Photo-graphies et un peu plus…

Contre-nature

Dans un groupe, il faut toujours qu’il y en ait un qui se distingue, qui ne fasse rien comme les autres et a fortiori, qui se fasse remarquer. De près ou de loin. Tout avait pourtant bien commencé pour P4 – comprenez, le Palmier n°4, que l’on commence à compter par la gauche ou par la droite -. Une belle ascension verticale, parfaitement droite, digne des plus hardis et dans la lignée de ses camarades de place. Et puis, tout d’un coup, alors que, a priori, rien ne l’y prédestinait, la rébellion : P4 se courbe, P4 s’incline, P4 s’enroule, P4 se réforme, P4 vire de bord, se tord étrangement et joliment, P4 court-circuite le chemin que la tradition avait tracé pour lui pour en définir un nouveau, singulier, inimitable, où il est le seul maître à bord. Car il est libre P4. Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu danser…

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Au clair de la lune

(Le Delta) Silencieuse, sur ma barque, je me perds dans ses bras, en attendant que la Lune, pleine, me prenne dans les siens. (Du Mékong)

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Ph(o/au)tocensure

Ph(o/au)tocensure 2

Ph(o/au)tocensure 3

Ph(o/au)tocensure 4

Conformément à cette vérité iconographique selon laquelle 1 + 1 = 3, la juxtaposition de ces quatre photographies prises en quatre lieux très éloignés les uns des autres – Berlin en Allemagne, Thuan An au Vietnam, Doha au Qatar et Quinault aux Etats-Unis – pourrait suggérer que je cherche à faire passer un message. Je vous laisserai pourtant seuls maîtres de vos propres associations d’idées pour me concentrer sur chaque image indépendamment des autres. Ce qui ne les empêche pas d’être toutes unies par une même réflexion, ou pensée, ou impression : celle, partagée, qu’il peut être difficile de faire de l’humour, ou tout simplement d’être léger, sur certains sujets dans le monde actuel, la capacité de distanciation de certains s’étant réduite comme peau de chagrin ces derniers temps. Ou encore celle que certaines images renvoient inévitablement à des événements passés dans l’inconscient collectif alors qu’elles ne s’en font absolument pas l’écho, notamment car elles ont été prises avant qu’ils ne se produisent.

« Le clou du spectacle ». C’est le titre que je serais tentée de donner à la première photographie prise au coeur de l’Eglise du Souvenir, reconstruite sur les ruines de l’ancienne, et devenue symbole de paix et de réconciliation post 2e guerre mondiale. Limite, limite, me soufflent certains.

Direction le cimetière de Thuan An coincé sur une langue de terre donnant sur la Mer de Chine, où les sépultures, posées de façon chaotique sur des dunes mouvantes, se fissurent, s’éventrent voire se font engloutir comme si elles étaient prises dans des sables mouvants. En errant entre les tombes, je découvre des bouts d’un mannequin en résine, démembré, d’abord une tête, et un peu plus loin, une jambe, et puis encore un peu plus loin, des bras, une poitrine. Et puis tout le reste dans un coin. Je recompose le corps en trois-quatre images dans ce lieu de culte où les corps se décomposent, mais différemment. Aujourd’hui, impossible de les regarder avec la neutralité voire l’amusement qui étaient miens en déclenchant : ce faux corps déchiqueté et immaculé me renvoie désormais, et certainement pour longtemps, au tragique vendredi 13 novembre.

« Pyjama party ». C’est le titre que je serais tentée de donner à cette procession blanche en dish-dash et keffieh déambulant sur le tarmac de l’aéroport de Doha le pas alerte et le coeur léger.

Et enfin, la bannière étoilée. Quiconque a déjà eu l’occasion de voyager aux Etats-Unis – à défaut, de visionner des films ou des séries américaines – sait à quel point elle est omniprésente – en toutes tailles et dans les moindres recoins du pays – et les Américains lui vouent un culte sans borne, que nous jugerions, nous Français peu friands de cette forme d’exhibition patriotique, excessif voire ringard. Oui, mais là encore, c’était avant… Car depuis quelques semaines, le drapeau tricolore, avec lequel la majorité des hexagonaux gardait une certaine distance de sécurité, n’a jamais été aussi présent – de mémoire de vivante – aux fenêtres, sur les murs (les vrais, en brique, les faux en 0 et 1), dans la rue, sur les bâtiments et partout… Un hommage, un symbole de rassemblement et d’unité certes, mais aujourd’hui, difficile de ne pas se demander, parmi ceux flottant encore au vent, combien sont ceux liés à un sentiment nationaliste et sclérosant légitimé par les dernières élections, plutôt que patriotique et ouvert sur les autres…

Ces quatre exemples me montrent à quel point l’interprétation que l’on peut faire d’une photographie est fluctuante, fugace, temporaire et varie en fonction des éléments contextuels survenus entre le temps de la prise de vue et celui du commentaire, qui, de fait, doit lui-même être idéalement daté. Ils me confirment aussi que, dans ce monde terriblement sérieux, il m’est primordial de cultiver et de partager, sans manquer de respect à qui que ce soit pour autant, ce décalage et cette dérision face aux choses de la vie, étranges ou pas…

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La vengeance de l'ombre...

ou, comment, à certaines heures de la journée, la fiction prend le pas sur la réalité…

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Montagne d'eau

Ce moment, précédant l’arrivée au sommet, où l’on ne peut pas savoir ce qu’il y a de l’autre côté… Ce qui ne nous empêche pas d’y aller les yeux ouverts.

