Photo-graphies et un peu plus…

Sonospace

Je n’ai jamais essayé de crier dans l’espace, pour la simple et bonne raison que je ne suis jamais allée dans l’espace autrement que par écran interposé ou conscience translatée – et il y a d’ailleurs de fortes chances que mon expérience intersidérale se limite à ces simulacres, lunettes 3D ou pas -, mais, à en croire l’accroche du mythique Alien, le 8e passager qui, à l’époque, avait fait beaucoup de bruit, et résonne toujours dans nos corps : « Dans l’espace, personne ne vous entend crier ». La remarque est d’autant plus superfétatoire que le film n’est assurément pas muet et que nous les entendons tous – Ripley, Ash, Dallas, Kane et les autres – cracher leur peur à pleins poumons. En revanche, sous la surface de l’eau, qui est une autre forme d’espace, les sons ont beau se propager à une vitesse quasiment cinq fois supérieure à ce qui se passe dans l’air, donc en moyenne à 1 500 m/s, on ne comprend pas forcément pour autant les borborygmes et autres rugissements bouillonnants émis avec force et impétuosité…

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Le jeu des 7 erreurs

En passant vite comme ça, à vélo par exemple, hormis pour leur couleur, on pourrait croire que ces deux maisons sont strictement identiques. (Je vous vois re-regarder l’image…) Des maisons jumelles en quelque sorte. Un prix de gros pour le contremaître. Cependant, en posant le pied à terre, en se postant exactement entre les deux bâtisses et en balayant du regard leur façade tour à tour – sans se faire remarquer par les caméras de surveillance -, porte d’entrée à gauche, porte d’entrée à droite, fenêtres du 1er à gauche, fenêtres du 1er à droite, dernier étage à gauche, dernier étage à droite…, de subtiles différences apparaissent progressivement. Des détails certes – des grilles aux fenêtres ou pas, un garde-corps ajouré ou plein, un balcon condamné ou préservé, une hauteur un iota supérieure pour la maison blanche et rouge (même si j’aurais naturellement tendance à écrire rouge et blanche plutôt) … – mais certainement significatifs aux yeux des propriétaires pour qu’ils aient le sentiment d’être chez eux et pas chez le voisin ! Un peu comme avec les jumelles ou jumeaux dont on finit, non sans peine parfois, par déceler la singularité.

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L'hallucination

Quelque chose d’étrange se produit lorsque je regarde cette photographie pendant plus de 7 secondes. Des formes apparaissent. Humaines. Elles sont trois exactement. L’une d’elles se trouve sur le premier pont, à l’extrême droite, entre le premier poteau chapeauté de blanc et le bord du cadre. C’est un homme, en pardessus sombre. Il est de dos, massif, les mains dans ses poches, profondes, il est statique, impassible, comme s’il attendait que quelque chose se produise. Peut-être de voir si les deux personnes, de simples silhouettes à cette distance même si l’on distingue clairement une femme et un homme, arrivés en courant sur le second ponton, en arrière plan, alors même, se dit-il, que les planches doivent être humides et glissantes, vont vraiment jusqu’à ce petit bateau à moteur amarré au bout du quai. Et si oui, se demande-t-il encore, combien de temps leur faudra-t-il pour se faire absorber par cette brume épaisse et compacte accrochée à la surface de la rivière depuis les premières heures du jour et dans laquelle ils s’enfonceront sans crainte. 7 secondes à peine probablement. Suffisamment de temps pour s’effacer lui aussi.

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Mais t'as quel âge ?

Vous a-t-on déjà posé cette question ? Moi, oui, et je ne les compte plus d’ailleurs ! Bien évidemment, les personnes qui m’interrogeaient se moquaient totalement de savoir quel âge j’avais exactement. Notamment parce qu’elles le connaissaient déjà. Car cette question ne concerne absolument pas votre âge réel. Non, le sous-texte de cette interrogation généralement énoncée avec un ton moqueur mais tendre porte justement sur l’écart qui existe entre un comportement qu’une personne est sensée avoir à l’âge qu’elle a et le comportement qu’elle a effectivement. Il y a alors deux options : ledit comportement est plus conforme à celui d’une personne plus jeune – c’est mon cas – ou alors plus âgée. A un jeune trop sérieux, on lui lancera donc qu’il est déjà vieux. Tandis qu’à un adulte un peu trop joueur, on rappellera que ce n’est plus de son âge. Heureusement pour notre équilibre psychologique, tout s’explique…

