Photo-graphies et un peu plus…
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Ne trouvez-vous pas étonnant voire questionnant d’être systématiquement en mesure d’observer ces traces se croisant à l’infini et serpentant anarchiquement dans le sable encore humide de la marée descendante mais de ne jamais voir celles ou ceux qui les créent ?

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En arrivant là, après avoir été secouée quelques jours dans un bateau traînant une mauvaise réputation de bouchon, au sommet de cette colline au bout du bout du monde, peut-être au bord de la Baie de Londres ou de celle de Recques au Nord de l’Ile de la Désolation, Kerguelen pour les intimes, je me suis dit que les extraterrestres existaient, et qu’un jour de grand ennui comme il en survenait souvent dans le vide intersidéral, ils s’étaient posés sur Terre, échouant malencontreusement sur cette île déserte à cause des mauvais calculs d’un pilote stagiaire sans pouvoir s’en échapper avant 72 heures, et vexés, s’étaient mis à casser des pierres et des pierres, plates, dans le sens de la longueur puis à les lancer le plus loin possible de telle sorte que l’installation finale, recouvrant la verte colline initiale, apparaisse à la fois chaotique et organisée, se disant, assez fiers d’eux-mêmes que le jour où les habitants de cette planète tomberaient dessus, ils n’en croiraient pas leurs semelles, échafaudant aussitôt et pour quelques années encore mille théories pour tenter de déflorer cet insondable mystère de la nature…

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Etre au bon endroit est une chose plutôt positive et agréable qui fait éprouver un doux sentiment de satisfaction à celui qui s’y trouve. Y être au bon moment s’avère encore mieux ! Envolons-nous vers le nord-ouest de Kyoto et larguons les amarres à l’entrée du Ryoan-ji. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais ce temple abrite le plus célèbre jardin zen au monde et, à ce titre, est inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Voilà pour l’introduction touristique. En revanche, vous en avez sûrement vu des images car c’est un fond d’écran très prisé, justement pour la paix et la sérénité qu’il dégage, essentielles lorsque l’on s’apprête à travailler : quinze rochers entourés de mousse verte soigneusement dispersés sur un tapis de petits cailloux strié minutieusement au râteau. Métaphore en minuscule de la Nature : vagues, îles, montagnes… Il faut en effet un peu de calme et de solitude pour pouvoir apprécier toute la puissance de cette installation moderne vieille de plus d’un demi-millénaire, être capable d’entrer dans une phase de méditation et ainsi atteindre un état d’éveil !

Malheureusement, calme et solitude ne sont pas toujours au rendez-vous même si tout le monde a laissé ses chaussures à l’entrée. Réussir à apercevoir lesdits rochers (ils sont 15 en fait) derrière la barrière humaine photographique relève déjà d’un patient exercice de zénitude… Il faut attendre qu’une personne cède sa place pour pouvoir avancer et enfin les découvrir. Ce n’est que la première étape d’un long cheminement. Les trois petites marches qui surplombent le jardin, telles des gradins, sont noires de gens faisant semblant de méditer. L’intention de départ est bonne mais j’ai du mal à croire que cela soit possible dans ces conditions peu propices à l’introspection… Là encore, exercice de patience : les places assises sur les marches se libèrent une à une. Mais que peut-il bien se passer une fois que l’on a réussi à se loger entre deux candidats à l’éveil ? Beaucoup se contentent de prendre des photos (peut-être pour personnaliser leur fond d’écran !), certains se jettent dans leur guide ou fascicule pour en savoir plus, d’autres regardent laborieusement la composition en se disant qu’ils sont bien au bon endroit mais absolument pas au bon moment.  Une tradition veut que, quel que soit le point de vue, l’on ne puisse voir que 14 pierres à la fois (effet collatéral : tout le monde les compte pour vérifier : 1, 2, 3, 4… 14 et réalise, qu’effectivement, il en manque une, sauf que ce n’est jamais la même…). Vraisemblablement, le nombre 15 symboliserait l’achèvement, un état connu pour être inatteignable… Les dés étaient donc pipés dès le départ par les facétieux créateurs du Ryoan-ji !

