Photo-graphies et un peu plus…

Je me souviens de mes premiers voyages loin d’ici… Je revenais toujours avec un sac rempli de cadeaux, bibelots, souvenirs plus ou moins utiles, souvent plus que moins d’ailleurs. Enfin, à mes yeux. Mais en la matière, tout est subjectif… Parmi ces achats, il y avait d’ailleurs souvent un sac pour les contenir tous. De retour, je débarquais donc avec ma hotte flanquée sur le dos et distribuais ces petits présents rapportés de l’autre bout du monde. Il y avait, à cette époque pas si lointaine, une réelle surprise à découvrir ces portions d’ailleurs. La séance de déballage, un peu comme un matin de Noël pour les enfants – car ensuite, ça se gâte ! -, baignait dans un émerveillement naïf de nomade fraîchement rentré. Chaque objet offert était l’occasion de raconter une histoire, celle du lieu où il avait été acquis, de la manière dont ce lieu avait été atteint, des personnes éventuellement rencontrées à cette occasion, des risques auxquels il avait été exposé dès lors qu’il avait été entre mes mains – en particulier lorsqu’il s’agissait d’objets fragiles – et ainsi de suite jusqu’à, finalement, atteindre ce désagréable instant où une charmante hôtesse de l’air me demandait, ainsi qu’à tous mes voisins, de ne pas me lever tant que l’appareil n’était pas complètement arrêté, ce qui signait la fin de mon évasion. La distribution faite, c’était à mon tour de trouver une place à ces souvenirs protéiformes sur mes étagères, mes murs, dans mes penderies, mes placards… Deux semaines, six mois, quatre ans après, il me suffisait alors de les regarder quelques secondes pour refaire, virtuellement, le voyage vers leur pays d’origine.

Petit à petit, j’ai arrêté d’encombrer mes armoires de nouveaux sacs. Tout simplement parce que j’ai arrêté de revenir avec les poches pleines de souvenirs, de babioles et de cadeaux palpables. En tout cas, pour moi. Pourquoi ? Plus de place sur les étagères, les murs ou ailleurs ; relativité de l’intérêt pérenne dudit souvenir une fois revenu à la « vie normale » (combien sont désormais dans des boîtes à chaussures, oubliés au fond d’une cave servant de foyer aux araignées ou perchés dans des greniers squattés par des pigeons unijambistes ?) ; incompatibilité esthétique entre les diverses incarnations de l’altérité… Il y a aussi le fait qu’aujourd’hui, l’ailleurs est venu jusqu’ici. Vous désirez donner une petite touche d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique Latine à votre intérieur, goûter une spécialité culinaire bien de là-bas ? Où que vous soyez, les Pages Jaunes sauront rapidement satisfaire votre envie sans vous faire prendre l’avion. Certes, c’est un brin moins charmant et surtout moins authentique mais cela fait partie des affres de la globalisation, de son rouleau compresseur uniformisant et de son corollaire agaçant que le monde est un village. Mais alors, plus de madeleine vers laquelle se retourner pour revivre nos errements géographiques ? Bien sûr que si : les photos, dont c’était déjà partiellement le rôle, ont, pour ma part, plus que jamais, cette fonction. Nettement moins gourmandes en place réelle, peu regardantes face aux fautes de goût de la juxtaposition, introuvables sur les pages jaunes, elles sont mes propres souvenirs que je me construis en temps réel pour anticiper l’oubli et cultiver ma mémoire d’un ailleurs résistant…

