci ne les ont-ils même pas remarquées ? Nous évoluons au sein d’un univers en mouvement permanent. Lorsque tout s’arrête, c’est tellement flagrant que cela en devient pesant et effrayant.

J’écoute les gens parler de leur vie. Je les admire car beaucoup réussissent à vivre dans le monde réel. En cela – ce succès à faire un choix – je les trouve tous plus intelligents que moi. Définitivement plus terrestres, plus pratiques, plus conscients, plus réels… Ils ont peut-être raison. Il faut pourtant vivre et composer avec soi, et tout mettre en œuvre pour utiliser ce patrimoine à bon escient. Plus facile à écrire qu’à faire, même s’il est des idées, des envies, des rêves, des passions dont nous ne pouvons nous défaire. Pourquoi vouloir les effacer ceci dit ? Les gens dehors ont-ils réussi, eux, à les oublier ? Le vieil homme aux cheveux gris tirés et au teint buriné, squattant quotidiennement une chaise de la terrasse du café de la gare a-t-il oublié ? Quant à celui-ci, faisant le pied de mur devant l’immeuble dont il est le gardien, installé sur une chaise ou affalé dans un fauteuil, et arborant un couvre-chef chaque jour différent, a-t-il oublié ? Et cette dame, râlant sans cesse après les trottoirs et la rigole parce qu’ils sont sales, a-t-elle oublié ? Tous ces personnages sont beaux. Ces personnes, car elles existent peut-être plus que les personnages. Leur vie n’est pas à juger. Peut-être sont-elles à plaindre, peut-être sont-elles à envier ? Elles sont, tout simplement. Les gens passent et, à force d’en voir, on finit par les connaître un petit peu. Leur richesse est toutefois si incommensurable que l’on en apprend toujours. C’est épatant. C’est enivrant. Comment vivre ainsi, conscient de la réalité mais, d’une certaine manière, incapable de la pénétrer ?

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N’avez-vous pas l’impression qu’il manque quelque chose à cette photo ? Non pas à la photo en tant que telle, mais à ce qu’elle montre ? En lieu et place de nos tourniquets doublés de claquantes portes saloon faisant passer les mâchoires de requin blanc pour de la guimauve, de simples bornes marquent l’entrée dans un territoire à tarification spéciale : les transports publics. On y scanne sa carte, on y passe son billet puis on avance, librement. Sans portique, même bas, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays…

Alors que de hauts systèmes de sécurité sont en voie d’installation dans les gares de proche banlieue parisienne, le contraste entre nos mœurs et celles du pays du soleil levant est à nouveau saisissant. Car, plus de sécurité, il s’agit plutôt, dans nos contrées latines, d’ériger des murs anti-fraude, en tout cas, destinés à la rendre plus difficile. Et de rappeler que « transport public » n’est pas synonyme, tout du moins pas encore, de « transport gratuit » même si tel est le credo d’un autre réseau RATP (le Réseau pour l’abolition des transports payants)… Au Japon donc, on monte dans le bus par la porte arrière et on paye en sortant, par l’avant, juste à côté du chauffeur. L’idée même de filer à l’anglaise, sans payer, semble n’effleurer l’esprit de personne. Bizarre, non ? A contrario, dans notre chère capitale, a fleuri, ces dernières années, une poignée de jingles polis lancés par les chauffeurs selon leur humeur. Ainsi, lorsqu’une personne entre sans s’acquitter de son dû, ce qui arrive régulièrement, une petite musique se met en marche et une femme à la voix douce – c’est toujours une femme qui est chargée de remettre la planète sur les rails ! – prend le relais : « Nous vous rappelons qu’il est obligatoire de valider son titre de transport ! ». Ou, dans d’autres circonstances, qu' »il est interdit de monter par l’arrière du bus », qui est, de fait, une manière de ne pas valider son précieux sésame… Les étourdis, qui ne pensaient pas à mal, fouillent alors frénétiquement dans les dix huit poches avec lesquelles ils se promènent pour en extraire leur pass et aller le valider de façon assez ostensible tandis que les autres font la sourde oreille.

Cela me rappelle une petite histoire new yorkaise racontée par une Française en vacances avec son frère. Celui-ci avait manifestement été alpagué de façon assez musclée par la police – et il suffit de les croiser une fois pour comprendre que ça peut être un moment désagréable – après avoir sauté par dessus la barrière du métro, histoire de ne pas rater celui qui arrivait à quai. Comme à la maison, quoi ! Son étonnement m’avait étonnée… Même à Londres, où le ticket de métro dépasse les 4 euros, les portiques semblent là pour la forme. Je me dois toutefois de préciser qu’un agent veille à chaque entrée de métro et que cela produit sûrement son petit effet. Bref, la question demeure : le Français est-il fraudeur à ce point ? La fraude est-elle une question de prix, de principe, de nature, un acte de rébellion ou un manque de respect à l’égard des biens partagés ? La question reste en suspens mais se pose dès que je me retrouve face à des systèmes où, par défaut, on fait confiance à ceux qui les utilisent…