Un peu dans l’esprit de ce jeu de cache-cache avec soi-même – ce que je suis vraiment n’est pas forcément ce que je crois être, ni ce que je montre, ni même ce que les autres pensent que je suis -, nous aurions trois âges : notre âge réel – celui de notre carte d’identité, de notre état civil -, notre âge social – celui que les autres nous donnent -, et enfin, notre âge ressenti, qui nous intéresse particulièrement ici vous vous en doutez puisqu’il s’agit de l’âge que nous avons l’impression d’avoir. Si ces trois âges étaient les mêmes, il n’en existerait qu’un. Nous pouvons donc logiquement en déduire qu’ils sont différents, et a fortiori, qu’il y a un écart entre l’âge réel et l’âge ressenti. Par exemple. La question est surtout de savoir combien. Paradoxalement, plus on vieillit – jusqu’à une certaine limite cependant -, plus on se sent jeune ! Ainsi, si jusqu’à 35 ans, on ne se rajeunit guère que de 1,5 ans en moyenne, à 65 ans, le décalage atteint quasiment 20 ans ! En somme, déjà une petite une vie ! Et, vous l’aurez deviné, c’est bel et bien l’âge ressenti qui conditionne nos choix et donc nos comportements. Bref, la prochaine fois que l’on vous taquinera sur votre âge avec un air condescendant, rappelez-vous bien de cela ! Na !

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Le rituel

Longer la plage dans un sens, puis, arrivés au ponton, là où l’on ne peut plus avancer, marquer un bref temps d’arrêt, se retourner, et l’arpenter dans l’autre sens, avec la même concentration, la même tête baissée, jetant parfois des regards absents d’un côté vers la ville, de l’autre vers l’horizon, jusqu’à ce que la digue ne bloque le passage et n’oblige soit à l’enjamber pour poursuivre – mais ce serait comme sortir du cadre – soit à faire demi-tour à nouveau – et ce serait bien plus simple. Une promenade sur la plage s’apparente parfois aux longueurs enchaînées mécaniquement dans une piscine de laquelle on ressort groggy mais rasséréné.

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L'équilibriste

Il y a toujours un doute avec une image fixe… On ne sait pas ce qui s’est passé avant que son cœur ne se mette à battre ni ce qu’il adviendra de ce et de ceux qui la composent après, une fois l’attention du capteur de présent aimantée, légitimement ou pas, par autre chose. Ou plus trivialement, une fois le viseur baissé. Continue-t-elle à vivre, à l’abri des regards partageurs, à poursuivre sa route comme si de rien était ? A vrai dire, pourquoi en serait-il autrement ?

Et qu’en est-il alors de cet homme qui joue insolemment les équilibristes entre un début et une fin invisibles dont on ne sait s’ils sont loin ou proches, et fait ainsi frissonner de terreur tous ceux qui l’aperçoivent, depuis la terre ferme, chancelant sur sa poutrelle métallique ? Est-il arrivé là facilement ? Péniblement ? A l’image de ce que suggère ce geste figé un peu gauche ? Et surtout, que s’est-il passé l’instant d’après ? A-t-il vacillé ? S’est-il ressaisi ? Peut-être accroupi pour se recentrer et repartir d’un bon pied ? Aurait-il pu basculer et se rattraper miraculeusement à la barre avec ses bras, soulevant cris et émoi dans l’assemblée spectatrice ? Ou, de façon plus optimiste, a-t-il réussi à joindre l’autre rive sans encombre et sous les applaudissements ?

Rien de tout cela en vérité car il n’a absolument pas bougé d’un iota. Ni avant que son cœur ne se mette à battre ni après que tous ceux ayant cru en son existence et ayant naïvement eu peur pour lui, ne se soient rendus compte de la supercherie. Car l’équilibriste n’était qu’un artifice, un pantin stoppé dans son élan, une émotion incroyablement réelle suspendue dans le temps, finalement, un déséquilibre éternel.

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Verres progressifs

C’est parfois ainsi que naît une photographie, d’une rencontre fortuite entre deux éléments qui se télescopent en faisant des étincelles…

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La guirlande humaine vous souhaite un joyeux Noël

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Soliterre

Il y a un peu de ça, aujourd’hui… Je croyais vivre dans un pays, libre. Ou plutôt, je croyais vivre dans un pays libre.