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L’histoire d’une photographie ne s’arrête pas à ce que disent les éléments qui la composent. Une fois faite, la photo est soigneusement rangée dans un sous-dossier, lui-même inclus dans un dossier, à son tour sous-partie d’un méta dossier. Idéalement, quelques mots clés lui sont accolés pour pouvoir la retrouver sans avoir à organiser une partie de Memory (ce que j’aime beaucoup pour ma part). Passées ces louables attentions liminaires, la photo coule des jours heureux et paisibles avec ses camarades de sous-dossier avec lesquelles, peut-être elles s’échangent des points de vue très argumentés sur la perception qu’elles ont, à la fois d’elle-même mais aussi des autres ; sur la manière dont elles ont été capturées : « oh, elle a totalement raté son cadrage ! » ou « C’est joli ce petit reflet qu’elle m’a collé en haut là ! » ou encore « Moi, je suis contente, je sens que je vais en faire rire plusieurs… » puis enfin « Rigolez bien car vous êtes condamnées à passer le reste de votre vie ici ! Elle vous a prises en photo, c’est sûr, mais maintenant, elle vous a oubliées ! Mettez vous bien ça dans le pixel ! »

Cette photo communarde exagère un peu la situation mais n’a pas tort sur le fait que beaucoup de photos ont déjà vécu leur heure de gloire par le seul fait de leur existence. Ce n’est pas une fatalité et certaines échapperont à cet apparent triste sort. Sélectionnées sur des critères changeant chaque jour, certaines seront imprimées pour intégrer un album ou livre photo. Ce qui reste une présentation intimiste, réservée à quelques élus mais cela fait toujours plaisir. D’autres se retrouveront sur des sites internet, des blogs, des réseaux sociaux pour une exposition certes virtuelle mais potentiellement mondiale. Dans des cas exceptionnels, une sélection d’entre elles fera l’objet d’une véritable exposition. J’entends « réelle » avec tirages, cadres et vernissage. C’est l’euphorie sur les murs pour ces images qui se pavanent, toutes émoustillées de l’intérêt que leur portent de parfaits inconnus. Mais il peut encore arriver mieux : qu’une personne ait un coup de cœur, qu’une autre se dise que cette image plaira à tel ou telle, et décide de se la procurer, généralement en l’achetant. Ce sont des choses qui arrivent…

Voilà donc l’heureuse élue comblée de l’être, choisie, mais déjà nostalgique à l’idée de quitter ses camarades à jamais. Une toute nouvelle vie commence alors pour elle, dans un tout nouvel environnement. Une vie a priori sans histoire puisqu’elle devrait être accrochée à un nouveau mur, idéalement vu de tous. Ce n’est pas toujours le cas. La photographie ci-dessus, dont la vie n’a pas été un long fleuve tranquille jusqu’à présent, pourrait aisément le confirmer. Cette photo, tronquée pour les besoins de la démonstration, est un cadeau rapporté d’une ville dévastée par des crises successives à l’allure, aujourd’hui, apocalyptique : Detroit. Une fois achetée, elle a traversé la frontière américaine en direction de Montréal où elle a passé quelques mois à quelques centimètres de moi. De là, dans l’obscurité la plus totale d’une valise bien remplie, elle a parcouru le pays d’est en ouest, s’arrêtant même là où personne ne va – Winnipeg – avant de filer à Vancouver. Elle a alors repris l’air pendant quelques semaines sur un rebord de fenêtre la mettant à son avantage. Et puis, nouveau black out. Retour anticipé à Paris par valise à coque solide. Avec escale. Et malencontreux échange de valide à l’aéroport de Toronto. On croit que cela n’arrive jamais ou, à la rigueur, qu’aux autres, mais c’est possible. Un personne peut vraiment confondre sa valise avec la vôtre et l’embarquer comme si de rien était. Un type a donc confondu une valise noire avec une autre mais identique valise noire. Cela peut s’entendre. Une valise d’une bonne vingtaine de kilos avec une autre d’une dizaine à peine. Là, le doute s’installe : a-t-il vraiment porté sa valise à un moment ? Une valise extrêmement bien rangée, sans perte d’espace donc, avec une valise où tout est en fouillis, vêtements et ours en peluche. Ok, on ne peut pas deviner l’intérieur de l’extérieur…

