Photo-graphies et un peu plus…

… ou la salle d’attente d’un cabinet médical. En poussant la porte, la première question que vous vous posez est : combien y a-t-il de personnes dans la pièce ? C’est-à-dire, à passer avant vous, quand bien même vous avez un rendez-vous et qu’il est pile poil l’heure, ce qui vous fait réaliser, soit dit en passant, que ce sont là les seules occasions où vous êtes ponctuel (à méditer). Trois, quatre, cinq ? La journée est finie ! Vous lancez un bonjour à l’assemblée, qui répond proportionnellement au retard pris par le médecin. En gros, ceux qui attendent depuis 1h30 vous ignorent totalement ou vous regardent avec des yeux désespérés « ça fait une heure que je suis là, j’ai autre chose à faire et encore moins envie d’être poli ! ». Vous vous posez donc sur une chaise, libre de préférence, et c’est à ce moment précis que point la deuxième question : qu’est-ce qu’ils ont  ? En gros, pourquoi vont-ils voir le médecin ? Pour vous, vous savez, mais eux, c’est quoi leur problème ? Elle, en face, elle a une grosse enveloppe à la main, des radios, et un bras bandé… Une chute ? Lui, juste à côté, il n’arrête pas de tousser, tout comme son voisin… Oh, celui-là n’a vraiment pas l’air bien en point, tout rouge, avachi sur sa chaise… Vous pensez à tous ces microbes qui flottent dans ces 8 m2, des microbes que vous n’aviez pas en arrivant, et que vous emporterez peut-être avec vous en sortant, histoire de vous donner une bonne raison de retourner voir le médecin dans 3 jours, le temps d’incuber tout ça…

Conscient de l’inutilité de votre paranoïa microbienne, vous vous tournez alors vers la table. Il y a toujours une table dans une salle d’attente. Il n’y a d’ailleurs pas grand chose d’autre, en plus des chaises. Et sur cette table, où que vous alliez, c’est-à-dire, quelle que soit la spécialité du médecin, il y a des magazines. Souvent, des titres que vous ne lisez pas habituellement, ou alors sans le clamer haut et fort. Vous les scannez du regard, en soulevez un, deux, trois, avant d’en extraire un de la pile et de l’ouvrir… Vous avez une impression de déjà-lu ou entendu, vous refermez le magazine, regardez la date. Novembre 2012. Normal. Vous reposez l’exemplaire, repiochez dans la pile comme si vous étiez en train de faire une partie de loto, vous en exhumez un. Cette fois-ci, avant de l’ouvrir, vous vérifiez qu’il est récent. Mars 2010. Wouah ! Voyage dans le temps… D’un autre côté, ça vous amuse de voir comment on s’habillait il y a 3 ans (si, si, ça change), de redécouvrir les tendances ou les actus de l’époque en sachant ce qui s’est passé après toutes les théories plus ou moins fumeuses développées dans les diverses feuilles de chou, mais bon, vous refermez la bête, bien décidé à trouver un magazine récent, un magazine d’aujourd’hui, un magazine de votre temps. C’est reparti pour un tour de loto, cette fois-ci, vous ne faites que jeter un oeil sur les couvertures à la recherche de la perle rare, vous creusez un peu en sous-sol pour voir si les magazines ne sont pas empilés du plus récent au plus ancien (ce ne serait pas très pratique, je vous l’accorde : le matin, le médecin entrerait dans la salle, déposerait tous les magazines sur sa moquette grise, poserait le dernier numéro de Modes & Travaux sur la table avant de le couvrir de toute la pile passée… tordu !). Mais non, tout est daté, tout est obsolète, tout a déjà été feuilleté, peut-être par d’autres patients d’autres cabinets. C’est parfait si vous avez 2 ou 3 ans de retard dans les nouvelles du monde. Mais où sont les numéros du présent ? Et pourquoi ne pas les mettre à disposition, comme les autres ? Par crainte du vol ? Qui irait, en effet, emprunter (restons innocent) un numéro vieux de 2 ans ? Les questions sans réponses se multiplient, vous êtes perdu dans vos pensées mais quelque chose, un son, vous ramène à la réalité… C’est votre tour ! Le médecin est à la porte et vous appelle. Pendant que vous tergiversiez avec ces feuilles d’un autre âge, la salle s’est vidée (quid des microbes ?), la nuit est tombée (ce n’est définitivement plus l’été), vous n’avez rien lu et le temps a filé, presque sans que vous ne vous en rendiez compte, et alors même que le contenu de votre attente a été de constater que le temps était déjà passé…

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