Photo-graphies et un peu plus…

L'équilibriste

Il y a toujours un doute avec une image fixe… On ne sait pas ce qui s’est passé avant que son cœur ne se mette à battre ni ce qu’il adviendra de ce et de ceux qui la composent après, une fois l’attention du capteur de présent aimantée, légitimement ou pas, par autre chose. Ou plus trivialement, une fois le viseur baissé. Continue-t-elle à vivre, à l’abri des regards partageurs, à poursuivre sa route comme si de rien était ? A vrai dire, pourquoi en serait-il autrement ?

Et qu’en est-il alors de cet homme qui joue insolemment les équilibristes entre un début et une fin invisibles dont on ne sait s’ils sont loin ou proches, et fait ainsi frissonner de terreur tous ceux qui l’aperçoivent, depuis la terre ferme, chancelant sur sa poutrelle métallique ? Est-il arrivé là facilement ? Péniblement ? A l’image de ce que suggère ce geste figé un peu gauche ? Et surtout, que s’est-il passé l’instant d’après ? A-t-il vacillé ? S’est-il ressaisi ? Peut-être accroupi pour se recentrer et repartir d’un bon pied ? Aurait-il pu basculer et se rattraper miraculeusement à la barre avec ses bras, soulevant cris et émoi dans l’assemblée spectatrice ? Ou, de façon plus optimiste, a-t-il réussi à joindre l’autre rive sans encombre et sous les applaudissements ?

Rien de tout cela en vérité car il n’a absolument pas bougé d’un iota. Ni avant que son cœur ne se mette à battre ni après que tous ceux ayant cru en son existence et ayant naïvement eu peur pour lui, ne se soient rendus compte de la supercherie. Car l’équilibriste n’était qu’un artifice, un pantin stoppé dans son élan, une émotion incroyablement réelle suspendue dans le temps, finalement, un déséquilibre éternel.

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Ph(o/au)tocensure

Ph(o/au)tocensure 2

Ph(o/au)tocensure 3

Ph(o/au)tocensure 4

Conformément à cette vérité iconographique selon laquelle 1 + 1 = 3, la juxtaposition de ces quatre photographies prises en quatre lieux très éloignés les uns des autres – Berlin en Allemagne, Thuan An au Vietnam, Doha au Qatar et Quinault aux Etats-Unis – pourrait suggérer que je cherche à faire passer un message. Je vous laisserai pourtant seuls maîtres de vos propres associations d’idées pour me concentrer sur chaque image indépendamment des autres. Ce qui ne les empêche pas d’être toutes unies par une même réflexion, ou pensée, ou impression : celle, partagée, qu’il peut être difficile de faire de l’humour, ou tout simplement d’être léger, sur certains sujets dans le monde actuel, la capacité de distanciation de certains s’étant réduite comme peau de chagrin ces derniers temps. Ou encore celle que certaines images renvoient inévitablement à des événements passés dans l’inconscient collectif alors qu’elles ne s’en font absolument pas l’écho, notamment car elles ont été prises avant qu’ils ne se produisent.

« Le clou du spectacle ». C’est le titre que je serais tentée de donner à la première photographie prise au coeur de l’Eglise du Souvenir, reconstruite sur les ruines de l’ancienne, et devenue symbole de paix et de réconciliation post 2e guerre mondiale. Limite, limite, me soufflent certains.

Direction le cimetière de Thuan An coincé sur une langue de terre donnant sur la Mer de Chine, où les sépultures, posées de façon chaotique sur des dunes mouvantes, se fissurent, s’éventrent voire se font engloutir comme si elles étaient prises dans des sables mouvants. En errant entre les tombes, je découvre des bouts d’un mannequin en résine, démembré, d’abord une tête, et un peu plus loin, une jambe, et puis encore un peu plus loin, des bras, une poitrine. Et puis tout le reste dans un coin. Je recompose le corps en trois-quatre images dans ce lieu de culte où les corps se décomposent, mais différemment. Aujourd’hui, impossible de les regarder avec la neutralité voire l’amusement qui étaient miens en déclenchant : ce faux corps déchiqueté et immaculé me renvoie désormais, et certainement pour longtemps, au tragique vendredi 13 novembre.

« Pyjama party ». C’est le titre que je serais tentée de donner à cette procession blanche en dish-dash et keffieh déambulant sur le tarmac de l’aéroport de Doha le pas alerte et le coeur léger.