Après trois jours d’angoisse iconographique, la compagnie aérienne a réussi à négocier l’échange pas standard. La Gare de Detroit est arrivée à bon port. A l’ombre pour quelques mois encore, mais saine et sauve. Les pérégrinations achevées, la valise s’est ouverte et la photo est passée d’une table à une étagère à un mur à une desserte, toujours non encadrée (parce qu’elle se mesure en inches et que nous naviguons dans le système métrique, mais ce n’est qu’une excuse…). Tranquille et vue par tous. Jusqu’à ce terrible matin de juin où j’ai bien cru que c’en était fini pour elle. Tout d’un coup, j’ai entendu un grand « boum » venant d’ailleurs. C’était mon iceberg ! Il venait de tomber du mur de tout son poids… sans pour autant atteindre le sol, ce qui est pourtant la suite logique de tout objet en chute libre… Deux corps ont en effet fait blocage : la desserte, juste en dessous et sur laquelle il a vraisemblablement rebondi – je ne peux que reconstituer la scène n’y ayant pas assisté -, avant de basculer – tel un morceau d’iceberg arraché de la masse mère par le dérèglement climatique et s’écrasant, avec fracas, dans un lac, une mer, un océan – sur un fauteuil courageux, annihilant en une micro-seconde ses envies de destruction glaciaire. Pas un éclat, rien. L’iceberg, une œuvre d’art bidimensionnelle, n’avait rien. Malheureusement, la gare de Detroit se trouvait justement sur le chemin de l’iceberg… En glissant le long du mur, il est donc arrivé au sommet de la Gare, faisant plier puis déchirant la Marie-Louise sous la violence du choc, cassant la photographie dans la foulée et envoyant l’ensemble valser à terre dans un silence de photo blessée. KO en un décroché d’iceberg. Et une nouvelle ligne à ajouter à la biographie de cette gare à la vie haute en couleurs !

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A l’origine, si je me suis approchée de ces anciennes Halles reimoises, c’est pour leur architecture étonnante me rappelant vaguement celle du CNIT à La Défense, ainsi que pour leur désespérant – et en même temps, attirant – état de délabrement et d’abandon. Pour une raison qui m’est encore obscure, j’aime ces bâtiments, maisons, immeubles qui semblent être passés à deux doigts de l’apocalypse. Ce n’est pourtant pas cet aspect-là qui me revient à l’esprit aujourd’hui dans ce face-à-face avec cette image. Ce jour-là, presque lointain, une autre catastrophe a en effet été évitée de justesse et c’est à elle que cette photo fera désormais écho.

A l’époque, j’avais pour habitude de tenir un peu mollement mon nouvel appareil numérique, ce qui m’avait déjà valu plusieurs frayeurs suite à des cadrages un peu tarabiscotés. Un peu trop confiante en mon équilibre, je snobais insolemment les divers avertissements que l’on me lançait. Bizarrement, ce dimanche-là, me retrouvant en émoi au pied de ces Halles désertées à l’accès bloqué par de grandes grilles métalliques, j’ai, pour la première fois, obéi à l’injonction : j’ai passé la petite cordelette de mon appareil autour de mon poignet droit. Pressée de capter ce qui ne bougeait pourtant plus depuis des années déjà probablement, j’ai levé le pied pour le poser juste devant la grille. Sans faire attention à ce qu’il y avait au sol… J’aurais dû. Une belle plaque de mousse mouillée ! Mon pied a dérapé, mon bras droit s’est affolé pour rétablir l’équilibre, ma main droite – tenant la boîte à images – s’est instinctivement ouverte pour attraper quelque chose de fixe… En 1 seconde 32 centièmes – la durée du fâcheux épisode -, j’ai vu sa courte vie défiler et toutes les images faites avec lui projetées en grand dans l’immense marché parabolique. Je l’ai vu s’envoler au beau milieu des Halles du Boulingrin et exploser avec fracas sur ses dalles de béton. Je me suis vue dépitée, abattue, énervée d’avoir causé la fin prématurée d’une amitié naissante… Heureusement, rien de tout cela n’est arrivé puisque je l’avais accroché à mon poignet ! La cordelette s’est tendue… Au bout, l’appareil, vacillant, titubant, sonné mais sain et sauf ! Voilà ce dont je me souviens en regardant cette photo. En revanche, je ne sais toujours pas pourquoi, comme toutes les fois précédentes, je n’ai pas envoyé valser le conseil que l’on me donnait…