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Son de l'image

Mes errances électroniques matinales m’ont conduite à lire l’interview d’une photographe globe-trotter dans laquelle elle donnait généreusement quelques conseils aux néophytes – c’est toujours bon de relire ses classiques – pour réussir leurs photos de voyage. Bien qu’écrit ainsi, cela sonne presque péjoratif. Un peu comme « Photos de vacances », pire encore. Ce qui engendre une première digression – j’écris « première » sans savoir pour autant s’il y en aura d’autres, mais, dans le doute, je les numérote. Donc, digression numéro 1 : l’autre jour, qui semble affreusement loin tant le monde semble avoir été retourné ces dix derniers jours, à l’occasion de ma récente exposition sur Detroit, un homme – un artiste peintre, très sympathique au demeurant – me pose une batterie de questions sur mes photos et conclut en me disant : « C’est un peu des photos de vacances en fait ». Bon, j’ai voulu ne pas mal le prendre. Je n’ai sûrement pas été assez claire dans mes réponses et je dois aussi me faire une mauvaise idée du nombre de personnes choisissant Detroit comme destination estivale. Fin de la digression numéro 1.

La dame délivrait donc de précieux conseils aux photographes voyageurs ou plutôt aux voyageurs photographes. J’imagine que vous avez pleinement conscience que cette phrase pourrait elle-même faire l’objet d’une deuxième digression – j’écris deuxième et pas seconde car il pourrait y en avoir une troisième, même si la deuxième n’a pas encore été consommée -, de l’ordre d’une discussion sans queue ni tête sur l’œuf et la poule : est-on photographe avant d’être voyageur ou l’inverse, et voyage-t-on pour faire de la photographie ou la photographie est-elle un corollaire du voyage ? Me concernant, 2 – 2. Fin de l’embryonnaire digression numéro 2.

L’un de ses conseils consistait à dire qu’il fallait réussir à raconter une histoire avec une ou ses photo(s), que l’on devait être capable – en tant qu’observateur – d’en sentir les odeurs… A vrai dire, à lire cette phrase, j’ai un doute quant à l’exactitude du propos. Parenthèse : je viens de vérifier l’information, ce qui m’a pris quelques minutes, ce dont vous ne vous êtes pas rendus compte, et dont vous prenez conscience maintenant du fait de l’existence même de cette phrase, qui nous fait donc perdre à tous ces quelques minutes… L’idée était donc de réussir à raconter une histoire avec ses images en sollicitant les 5 sens. Et de prendre l’odorat pour exemple… Sentir le sel avec une photo de vague. Voilà.

Le fait est que je n’ai rien à vous faire sentir avec cette photographie. En tout cas, à part celle, sûrement, d’humidité, je ne me souviens de rien en la matière. En revanche, j’ai à vous faire entendre quelques chose. Le silence ? La simplicité de l’espace, bien que chahuté – une grotte – pourrait y faire penser. Non. Les pas de cette gracile silhouette à l’avant-poste résonnant dans l’immense cavité alors qu’elle est déjà figée en vigie ? Non plus. Le vrombissement d’un moteur, en contrebas, sur la rivière, dont l’écho rebondirait sur les parois boursouflées avant de s’éteindre dans le vide ? Non. Rien de tout cela. D’ailleurs, le vacarme est tel qu’il me serait impossible d’entendre le silence, ses pas ou même le moteur. Un vacarme ultra aigu, une multitude de grincements qui se chevauchent dans l’obscurité, s’intercalent de telle sorte que cela ne s’arrête jamais, et sont entrecoupés par ce que l’on pourrait assimiler à de courts ricanements ou à la réunion annuelle de la dernière congrégation de Greemlins. Les cris viennent d’en haut, dégoulinent d’un plafond rendu invisible par la noirceur environnante. Je lève malgré tout la tête, pour voir ; j’envoie même un coup de flash, pour voir mieux. Mais je ne vois absolument rien d’autre que des stalactites qui s’étirent. Je ne vois donc pas les centaines de chauves-souris – peut-être plus – accrochées et voletant juste au dessus de ma tête dont les cris incessants font du ricochet sur les murs – tel est le but de l’écholocation. C’est curieux de ne pas voir l’émetteur d’un son aussi présent… J’imagine, comme dans la légende, donc sans y croire une seule seconde, qu’elles vont nous assaillir pour m’arracher les cheveux. Il n’en est rien. Ainsi, tandis que je traverse la grotte pour débusquer l’au-delà, poursuivent-elles leurs vocalises à l’abri des regards indiscrets…

Alors, vous les avez entendues ?

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