Et enfin, la bannière étoilée. Quiconque a déjà eu l’occasion de voyager aux Etats-Unis – à défaut, de visionner des films ou des séries américaines – sait à quel point elle est omniprésente – en toutes tailles et dans les moindres recoins du pays – et les Américains lui vouent un culte sans borne, que nous jugerions, nous Français peu friands de cette forme d’exhibition patriotique, excessif voire ringard. Oui, mais là encore, c’était avant… Car depuis quelques semaines, le drapeau tricolore, avec lequel la majorité des hexagonaux gardait une certaine distance de sécurité, n’a jamais été aussi présent – de mémoire de vivante – aux fenêtres, sur les murs (les vrais, en brique, les faux en 0 et 1), dans la rue, sur les bâtiments et partout… Un hommage, un symbole de rassemblement et d’unité certes, mais aujourd’hui, difficile de ne pas se demander, parmi ceux flottant encore au vent, combien sont ceux liés à un sentiment nationaliste et sclérosant légitimé par les dernières élections, plutôt que patriotique et ouvert sur les autres…

Ces quatre exemples me montrent à quel point l’interprétation que l’on peut faire d’une photographie est fluctuante, fugace, temporaire et varie en fonction des éléments contextuels survenus entre le temps de la prise de vue et celui du commentaire, qui, de fait, doit lui-même être idéalement daté. Ils me confirment aussi que, dans ce monde terriblement sérieux, il m’est primordial de cultiver et de partager, sans manquer de respect à qui que ce soit pour autant, ce décalage et cette dérision face aux choses de la vie, étranges ou pas…

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La loi du milieu

Quelqu’un m’a un jour dit, il y a très longtemps mais bien dans notre galaxie – et je suis d’ailleurs persuadée de l’avoir déjà mentionné ici – qu’il serait bénéfique de m’auto-imposer des contraintes d’écriture. C’est certain, cela donne un cadre. Certain. Ce soir, j’ai donc décidé d’imposer une contrainte forte à mon extension supposément intelligente. De la soumettre à une forme d’écriture automatique en quelque sorte en ne sélectionnant que les mots du milieu suggérés par le dictionnaire intégré de ma messagerie, en partie biaisé par mes récents échanges antérieurs… Cette photo n’a, vous vous en doutez, pas été choisie au hasard puisqu’elle porte le numéro 5000. 5000, à mi-chemin entre 1 et 9999, première et dernière image d’un tour du cadran photographique… Le plus étonnant – et c’est un pur hasard (mais le hasard n’est-il pas une notion que nous avons inventée simplement pour nous persuader que nous pouvions orienter nos propres vies ?) – est que cette photographie aie une composition aussi centrale. Et même auto-centrée. Quand bien même un monde nous sépare.

C’est donc parti pour quelques lignes sans autocensure qu’à cet instant précis, je ne suis absolument pas en mesure d’anticiper (évidemment, la grammaire va sûrement prendre quelques libertés) :

« Merci pour l’adresse. On part au relationnel. Vous pouvez me joindre au courant. Sinon, je ne suis pas sur que tu vas bien. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. Il y a des agences de voyages, les gens qui ont été, le temps de véritablement trier les annonces pour cette semaine. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. Je ne sais pas si tu as prévu de passer à l’expo mais j’y crois pas que tu culpabilises. Pense à toi et moi je suis en train de faire le point de vue. (…) »

J’imagine que je pourrais poursuivre la boucle éternellement, enfin, jusqu’à vider la batterie… Serait-ce à analyser comme un rêve au réveil ? Toujours est-il que j’aime beaucoup l’idée d’aller au « relationnel » comme s’il s’agissait d’un nouveau pays à découvrir…

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Fichier introuvable 2

Comment ça, « zéro élément » ? Il n’est pas censé y avoir « zéro élément » dans ce dossier ! Dans ce dossier, je devrais trouver au moins 150 éléments. Où sont-ils ? Recherche. Rien. Recherche. Rien à nouveau. Recherche de plus en plus agitée. Rien, toujours. Je retourne encore tout dans tous les sens. Rien, définitivement. Le dossier est vide. 150 photos fraîchement prises, envolées. Comme ça. Enfin, comme ça, je ne sais pas comment justement. Il est 23h37, c’est le retour de la PPF puissance 1000. J’essaye de réfléchir efficacement, de comprendre ce qui a pu se passer, de trouver une solution avant que les images perdues, ces petits cailloux semés sur mon chemin, ne me reviennent de façon intempestive à l’esprit, car à partir de ce moment-là, je ne verrai plus qu’elles, je ne verrai plus que ces images que j’ai faites, que j’ai gardées, que j’ai aimées et qui se sont évanouies.