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Un déménagement est le moment idéal pour réellement faire un tri dans ses affaires. Plier, emballer, encartonner, ranger, empiler… Personne n’aime vraiment ça. Car, après plusieurs années de vie entre les mêmes murs, ce nouveau départ vous fait réaliser à quel point vous avez pu entasser d’inutiles petits objets. Vous savez, ces revues que vous n’avez pas eu le temps de lire au moment où vous les avez reçues, que vous avez soigneusement posées sur une table basse en reportant leur découverte à un moment ultérieur, quoique indéfini. Petit apparté : en réalité, ce moment de répit n’arrive jamais. Il serait donc objectivement plus judicieux d’envoyer ces feuilles de chou au recyclage, au moins serviraient-elles à quelque chose. Sauf, qu’évidemment, en s’en séparant sans les avoir compulsées, vous avez la désagréable sensation de jeter votre argent par la fenêtre, de perdre le combat contre l’horloge infatigable et de manquer quelque chose : il y avait quand même des articles intéressants dans ces numéros.

Cette indécision argumentée vous pousse à les placer dans un coin, puis, finalement, à les oublier… jusqu’à ce qu’un déménagement vous conduise donc à faire réapparaître tout ce que vous avez voulu cacher et à vous reposer la question de leur destinée… Même type de raisonnement avec les vêtements que vous avez accumulés année après année en vous disant que la mode était cyclique et qu’un jour, votre pantalon à petits carreaux serait autour de toutes les jambes ; ou des bibelots dont vous avez couvert vos étagères à une époque où vous étiez adepte du plein et de ces objets attrape-poussières, alors qu’aujourd’hui, vous préférez nettement le vide, notamment car vous n’avez plus le temps de faire la poussière. Bref, les exemples ne manquent pas et chacun a ses petits tas dans un coin de chez lui.

Malheureusement, nombreux sont les déménagements qui s’organisent au dernier moment, même s’il est difficile de parler « d’organisation » dans ce cas. Dans l’urgence, vous n’avez alors plus le temps de trier et vous vous retrouvez à tout empaqueter par défaut, en sachant que ces petites choses mises à l’écart seront tout autant abandonnées à leur triste sort dans votre nouveau chez-vous. Voilà comment, faute de trancher impitoyablement à un moment précis, vous vous chargez de l’inutile à vie.

C’est un peu comme avec ces duos. Je constitue des dossiers hebdomadaires dans lesquels je glisse les photos sur lesquelles j’aimerais m’étendre. Le jour dit, en fonction de l’humeur, je pioche dans la masse ou pars en quête d’une autre image à raconter. En fin de semaine, je bascule alors toutes les photos non utilisées dans le dossier de la semaine à venir. Certaines photos n’y transitent que quelques heures, quelques jours ; d’autres y restent des semaines voire des mois. Or, dans le dossier du 21 novembre, nombreuses sont les photographies à migrer ainsi en attendant des jours meilleurs pour elles, autrement dit, une certaine inspiration. Et comme avec les monticules de revues faussement rangées sous les meubles, arrive parfois l’heure où l’on se lasse de voir chaque jour la même chose, le même bazar… Moment décisif à saisir et à transformer en acte concret. Bref, il est grand temps de déménager ! Ces images, collées les unes aux autres dans un joyeux n’importe-quoi décontextualisé, sont donc les orphelines du 21 novembre. A voir comme des instantanés auxquels j’ai tenté de donner un écho à un moment et qui ont fini par en trouver un à quelques encablures de l’instant ultime : l’oubli.