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Vous entendez ? Rien ? Si, si, concentrez-vous, vous en entendez forcément un, sourd, permanent, tant et si bien que vous l’avez totalement intégré à votre environnement sonore quotidien : le bruit de fond… Celui-là même qui fait que vous n’êtes que très rarement en paix dès lors que vous vous extrayez de votre petit univers, de votre chez-vous, de vos heures de sommeil. Et encore… Cela peut ronronner à côté ! Quand vous vivez en ville, celui qui vous accompagne toute la journée n’est autre que le bruit de fond de la circulation, double vitrage ou pas. Il n’y a pas un moment où personne ne bouge, où tout s’arrête. Un bruit d’aspirateur baryton… Vous le troquez temporairement pour les claquements de pièces métalliques du métro, les couinements des freins de bus, les sonneries de fermetures de porte, de demandes d’arrêt, de passages piétons, les sifflets des agents de la circulation, les klaxons des automobilistes exaspérés, puis par la soufflerie de votre bureau – celle qui vous amène chaleur en hiver et fraîcheur en été -, à laquelle s’ajoutent bientôt le grésillement du néon situé juste au dessus de votre siège, le souffle d’asthmatique de votre ordinateur qui ventile, la symphonie de l’imprimante commune qui se déclenche de façon totalement aléatoire pour vous, le brouhaha de la parole libérée au RIE, le tapotement incessant du pied droit de votre collègue stressé, les vibrations du métro qui font trembler votre verre d’eau et vous font craindre l’arrivée imminente d’un T-Rex… Le bruit de fond tourne en boucle, il s’impose à vous, à nous. Et, tout en nous absorbant dans son écho technologique, il nous coupe du monde dans lequel nous vivons, pose un filtre. Et voilà que pour l’oublier, pour ne plus l’entendre, nous chaussons des prothèses auditives : un casque. Qui lui-même, sans que nous fassions ce lien pour autant, diffuse un nouveau bruit de fond, une mélodie, une chanson, en tout cas, des sons que nous avons nous-mêmes choisis et que nous acceptons donc plus aisément…

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– Dis, Lou, c’est quoi cette boîte de sardines ?

Lou (moi donc) ne lève même pas la tête et continue à chercher une photo.

L’autre, un peu plus insistant :

– Dis, Lou ! C’est qu-oi cet-te boî-te de sar-di-nes ?

Lou, toujours plongée dans ses fichiers…

L’autre, malin :

– Lou, comment on devient artiste ?

Lou lâche instantanément sa souris, se redresse et commence :

– Alors, cette boîte de sardines, c’est une métaphore…

Point d’interrogation en face…

– … une image, si tu préfères… une façon de parler de quelque chose en le comparant à autre chose…

Léger éclaircissement dans la mine.

– Comment sont les sardines dans cette boîte ? lui dis-je.

– A l’huile !

– Oui, mais encore ?

– Elles n’ont plus de têtes !

– Effectivement, mais quoi encore ? Regarde bien… Il n’y a pas quelque chose qui te saute aux yeux ?

Le petit, très concentré…

– Elles sont serrées ! lâche-t-il, persuadé d’avoir mis le doigt sur la réponse attendue.

