Photo-graphies et un peu plus…

Celle-là, j’ai réussi à l’attraper avec mon épuisette à papillons il y a quelques jours à peine. Ni trop courte, ni trop longue, exactement la taille nécessaire pour se prendre correctement dans le filet. Je l’avais vu passer il y a quelques années déjà, mais dans la précipitation, elle m’avait échappée… Le stress… Ce n’est effectivement pas tous les jours que des expressions paradoxales se présentent à nous. Ainsi en est-il des « 4 coins du globe » ou, parfois, « de la planète » qui, nous le savons depuis Aristote et même Platon, c’est-à-dire il y a très très longtemps (IVe siècle avant JC), est ronde. Patatoïde en fait, ou plutôt aplatie aux pôles, ce qu’ont montré plus récemment les images satellites. Certains l’ont imaginé plate ou ayant la forme d’un cylindre avec deux faces plates et une certaine épaisseur, d’autres qu’elle était accrochée à un pilier pour ne pas tomber… A quoi était lui-même fixé le pilier, l’histoire ne le dit pas…

Et quel est le point commun entre un disque et un cylindre, les deux formes pressenties pour notre planète ? Ils n’ont pas d’angles ! Or, en l’absence d’angles, nous pouvons conclure en celle de coins. Et en l’absurdité d’une expression comme « les 4 coins du globe », même si ledit globe comporte quelques petits coins de paradis… C’est toute la subtilité de la langue française. A la fois sur le coin et sur le paradis, dont il faudrait alors discuter de l’existence, ce qui nous mènerait probablement très loin. A des années lumières d’ici. Qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas une durée mais une distance… Bref, tout comme la Terre n’a pas de sens, elle n’a pas de coins non plus. Mais cela se complique… Dans l’ancienne cosmologie chinoise, le ciel était rond et la Terre carrée. Ce qui change tout. Car, le carré est très précisément connu pour la perfection de ses angles, droits. Ainsi, à cette époque reculée, aller aux 4 coins du globe pouvait avoir un sens, indépendamment du fait que la Terre n’a pas de sens donc, et qu’un globe, que la Terre soit ronde ou carrée, reste un globe, comme l’œil. Imaginons-nous, par exemple, quelques instants, avec les yeux carrés ou cubiques. Il nous serait alors impossible de « rouler des yeux ». Ce serait dommage ! Revenons à la cosmologie chinoise… Le rond du ciel était circonscrit dans le carré terrestre de telle sorte que les quatre coins de la Terre n’étaient pas recouverts par le ciel et étaient perçus comme des « territoires incultes peuplés d’êtres non civilisés » (cette analyse semblerait provenir du sinologue Michel Granet). Contrairement à aujourd’hui, se rendre aux quatre coins du globe à cette époque n’était donc certainement pas très positif et glorieux puisqu’il s’agissait d’aller à la rencontre de sauvages. Ceci dit, l’autre est toujours un peu un sauvage pour soi… Même si c’est encore un abus de langage ! Quant à savoir si cette expression vient de l’empire du milieu, je n’en ai fichtre aucune idée !

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Tout commence par une histoire de cinéma. Ou plutôt de voix de cinéma. Ou plutôt de doublage de voix de cinéma. En somme de langues. Si l’image est essentielle dans tout film, le son l’est tout autant. Je ne parle ni de technique ni de musique, primordiales, mais du verbe, des mots, des dialogues, de la sonorité de la langue… Avoir l’opportunité d’aborder un film dans sa langue d’origine, quelle qu’elle soit, est en effet un luxe qu’offrent nombre de salles parisiennes, que l’on finit par trouver normal, et donc oublier. On s’engouffre avec satisfaction dans une salle où le japonais, le hongrois ou le suédois résonnent en se disant que cela fait partie du voyage, et qu’ainsi, l’intégrité du film est respectée. Parfois, et s’en rendre compte est très étrange, alors que l’on ne comprend pas un traître mot de la langue employée, on se prend à occulter les sous-titres et à se concentrer sur les paroles échangées, comme si, par enchantement, on maîtrisait le japonais, le hongrois ou le suédois… Quelques scènes suffisent en général à nous faire réaliser que ce n’est pas le cas. On se jette alors à nouveau sur les sous-titres, en se demandant parallèlement ce qui a pu nous faire croire un instant que c’était superflu.

Ce qui me rappelle l’histoire extraordinaire de cette jeune Croate qui s’est réveillée de 20h de coma en parlant parfaitement l’allemand, une langue qu’elle commençait tout juste à apprendre, et non plus sa langue maternelle (qu’elle comprenait malgré tout). Une énigme scientifique pour l’heure irrésolue, même si elle renvoie vraisemblablement aux formidables capacités d’enregistrement et d’apprentissage non-conscient de notre cerveau. Mais pas de miracle dans la salle obscure, la lecture des sous-titres demeure inévitable pour la bonne compréhension de certains films !

Et, à mes yeux, c’est donc une chance que d’avoir à faire cet effort, parfois partiel lorsque la langue nous est familière. Un effort que nous épargnent malheureusement les salles montréalaises. Sur les 17 existantes (ce qui est peu au regard de la superficie de la ville), programmant à 95% des films anglophones ou francophones, seule une propose systématiquement la version originale sous-titrée. Les autres diffusent les versions doublées. Une torture en soi à laquelle s’ajoute parfois des aberrations comme une absence de sous-titres là où cela serait véritablement utile. Dernier exemple en date avec Enjeux, traduction de Fair Game, le dernier film de Doug Liman. Quelques scènes non anodines se « déroulent » en Irak. Langue parlée : l’arabe. On s’attend à avoir la traduction des échanges d’une manière ou d’une autre. Rien. La caméra retraverse l’Atlantique en basculant au français comme si de rien était. Comme si les mots n’avaient pas d’importance. Je le perçois comme un manque de respect du spectateur. Enfin, le film s’achève de façon documentaire, avec le témoignage de la vraie Valerie Plame, en anglais. Non sous-titré évidemment. Car, étrangement, dans cette ville où les anglophones ne représentent que 12% de la population, où les 4 millions d’habitants ne sont pas bilingues, où tout est disponible en français et en anglais, la crainte d’un phagocytage linguistique fomenté par les proches Américains semble prise très au sérieux. Ainsi, pour le cinéma, l’entente cordiale est-elle consommée : français ou anglais, il faut choisir son camp !

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