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Cela faisait bien 1h30 qu’on roulait… L’atmosphère dans le bus s’était un peu calmée, la fatigue matinale aidant, mais il y en avait toujours trois ou quatre qui relançaient les hostilités à un moment ou un autre, et qui finissaient par contaminer tout le monde, au grand dam des monos. Ils devaient bien se marrer, intérieurement. On sentait qu’on s’approchait du but de l’excursion, la forêt devenant de plus en plus touffue. Il n’y avait personne d’autre sur la route. Que nous. Une petite quarantaine d’enfants excités, un jeudi de vacances en centre aéré. Le chauffeur avait enfin ralenti, jusqu’à s’arrêter. Mais pas sur un parking, sur la route elle-même. Un barrage. Il y avait un barrage devant. Des personnes bloquaient la route. Des fumigènes. La marmaille que nous étions s’était tue sur le champ. Le bus avait dû se garer et les monos nous avaient fait descendre. Comme ça. Il y avait un peu d’agitation dehors. D’autres cars étaient parqués, à proximité. D’autres enfants attendaient aussi, dans un silence auquel ils n’avaient habitué personne. On sentait bien que quelque chose d’anormal se tramait.

Dans la forêt, là-bas. Une lumière d’une rare intensité passait à travers les troncs, les branches, les feuilles. Comme pour nous aveugler. Des volutes de fumée enveloppaient la zone vers laquelle nous nous dirigions, mi amusés mi effrayés. Il y avait quelque chose. Quelque chose de grand. Quelque chose que nous ne connaissions pas. Le bois sec et les feuilles mortes craquaient sous nos pieds, des cris d’enfants rebondissaient d’arbre en arbre. Et toujours cette lumière. Blanche. Au fond. Comme un guide. Un aimant. Plus nous nous approchions, plus il y avait de fumée, au cœur de laquelle nous distinguions une forme à laquelle nous ne voulions croire. Une soucoupe. Volante. Posée sur l’humus. De quatre, cinq mètres de diamètre. Avec de petits hublots. Une antenne. Et dans cette brume artificielle, marchant d’un pas lourd, d’étranges silhouettes casquées… Qu’on voulait faire passer pour des extraterrestres. Des extraterrestres, rien que pour nous. Pour notre sortie du jeudi. A quel instant avions-nous compris cette géniale supercherie fomentée par nos animateurs associés à ceux d’écoles voisines ? A quel instant notre cœur d’enfant crédule avait-il repris son rythme normal pour profiter de l’univers extra-ordinaire dans lequel il avait été plongé sans ménagement ? Et à quel point mon âme d’adulte a-t-elle transformé cette histoire dans sa mémoire pour la rendre encore plus incroyable ?

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.. paraît, mais c’est . vérifier, que nos yeux, bien qu’ils voient tous les mots écrits noir sur blanc (.. .. d’autres couleurs) sur une feuille, une page, .. écran, .. fixent pas les mots .. moins .. trois lettres. Ils .. .’. arrêtent pas, .. les retiennent pas. C’est, . .. méprendre, .. subtilité qu’il . . entre .. fait d’entendre .. celui d’écouter. .. peut, .. effet, tout . fait entendre une conversation sans pour autant l’écouter, c’est-à-dire .. souvenir exactement .. son contenu. Comme .. peut parfaitement interpréter correctement cette image même .’.. .. manque quelques pièces maîtresses : derrière .. grille, .. ligne blanche .. poursuit .. retombe sur elle-même après son passage . l’ombre, l’homme . bien deux bras .. deux jambes même .. .. n’en voit qu’un .. chaque… .. peut donc lire .. texte .. .. comprendre .. sens sans pour autant passer .. revue tous les mots qui .. composent. .. fait, pour aller directement .. but .. vous épargner tous ces détours oculaires, .’.. pris .. liberté .. supprimer ces mots .. une .. deux lettres. Ainsi suis-.. sûre que vous vous concentrerez sur ceux, plus longs, finalement écrits (même .. les autres auraient .. l’être aussi, écrits), que vous tenterez .. reconstituer .. puzzle .. .. retrouver les binômes .. trinômes manquants, ceux-.. même qui n’apportent pourtant aucune information essentielle . .. texte . trous dont .. sens vient . m’échapper…