Forums. Récupération de fichiers supprimés. Panique. Oh, les photos d’ombre… Ne plus toucher à rien. Trop tard. J’ai refait des photos depuis. Zut, et il y avait celles des enfants aussi ! Logiciels, opérations, test… Et le pont bon sang !! Le pont, le soleil, les silhouettes ! Attention, pas de miracle. Elles sont toutes là, à me narguer, juste derrière mes yeux, elles défilent numéro par numéro. N’existe-t-il pas une machine, parmi toutes celles créées de nos jours, qui soit capable d’aller les chercher dans mon hippocampe – elles datent d’à peine trois jours, je suis sûre qu’elles y sont encore ! – et de les reconstituer dans le monde réel ? Mais que fait la science !?

Je commence à comprendre ce qui s’est passé, et aussi que j’en suis l’unique responsable. J’aurais préféré une erreur technique plutôt qu’une erreur humaine… C’est d’un banal ! Je sais maintenant que je ne reverrai plus ces photos, je relativise : elles n’ont pas été prises à l’autre bout du monde, je les referai ! Mais une petite voix de mauvaise foi me lance : oui, mais ce ne sera pas la même lumière, les mêmes couleurs, les mêmes mouvements, la même heure, les mêmes rires, les mêmes âges, les mêmes… Et pourquoi la prochaine fois serait-elle moins bien au juste ? Malgré cet élan d’optimisme, je n’arrête pas de me repasser le film probable des événements : après avoir introduit la carte mémoire dans l’ordinateur et avoir fait, contrairement à d’habitude, le tri directement sur la carte, j’ai omis, pour une raison qui m’échappe, de copier les images sur le disque dur. Et j’ai effacé le contenu de la carte… Et j’ai réécrit dessus…

Je me pose alors une question très étrange dont l’origine me semble cinématographique (enfin, j’espère) : « quelqu’un » a-t-il vu ce que je faisais au moment où je le faisais, à ce moment crucial où j’ai confirmé la suppression des fichiers, et puis, deux jours plus tard, quand j’ai refait des photos, réduisant à néant toute possibilité de récupération ? « Quelqu’un » ou « quelque chose » a-il vu ça en se disant : « Oups ! Tu vas être triste quand tu vas en prendre conscience ? » Et aucun livre n’est tombé de ma bibliothèque (et j’attends les suggestions quant au film auquel je fais écho…) pour me faire comprendre qu’il y avait danger… Remarquez, dans ledit film, ça n’a pas suffi. J’ai donc continué sur ma lancée moi aussi, et voilà.

Maintenant que je sais leur sort scellé, je repense à ces images différemment. Plus intensément je dirais. Non pas de façon mélancolique mais en veillant à en redessiner le maximum de détails pour les ancrer dans ma mémoire à long terme et pouvoir les allumer, à tout moment, dans la nuit à laquelle l’oubli les destine.

Zéro élément

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Checkpoint

Si j’habitais Berlin et si j’avais à donner rendez-vous à quelqu’un sur l’immense Alexanderplatz, je choisirais certainement cet endroit aussi. Ce ne serait certes pas très original, mais j’aime l’idée de me retrouver sous cette horloge universelle – Urania pour les intimes, Weltzeituhr pour les germanophones – coiffée d’une version miniature – et simplifiée – de notre système solaire en rotation. Divisée en 24 portions, comme 24 fuseaux horaires, Urania indique l’heure qu’il est partout dans le monde en permanence grâce à un savant système de double cylindres. Ainsi, tout en étant à Berlin, pourrais-je lancer des rendez-vous énigmatiques du style : « Retrouvons-nous à 16h à Anchorage ! N’oublie pas tes moonboots… » ou « Rendez-vous à 10h à Caracas ! Nous aurons le téléphérique pour nous ! » voire « 00h à Tokyo – je porterai un chapeau melon rouge et picorerai un okonomiyaki »… Bien sûr, cela requerrait une certaine maîtrise voire une maîtrise certaine à la fois de l’addition et de la soustraction, et il y aurait certainement quelques ratés au début, mais les rendez-vous, prétextes à de multiples voyages imaginaires, n’auraient-ils pas une toute autre saveur ?