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S'enforester

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Spectraculaire

Premier adjectif qualificatif de mon abécédaire de néophotologismes… Si l’adjectif « spectraculaire » est souvent associé à l’homme, il peut aussi se rapporter à un animal. L’important étant le caractère animé de l’être auquel il est lié. Ainsi désigne-t-il une entité se manifestant de façon insolite et inattendue, aux contours si indéfinis, si vaporeux et si fuyants que nombreux sont ceux à douter de son existence réelle et à y voir plutôt le sceau d’un spectre bienveillant et montrant le chemin vers une quête pensée perdue.

Exemple d’utilisation simple : « Il avait fait une apparition spectraculaire avant de disparaître à jamais dans une forêt pourtant clairsemée de pins rouges du Japon où Akiko, Mayumi et Ranko devenues adultes avaient fini par retrouver le petit coffre en bois qu’elles avaient enfoui sous terre l’année de leur 8 ans et qui renfermait, en plus de quelques dents de lait et de trois ailes de papillons, leurs doux rêves et promesses d’enfants soigneusement listés sur du papier jauni par le temps ».

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Les jeux sont ouverts !

Il y a au moins un avantage à poser le pied, idéalement les deux, dans un pays dont on ne maîtrise absolument pas la langue et dont l’écriture ne porte elle-même aucun indice susceptible d’en faciliter la compréhension : tout devient possible. C’est-à-dire que l’on peut choisir d’arpenter ses villes, ses rues, ses commerces, ses collines, ses plages en donnant une signification totalement imaginaire aux messages affichés, quitte à se tromper, mais volontairement, ou à manquer des informations importantes. Voilà donc qu’en plein cœur de cette forêt silencieuse et désertée bordant la paisible ville de Kyoto, est signalée aux randonneurs la présence, 14 arbres plus haut à gauche, d’un distributeur d’Awawawawa Pucho Ball alimenté en permanence par le très riche humus local et géré d’une main de fer par un couple de chouettes de Tengmalm… N’est-ce pas extraordinaire ?

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La ligne droite...

… est toujours le plus court chemin entre la source et le flux, le solide et le liquide, les sommets et la vallée, le calme et la tempête, la beauté et la beauté.

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L'hypocondrie nomade

Les pages santé des guides de voyage sont l’équivalent des notices des boîtes de médicaments recensant, et c’est tout à leur honneur (en plus d’être obligatoire), tous les effets secondaires possibles et imaginables susceptibles de survenir en les prenant, alors même qu’ils sont sensés nous guérir, parfois de maux bien moins graves que les affections qu’ils pourraient générer. De telle sorte que, parfois, nous préférons ne pas les prendre plutôt que de risquer, même si cela ne se produit qu' »exceptionnellement » car rien n’indique en effet que la banalité de notre corps ne puisse être l’hôte d’un « cas exceptionnel », un arrêt cardiaque ou des pensées suicidaires…

En lisant ces pages santé, nous nous imaginons donc, avant même d’avoir décollé, déjà atteint d’une combinaison autant cataclysmique qu’improbable de maladies auxquelles nous attribuons une dangerosité proportionnelle à l’exotisme et l' »imprononçabilité » de leur nom : choléra, encéphalite japonaise, fièvre typhoïde, maladie de Chagas, filariose lymphatique, onchocercose, leishmaniose, schistosomiase, trypanosomiase, rickettsiose, bilharziose…

Nous nous rassurons alors en nous promettant de nous badigeonner de répulsif anti-Anophele Funestus dès la tombée du jour, de n’accepter aucune boisson qui n’aurait été ouverte devant nos yeux, de ne caresser aucun animal que nous aurions vu se gratter, ou encore de ne pas mettre le pied dans les eaux stagnantes, voire même dans des rivières pourtant animées comme celle-ci, signalée comme vectrice potentielle d’une bilharziose inattendue ici par des affiches A4 aux couleurs passées plantées dans les arbres alentour, histoire de décourager les visiteurs fantasmant déjà sur un bain revigorant dans ses piscines naturelles au charme irrésistible, en quelque sorte, les Aglaophème, Thelxiépie, Pisinoé et Ligie auxquelles a pu résister Ulysse lors de son odyssée, non pas grâce à une pancarte flottant telle une bouteille à la mer, mais aux avertissements de Circé, la version mythologique des pages santé des guides touristiques…

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