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Le mobilier urbain reflète, d’une certaine manière, la place qu’une ville accorde à ses visiteurs, qu’ils en soient originaires ou simplement de passage, ainsi qu’au sentiment qu’elle a envie qu’ils gardent d’elle. Ce banc asymétrique proposant quelques sièges droits classiques aux conservateurs et une véritable banquette-longue appelant au farniente et à la contemplation de la vie maritime aux plus aventureux l’illustre très bien… Stockholm désire que nous nous sentions à l’aise chez elle, un peu comme chez nous. Surprise par la modernité de cette forme aux atours pourtant traditionnels, je ne peux m’empêcher de sortir ma boite à images de son étui pour immortaliser ce banc, comme l’on dit, pour ne pas l’oublier, comme l’on pense. Je ne suis pas urbaniste ni designer, l’oublier ne serait pourtant pas vraiment problématique, et nous avons parfois tendance à vouloir garder en mémoire des informations dont nous pourrions nous passer. Pourquoi ? Parce que nous ne pouvons pas nous rappeler de tout, donc, autant que cela soit utile. Je l’écris mais je ne le pense pas. Se souvenir de l’inutile a beaucoup de sens aussi. Mais, ce n’est pas pour cette raison que j’ai choisi cette image pour aujourd’hui.

Je reprends donc. Je ne peux m’empêcher de sortir ma boite à images de son étui pour immortaliser ce banc. Clic clac (pas vraiment, puisque mon appareil est en mode silencieux : soit on fait un vrai clic clac d’argentique, de rideau qui s’ouvre et se referme, soit on ne fait pas de bruit du tout !), c’est dans la boite. On peut continuer la promenade en se disant que l’on n’est pas passé à côté de quelque chose, que l’on su capter la petite spécificité du lieu. Là est le hic. Car je n’ai pas testé ce banc, je ne me suis pas assise ni affalée dessus. Non, je l’ai regardé, j’ai admiré l’intelligence de la conception, je l’ai pris en photo et puis je suis partie. Parfois, la photo, c’est aussi cela : un moyen de ne pas oublier ce que l’on a vu qui nous fait oublier de vivre ce que l’on ne veut pas oublier. Je suis donc passée à côté de ce banc – même s’il pleuvait et s’il était mouillé -, et probablement d’une foule d’autres situations que j’étais trop empressée de photographier, et que je classais déjà dans les souvenirs avant même de les vivre et les ressentir totalement au présent.

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Je ne le sais pas encore, mais dans quelques minutes, au détour d’un virage à 90 degrés, je serai moi-même sur cette portion de route semblant jaillir de cette terre ocre pour mieux y retourner un peu plus loin, effrayée qu’elle est sûrement par ce ciel menaçant l’Atlas proche, et qu’actuellement je m’évertue à saisir. Je ne le sais pas encore mais il y aura de la neige sur les cols que je passerai à l’horizon montagneux. A ce moment, je ne sais pas encore non plus que, amusée par le contraste, je prendrai une photo d’une borne kilométrique indiquant la distance jusqu’à Marrakech recouverte d’une fine couche de cette neige inattendue après dix jours de marche dans un désert chaud, sec et aride. Comme s’il me fallait ramener une preuve. Et sans les images, prises il y a une bonne dizaine d’années, aujourd’hui, je ne saurais probablement plus rien de tout cela. Souveir du Maroc. Pardon, souvenir.

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Voilà ce qui arrive lorsque l’on cherche une image en particulier et que l’on ne la retrouve pas… J’ai à l’esprit, depuis plusieurs jours, une photo que je pourrais décrire dans ses moindres détails et qui, a priori, serait idéale pour illustrer un propos que je m’empêche de développer depuis, n’ayant pas mis la main virtuelle sur cette photographie. Je pourrais en chercher une autre qui cadre tout aussi bien avec le dit sujet, mais cela ne règlerait pas le problème : cette image, si présente dans ma mémoire, resterait cachée parmi ses nombreuses semblables… Ce n’est évidemment pas la première fois que cela survient, et deux fois sur trois, la photo pensée initialement se présente, comme une fleur, sous mes yeux, à l’issue d’une recherche totalement différente, deux ou trois jours après avoir déclaré forfait ! Comme si c’était un jeu ! L’image a-t-elle une conscience d’elle-même et du pouvoir qu’elle exerce sur nous ?