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Cet autre enfoui

Je veux bien croire que ce soit instinctivement effrayant les premières fois, d’avoir cette masse sombre collée à nos pieds revenant chaque jour, et ne se fatiguant pas de nous tourner autour, de nous suivre presque partout, devant, derrière, sur les côtés, et même en dessous. Cette masse inconstante et insaisissable passant de très élancée à affreusement difforme selon l’heure de la journée, dont nous n’avons pas encore totalement saisi et intégré le cycle et ses conséquences. Cette masse évanescente oscillant entre les ténèbres et la transparence selon la couche nuageuse, que nous n’avons pas encore le réflexe d’analyser. Cette masse qui lève un bras quand nous en levons un, qui se détache miraculeusement de nous quand nous quittons le sol… J’aimerais pouvoir revivre ce moment assurément incroyable où, pour la première fois, j’ai compris que cette masse était mon ombre et que cette ombre m’appartenait, et que, dès lors, je ne devais plus en avoir peur, et mieux, que je pouvais jouer avec, voire me jouer d’elle…

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Aplat

Si je déambule la tête en l’air la plupart du temps, il m’arrive parfois d’être scotchée par ce que je trouve à terre…

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FDM

Vous est-il déjà arrivé de penser à la fin du monde ? Statistiquement, la fin du monde – de ce monde incarné par notre planète bleue et de tout ce qui y vit – est assimilée à une catastrophe. A certains égards, c’en est effectivement une. Quant aux catastrophes, elles sont elles-mêmes associées à une iconographie purement imaginaire et conceptuelle très précise. J’insiste sur le « imaginaire ». Le contraire signifierait que la fin du monde a déjà eu lieu, que certains d’entre nous ont survécu, enfin, au moins moi qui écris ces lignes, qu’une connexion internet a miraculeusement résisté, mais que, comme Robert Neville dans I am a legend ou les héros père et fils de The Road, du roman de Cormac McCarthy, personne ne sait où sont les autres, combien ils sont et surtout, s’ils ne sont pas devenus complètement fous, barbares, zombies, cannibales, psychotiques, en résumé, totalement infréquentables.

Dans ces fins du monde là, les océans débordent, la Terre craque comme un puzzle jeté en l’air, les cieux sont plombés par de funestes nuages, des rafales de vent balayent tout sur leur passage, des murs de feu s’étendent sur des hectares, des déluges inondent les terres contaminées et s’abattent sur nous, petites choses vivantes totalement insignifiantes et désarmées face au déchaînement des 4 fantastiques – eau, terre, air, feu -, des super héros au sens propre puisque, assaisonnés d’un peu de poussières d’étoiles, ils sont à l’origine de toute vie sur Terre. Ce qui n’est pas une bagatelle, vous en conviendrez aisément ! Cette colère, nous l’avons peut-être déclenchée en nous mettant en sous-vêtement devant un volcan sacré, en épuisant les ressources naturelles de notre hôtesse, ou en étant incapable d’imaginer que tout cela – les oiseaux, les montagnes, la ligne 13 (parisian joke) – puisse vraiment avoir une fin parce que, nous avons beau passer notre temps à nous projeter dans le futur en permanence, nous vivons toujours comme si aujourd’hui était éternel…

Bref, voici donc les ingrédients classiques d’une fin du monde réussie. Je trouve cela un peu triste, banal et finalement assez prévisible. Me voilà donc à rêver d’une fin du monde ensoleillée, à déguster une boule de glace au sésame noir, en observant des coccinelles à 7 pois se poser sur des renoncules blanches. Personne ne s’y attendrait, personne n’aurait le temps d’avoir peur, la fin du monde passerait comme une lettre à la poste – ce qui n’est plus forcément une référence infaillible aujourd’hui, mais c’est un autre débat. Donc, soleil, sésame, coccinelles et renoncules. Et clap, fin du monde, ce serait fini ! Ni vu, ni connu !

