Photo-graphies et un peu plus…

Le trésor

Comme le répétait si souvent Mme Gump à son fils, Forrest, qui l’a lui-même transmis à une vieille dame sur un banc public : « La vie, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Cette citation hautement philosophique pourrait également convenir au photographe, en remplaçant simplement « vie » par « photo ». Ce qui donne : « La photo, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Prenons celle-ci par exemple. Cela m’avait déjà heurtée par le passé. Je m’étais alors envoyé un post-it à moi-même, disant en substance : « la prochaine fois que tu passes dans le quartier, va voir de quoi il en retourne exactement ». A nouveau sur l’esplanade, je suis donc allée voir du côté d’Ariane et de Majunga, que je trouvais anormalement collées l’une à l’autre. La distance est certainement réglementaire mais leur hauteur biaise l’appréciation de la perspective, donnant cette impression d’extrême proximité… Je parle ici de deux tours de La Défense.

En ouvrant la boîte de chocolats et en matant cette petite boule marron claire au centre, je pensais donc avoir à faire à une douceur pralinée. En dépassant la Tour Ariane pour aller vérifier par moi-même l’intervalle entre les deux mastodontes de verre, je pensais arriver sur une coursive en plein courant d’air au milieu de laquelle j’aurais pu m’installer et me contorsionner pour faire une image à la verticale pleine de lignes de fuite. En fait, il s’agissait d’une ganache avec une inattendue petite touche de passion au cœur. En fait, il n’y avait pas de coursive, ni de courant d’air, mais une baie vitrée derrière laquelle vivait tranquillement un gouffre béant tapissé de motifs inattendus zébrant le macadam. Dites-vous bien que j’ai eu la sensation de tomber sur le trésor de Rackham le Rouge… Oui, je l’admets, ce soir, je donne dans la référence régressive. Evidemment, l’heure – soleil bien trop bas pour cette canopée moderne – n’était pas la bonne (ce qui nous renvoie au duo d’hier, Des supers positions). Alors, comme j’étais malgré tout au bon endroit, j’ai attendu, en position armée, en espérant que quelque chose se passe, ou plus modestement, passe. Et voilà qu’elle est arrivée, jaune poussin, pour se faire croquer par un passage piétons à dents ! Cela me suffisait pour cette fois. Je me suis alors envoyé un post-it à moi-même : « La prochaine fois que tu passes dans le quartier, viens plus tôt pour voir les rayons du soleil faire du ricochet sur les façades d’Ariane et de Majunga avant d’atteindre ce sol raturé ».

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Il y a quelques semaines, la Mission Cinéma de la Ville de Paris était toute fière d’annoncer que le nombre de tournages dans la ville lumière avait encore augmenté en 2011. Avec 940 tournages, soit 3 707 jours cumulés, il a même cru de 40% en 6 ans ! Il y a quelques années, six peut-être, Woody Allen, adorateur manifeste et autoproclamé de New York mais aussi de Paris, avait décidé, à regrets, de se tourner vers d’autres pays européens où les taxes étaient moins élevées. La donne a donc vraisemblablement changé, ce qui l’a conduit à revenir en terrain connu pour son cru 2011, Minuit à Paris, entièrement filmé dans la capitale, ce qui n’est pas le cas de tous les films s’y déroulant.