Il est certain que chercher une photo précise dans un portfolio en contenant plus de 20 000, même en rationalisant au maximum (lieu, période approximative…), c’est un peu comme tenter de retrouver quelqu’un dans une foule en mouvement (il y a une heure, il était là) ! On fait des tours et des tours, dans un sens puis dans l’autre, rapidement puis lentement, on retourne tout, en vain. La photo échappe à notre vigilance pourtant à son paroxysme. Car le portfolio est mouvant… Les images sont parfois déplacées et réorganisées dans un souci d’optimisation. Certaines sont parfois même supprimées, plusieurs mois ou années après avoir été prises. D’où un problème potentiel de mise à jour de notre mémoire interne : peut-être ai-je tout simplement oublié que j’avais effacé cette image ? Auquel cas, ma quête n’aboutira jamais. Je me souviens en effet que cette photo prise dans une salle de cinéma en attendant les bandes annonces était floue. Un état qui est loin de me déranger, mais, parfois, certains jours de grand ménage photographique (on parle de « Printemps de la photographie » dans les chaumières), on se prend à éliminer des images chéries la veille. Comme ça, sans prévenir. Mais avec de bons arguments. Et pas de négatif pour rattraper l’affaire si le lendemain, on change d’avis. Dans ce cas, mieux vaut savoir oublier les images que l’on a en tête, et qui, d’une certaine manière, se rapprochent de La photo pa(s/r)faite. Cela permet de voir plus loin…

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50 mètres. C’est la longueur du premier « vol » effectué par Clément Ader le 9 octobre 1890 à bord d’Eole, l’engin qu’il a fabriqué en s’inspirant de la chauve-souris. Sans doute n’imaginait-il pas, à ce moment, que son invention allait, deux siècles plus tard, révolutionner notre appréciation de l’espace, du temps et au final, du voyage.

Aujourd’hui, l’avion, mot bizarrement créé après celui d’aviation, nous mène à l’autre bout du monde en quelques heures (ce qui, soit dit en passant, semblerait dire que le monde a un début et une fin, alors que nous avons déjà vu dans Et pourtant, elle tourne qu’il n’avait même pas de sens). Bref. Ainsi, très rapidement et sans transition, il est possible de se retrouver à un endroit où la langue, la culture, la température, l’heure, les coutumes sont totalement différentes de celles que l’on connaît. Un jour, vous êtes piégé dans les embouteillages à cause de la pluie qui ne cesse de tomber depuis 2 jours, et quelques heures plus tard, vous êtes sur une plage de Bali en train de siroter un cocktail de fruits frais sur un air de java… D’un certain point de vue, c’est de la magie. Une magie qui a largement contribué à démocratiser, voire banaliser, le voyage. Aussi bien le fait d’être ailleurs que le déplacement en lui-même.

Ainsi, lorsque, las de cette instantanéité, on se prend à préférer le train à l’avion, tout semble rentrer dans l’ordre. Qu’importe s’il faut 12 heures pour parcourir 263 kilomètres ! Pour une fois, ce n’est pas le ratio temps / action qui compte, mais le moment, l’instant. Que gardons-nous en mémoire d’un vol de 12h ? Les trous d’air, effrayants ; la nourriture, mauvaise ; la clim’, trop froide ; le film, nul ; le petit derrière, exaspérant… Que gardons-nous en mémoire d’un trajet en train de 12h ? Des paysages splendides, riches et variés ; une rencontre inédite avec des personnes différentes et avec leur culture ; des découvertes culinaires à chaque station vendues par les habitants des villages traversés ; une autre perception de notre temps et de celui des autres. L’un comme l’autre sont fatigants, mais, entre les deux, quand on a le choix, y a pas photo !

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