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Once again 1

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Once again 10

Croiser une personne nous annonçant qu’elle en connaît une autre – de près, de loin – ayant exactement les mêmes nom et prénom que nous, ou que, pas plus tard qu’hier, elle en a  vu une nous ressemblant comme deux gouttes d’eau – expression propre aux pays non touchés par la désertification -, ou apprendre que nous avons au moins un homonyme dans notre propre ville et que nous partageons le même ophtalmologiste, ou pire encore, se retrouver face à lui – l’homonyme – provoque, assurément, une secousse tellurique très intime inversement proportionnelle à la fréquence de ce qui sert communément à nous nommer, et donc à nous désigner, depuis notre naissance. Sans doute, les Marie Martin, cumulant à la fois les prénom et nom les plus répandus en France depuis les années 60, réagissent-elles plus sobrement en effet qu’une hypothétique Noélyne Pourbaix-Lerebourg…

Tout d’un coup, nous réalisons, si la vie ne s’en est pas chargée plus tôt, que nous ne sommes pas uniques, que des gens, de parfaits inconnus aux mœurs peut-être, que dis-je ?, certainement, radicalement différentes des nôtres, répondent aux mêmes injonctions que nous, en dépit du sens commun et de ce qui s’échange sur la portée des prénoms choisis ; que des sosies se baladent librement sur Terre sans que nous ayons vraiment conscience de leur existence et de leur nombre, ni planifié de les rencontrer un jour… Pour autant, et nous le comprenons assez vite heureusement, ces doubles, fantasmés ou pas, n’en sont pas vraiment. Notre unicité est sauve ! Un peu comme avec les premières dix images de cette série à double fond, pur exercice de mathématique combinatoire à la difficulté croissant avec la pratique photographique, images souffrant de ce que nous pourrions appeler « photonymie », dont les formes les plus avancées conduisent inexorablement à des rencontres fusionnelles aussi étonnantes que foisonnantes entre des lieux, des moments, des personnes qui ne se sont évidemment jamais réellement croisés ailleurs que dans mon passé.

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LogiquementLorsque vous arpentez une ville avec un appareil photo en bandoulière, la probabilité de survenue de certains événements particuliers augmente drastiquement. C’est un peu comme lorsque vous fumez une cigarette en plein rue, il y a plus de chance qu’une personne ayant le tabac mais pas le feu vous interpelle pour que vous l’allumiez, la cigarette, plutôt que votre camarade de marche qui a décidé d’arrêter de fumer pile poil la semaine passée (ce qui fait de vous un ami pas très empathique au passage, mais c’est une autre histoire). Les informations que son cerveau a eu à traiter pour en arriver à cette conclusion ne sont pas très complexes : puisque votre cigarette est allumée, alors vous devez disposer de ce que nous appelons communément, un briquet. A défaut, des allumettes. Bien sûr, la probabilité pour que vous ayez vous-même demandé du feu à une autre personne qui fumait à une terrasse accompagnée d’un ristretto et d’un journal n’est pas nulle. Et ainsi de suite. Mais elle est faible.

Même chose avec l’appareil photo. En plus d’augmenter la probabilité que vous vous en serviez et donc preniez effectivement des photos, en avoir un autour du cou vous expose à certaines demandes, en particulier dans les lieux touristiques. Gestuelles parfois : un couple (ou trouple ou groupe) s’approche de vous, hésitant et souriant à la fois, vous indique son propre appareil photo puis un monument dans le champ (visuel), enchaîne avec des allers-retours de la main entre l’appareil, le monument (ou autre), eux et vous, avant de simuler une prise de vue avec l’index. Vous aviez compris bien avant cette ultime étape… Les demandes peuvent aussi être verbales : « Could you take a picture of us, please? ». Oui, souvent, les gens qui demandent à être pris en photo sont polis. Comme les joyeux lurons ci-dessus, qui m’ont vue me contorsionner au sol pour prendre de sombres et menaçants nuages que vous ne pouvez malheureusement pas admirer ici. J’en entends déjà plusieurs se dire : « Mais comment se fait-il que tu aies la photo si tu l’as prise avec leur appareil ? » (Oui, mes lecteurs peuvent me tutoyer.) Facile, mais pas systématique : une fois leur photo prise, je demande si je peux en prendre une pour moi, pour ma galerie personnelle d’heureux anonymes…

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