Parmi les derniers films « parisiens », Sherlock Holmes 2 Jeu d’ombres où l’on peut découvrir une Avenue de l’Opéra telle nous – vivants du 21e siècle – ne l’avons jamais connue. Ou encore, Hugo Cabret, le dernier opus de Martin Scorcese, légère étrangeté dans sa sombre filmographie. Lui aussi nous montre un Paris, romantique mais plus charbonneux, où nous n’avons aucun repère. Ou presque. Dans les deux cas, Paris est plus reconstruite, numériquement évidemment, que réellement dévoilée. Or, toute reconstruction s’accompagne inévitablement d’approximations urbanistiques, de raccourcis, volontaires ou pas. Lorsque, dans la fable de Scorcese, Hugo admire la Tour Eiffel depuis le sommet d’une gare qui ressemble à s’y méprendre à celle du Nord, celle-ci paraît à deux pas. Mais Paris est si petite pour un Américain… Cela ne froisse probablement personne, surtout pas ceux qui ne connaissent pas la ville ou qui ont trop abusé de Las Vegas qui arbore son mini-Paris paré de ses incontournables collés les uns aux autres justement. D’autant que cette fameuse gare parisienne, où se déroule une grande partie du film, a en fait été bâtie à l’échelle 1 dans des studios londoniens, Scorcese n’ayant pas eu l’autorisation de tourner à la Gare du Nord, pour une action qui se passait, dans l’histoire, la vraie, celle de Méliès, à la Gare Montparnasse, aujourd’hui méconnaissable… Logique !

A leur façon, les réalisateurs, pour des raisons techniques et souvent budgétaires, contribuent donc à créer une autre cité dans l’imaginaire collectif. Certes, moins que ceux qui placent leur action dans le Los Angeles ou New York d’aujourd’hui par exemple, et qui tournent, en grande partie, à Vancouver ou Toronto, les antichambres d’Hollywood. Deux villes plus des images de studios se mêlent de façon inextricable pour n’en former qu’une seule, irréelle mais cinématographiquement viable. Une ville du 7e art qui ne se visite pas « en vrai », ou alors, qui sème son explorateur, une illusion de plus…

Rien de nouveau sous le soleil : pour la première scène si saisissante de Shining, celle où l’on voit Jack Torrance dans sa petite voiture jaune serpenter les étroites routes de montag(n)e, sur la terrible Symphonie fantastique de Berlioz, et découvrir, au détour d’un sommet, l’hôtel Overlook où il va passer l’hiver, Stanley Kubrick joue avec les lieux et nos émotions. Les images liminaires de montagne ont été tournées au Glacier National Park, dans le Montana, alors que l’hôtel où arrive le personnage de Jack Nicholson se situe sur le Mont Hood, près de Portland, à des centaines de kilomètres de là. Enfin, il n’y a que la façade du Timberline Lodge qui a été utilisée. L’intérieur, copie quasi conforme d’un hôtel du Yosemite, a été reconstruit dans des studios à Londres, ainsi que le labyrinthe où se perd Torrance, posé « en face » de l’hôtel dans le film. Savante supercherie totalement transparente à l’écran et qui éclate au grand jour lorsque l’on s’aventure soi-même sur ces routes de montagne, que l’on réalise qu’elles n’ont rien à voir avec ce qui nous a été montré, qu’il n’y a pas de sommet d’où l’on puisse observer l’hôtel en plongée et que la vue sur le lodge, qui ne fait plus du tout peur, est désormais gâchée par un massif bâtiment en béton… L’ensemble a beau avoir été totalement modelé, il n’en demeure pas moins quelque chose de réel : les gérants du lodge ont en effet demandé à ce que le numéro de la dramatique chambre 217, qui y existe, soit changé en 237, qui n’y existe pas, de peur de ne plus jamais réussir à la louer…

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Certaines villes et/ou pays ont la chance d’avoir un emblème. Paris et sa Tour Eiffel, le Japon et le Mont Fuji, Londres et Big Ben, New York et… l’Empire State Building, le Kenya et le Kilimandjaro, Sydney et son opéra… A Montréal, il y a le Stade Olympique avec sa tour inclinée reconnaissable entre mille. Il y a aussi le Pont du Havre, rebaptisé Pont Jacques-Cartier en 1934, quatre ans après son ouverture et cela, suite à une pétition des citoyens voulant rendre hommage au découvreur du Canada.

Il en aurait fallu moins encore pour que j’en fasse… le tour.

Après Otages de la nuit, voici un deuxième reportage montréalais, Le tour du Cartier, au cours fort heureusement moins tragique que son aîné.

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