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31. Votre âge. 50 000. Votre apport initial, loin d’être une bagatelle. 30. La durée de l’emprunt, en années. 3,6. Le taux d’emprunt. 11. Un arrondissement parisien ni trop chic ni trop choc. 285 000. La valeur d’un bien actuellement sur le marché. Après de savants calculs effectués par l’illusionniste des pépites, cette valse de chiffres vous conduit à la modeste mensualité de 1 068 euros. Somme dont vous ne serez autorisé à vous acquitter que si vous gagnez le triple, à savoir plus de 3 000 euros par mois, soit 50% de plus que le salaire moyen des Français (ce qui n’a pas grand sens, nous sommes d’accord…). Un sacré pactole donc.

Heureusement, à l’issue de ces 30 années, alors que vous fêterez votre 61e anniversaire et que vous guetterez la retraite du bon oeil, rêvant de mois où votre pension ne sera enfin plus amputée de votre remboursement immobilier, vous serez l’heureux propriétaire d’un… studio de 31 m² Loi Carrez situé au 5e étage d’un immeuble d’une jolie petite résidence, avec, veinard que vous êtes, une grande penderie dans l’entrée (si, si, je vous assure !), un balcon exposé Sud et même un coin cui-si-ne… A votre âge, vos parents s’étaient aussi endettés à vie. Mais pour une belle maison et un jardin, ou du moins, un grand appartement pouvant accueillir plusieurs personnes et équipé d’une vraie cuisine avec une table et des chaises au milieu, autour desquelles vous pouviez tourner. Qu’a-t-il bien pu se passer pour que nous arrivions à un tel non-sens, à une telle absurdité et surtout, qu’elle soit encore alimentée ? « Au gagne petit », c’est gravé dans la pierre de cet ancien grand magasin populaire… Une bonne blague du 20e siècle lancée à la façade de notre nouveau millionnaire… pardon, millénaire !

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Comment suggérer un sens de lecture lorsque l’on compose une image, que celle-ci comporte peu d’éléments ou, à l’inverse, beaucoup, comme dans cette église reimoise ? Une des réponses que je défends avec verve se traduit par un passage au coin. Peut-être des réminiscences de lointaines punitions… Mais pas le coin qui coince le regard et l’enferme dans une semi-obscurité sensée aider l’exilé à réfléchir à sa bêtise, mais celui qui révèle et offre une nouvelle perspective. Le coin lumière en quelque sorte.

L’obsession des lignes dans les coins n’est pas toujours facile à assumer car elle oblige à se contorsionner. Il faut accepter d’être ridicule, et donc, d’être regardé bizarrement. Heureusement, lorsque l’on est atteint d’obsession angulaire, on fait abstraction de tout ce qu’il y a autour. Seuls les coins comptent. Au maximum, quatre. Mais pour les lignes, cela peut vite devenir bien plus impressionnant. Et à vrai dire, plus il y en a à faire converger dans les coins de l’image, plus le défi est grand, plus le jeu, qui pourrait s’apparenter à du billard photographique, est intéressant et jouissif. Ainsi en est-il de cette église à l’architecture gothique. Point d’entrée : en bas à droite. On monte, puis on descend le long de l’arc brisé, on emprunte une première nervure qui nous conduit au coin haut droit, une autre nous fait alors redescendre dare dare dans le coin opposé. Deux solutions se présentent alors à nous, la boucle en optant pour l’enchaînement des deux arcs brisés sur la droite, ou l’aventure en se dirigeant vers la gauche pour deux nouvelles séries d’arc. Malheureusement, la route s’arrête là. Aucun moyen de rallier le coin en haut à gauche à celui de droite. Le grand architecte a gagné ! Pour cette foi(s) !

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