– Oui, c’est ça ! D’où l’expression « être serré comme des sardines ». Donc, cette boîte de sardines, en fait, c’est ce à quoi me fait spontanément penser le métro que je dois prendre le matin  pour aller au travail. Le métro, c’est la boîte ; les sardines, c’est nous… Et je peux t’assurer que la vie de sardine en boîte est loin d’être appréciable. Vois-tu, les retards récurrents, les problèmes techniques à répétition, l’alternance des rames entre les deux directions, font que ces rames sont systématiquement bondées, en particulier en heures de pointe (d’où leur nom d’ailleurs). Mais quand je dis « bondées », c’est presque trop gentil, elles sont surpeuplées. De vraies bétaillères ! Et encore, je suis sûre qu’il existe désormais des lois européennes pour interdire de mettre trop d’animaux dans une surface donnée ! Il faut vraiment le voir pour le croire… Imagine-toi sur le quai. Comme ça, de l’extérieur, le wagon semble plein. Les faces sont plaquées contre les vitres des portes, les mines sont totalement défaites, implorant la pitié : non, ne rentrez pas… De l’intérieur, il l’est, je te l’assure. Sauf que ceux qui attendent impatiemment sur le quai ne sont pas de cet avis, ils n’ont que faire de la compassion, il faut qu’ils pointent à leur poste ! Et là se trouve la magie du métro matinal : pour le voyageur qui a l’impression de revivre chaque jour le même cauchemar et qui n’espère plus avoir une réelle place dans la rame, l’objectif est d’y entrer coûte que coûte. En poussant un peu par ci, un peu par là, entraînant des micro-mouvements de foule à l’intérieur, en laissant à peine ceux qui veulent s’échapper du pressoir de sortir… Tout le monde peste, un peu dans sa barbe. C’est le dépit. C’est horrible ce dépit-là. C’est comme une visite chez le dentiste. Un mauvais moment à passer mais il faut bien le faire… Et puis, sans t’en rendre compte, tu as un pied à gauche, un autre de l’autre côté de la jambe droite de ton voisin que tu pourrais chatouiller sous les bras si tu étais bien disposé (et lui aussi) et le reste du corps vrillé vers le haut de la rame pour capter un peu d’air. Preuve de la plasticité à toute épreuve de notre corps… Heureusement, la densité humaine est telle qu’une position totalement déséquilibrée n’est pas synonyme de chute pour autant. Voilà donc que l’on se « repose » sur des bouts d’êtres, que nous sommes tous là, avec notre bulle de sécurité percée de toutes parts, à vivre une intimité non désirée avec de parfaits inconnus. Qu’un sorte et le mikado s’effondre… Parfois, il est difficile à certains de réfréner certaines poussées belliqueuses. Cela se comprend. Heureusement, les bras étant bloqués en position basse, les agressions sont majoritairement verbales. Le pire entendu : rame bondée, on pousse, on pousse, on pousse… Une jeune femme avec un paquet fragile entre les mains dans le sas principal. Quelle idée aussi, pourrait-on penser, de prendre le métro à cette heure-ci avec un paquet fragile ? Il y a aussi des gens qui partent en vacances avec leur grosse valise ou sac à dos qui prennent le volume de trois personnes, ou des poussettes dépliées avec marmaille inside – 4 personnes… On leur en veut et en même temps, faut bien continuer à vivre ! Bref, la donzelle avec sa boîte fragile… Voilà qu’elle lance un « Ta gueule ! » à une vieille dame qui avait dû manquer sa dernière séance de PNL et n’avait donc pas su capter les micro-signaux que lui envoyait la jeune femme bien sous tous rapports apparents depuis quelques secondes : « Pas le matin ! » « Pas le matin ! » « Pas le matin ! »… Comprendre : « Ne pas me prendre la tête dès le matin ! »… Et la dame, insistante, « Oui, mais, quand même vous pourriez faire attention… » « Ta gueule ! » donc. Effroi dans l’assemblée. Quand même… Oui, quand même… Cette ligne transporte des gens dans des conditions inacceptables, mais quand même, un peu de respect pour les aînés. Oui, moi, je suis comme ça. Bref. Elle finit par s’excuser… Non, pas d’excuse… par se justifier quelques minutes après… le métro est arrêté entre deux stations, ça laisse le temps de penser à ce que l’on vient de dire, à se rappeler du chapitre sur la maîtrise de soi parcouru la veille, à se convaincre que ce n’est pas grave… « Oui, quand même, ça ne se fait pas ! » finissent par dire les gens collés à la jeune-à-la-boîte-fragile-et-aux-joues-rouges… Ce qui ouvre une courte lamentation sur cette ligne maudite qui énerve tout le monde, les salariés, les employeurs, les recteurs d’université aussi, et en premier lieu les passagers, les sardines quoi… Evidemment, face à cette fatalité, je ne peux m’empêcher de me demander si les choses auraient été différentes si cette ligne ne s’était pas appelé 13 mais 15… La RATP aurait dû faire comme dans les compagnies aériennes américaines, supprimer la rangée 13 de leurs avions, forcément capteur de tous les dysfonctionnements connus sur les différentes lignes de son réseau !

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Quand, pour la première fois, mes yeux sont tombés sur la campagne d’affiches du film « Les infidèles », mettant notre Jean Dujardin au firmament de sa gloire et son compère Gilles Lellouche dans des positions suggestives… enfin, mettant deux bouts de femmes – littéralement : une paire de jambes et un ensemble cou-tête – dans des positions suggestives face à ces messieurs anticipant une future joie, j’ai lâché un « Oohhh, c’est osé !!  » mais honnêtement, ça n’est pas vraiment allé plus loin. Cette campagne, destinée à n’être que temporaire et à attirer l’attention sur un film qui s’annonce au 18e degré, en a pourtant choqué plus d’une, à tel point que l’ARPP (l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité) en a demandé le retrait… Polémique qui m’a tout de suite ramenée deux trois mois en arrière, lorsque, au hasard d’un trajet en métropolitain, j’ai découvert cette publicité placardée sur tous les murs de la station traversée et qui m’a bien plus chatouillée. Culottée certes, mettant en branle l’hypocrisie de rigueur sur la question aussi, mais profondément cynique et reflet d’une société qui ne sait plus trop quoi inventer pour s’amuser tout en se faisant… des couilles en or ! Non, pas ça justement ou simplement métaphoriquement, puisque ce sont des femmes qui ont eu l’idée de génie de créer ce site qui se targue d’ailleurs d’avoir 1 140 255 membres. Desquels parlent-elles ?

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