Photo-graphies et un peu plus…

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Il fait nuit tôt à Wellington. 17h46 aujourd’hui. Quelques étoiles nageaient dans le ciel immense avant même que le soleil ne disparaisse totalement. Mais Vénus était la première reine de la nuit à faire sa sortie. Oui, je sais, c’est une planète… En France, vous pouvez aussi la voir en ce moment. Je trouve ça magique – bien sûr, ça ne l’est pas – qu’en étant si loin les uns des autres, nous puissions tout de même voir briller Vénus en même temps, ou presque ! Tout d’un coup, c’est comme si l’univers se recroquevillait sur lui-même pour nous rapprocher encore plus.

Le soir, à Wellington, on voit donc les étoiles dans le ciel. Beaucoup. J’ai même cru voir l’ombre de la voie lactée tout à l’heure, en rentrant de notre promenade, encore plus tardive qu’hier. Cela nous a permis de découvrir, d’en haut, la ville dans son costume de nuit. Il était temps ! Je ne sais s’il en est toujours ainsi ici, ou si c’est une conséquence heureuse de la baisse de pollution de l’air. Mais pouvoir voir les étoiles depuis une ville ne devrait pas être un privilège…

Sinon, le départ se prépare, lentement mais sûrement. Evidemment, c’est un peu ce qui occupe nos esprits en ce moment. Des choses très terre à terre – c’est donc d’autant plus important de pouvoir voir les étoiles le soir. Ranger, nettoyer, prévoir la suite. Par exemple, on nous suggère vivement de nous procurer des masques. Nous espérons en trouver demain dans une pharmacie où, a priori, ils en avaient encore la semaine passée. Et sinon, nous choisirons l’un des tutos transmis ces derniers jours pour transformer nos chaussettes ou foulard en masque de fortune !

Ce matin, en cherchant des précisions sur le déroulement de notre vol sur le groupe FB des Français en NZ – une vraie mine d’informations, plus complète que les canaux officiels ces dernières semaines –, j’ai appris que notre avion devrait s’arrêter à Perth (Australie) puis Doha (Qatar) pour deux escales techniques et de changement d’équipe. Escales pendant lesquelles nous ne pourrons pas sortir. D’un côté, c’est rassurant : personne d’autre ne montera dans cet espace ultra confiné où nous ne savons pas encore si nous serons les uns sur les autres, ou espacés d’un siège. Partir de Nouvelle Zélande, où la circulation du virus a donc été limitée, se révèle être un avantage dans ces circonstances : a priori, probabilité faible que quelqu’un soit contaminé… De l’autre, cela signifie aussi que nous nous apprêtons à passer 28h dans un avion. A ce stade, je ne compte même plus le vol intérieur du matin pour rejoindre Christchurch. Cela risque d’être un peu long… C’est sûr, les hublots, ça ne s’ouvre pas ?

Et puis, nous avons aussi décidé de rentrer chez nous. Et non d’aller finir le confinement en un lieu moins urbanisé comme nous l’avions envisagé pendant 36h. J’irai simplement coller des photos de paysages sur les immeubles ou les trottoirs pour avoir l’impression d’être un peu plus entourée de nature. Mais mon imprimante est cassée. Des dessins alors ? Une solution, je trouverai !

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Nouvelle nuit hachée sans faucheur de choux ni branches d’olivier trop câlines, mais heures heureusement rattrapées au petit matin. Hier, en fin de journée, une fois passée l’émotion ambiguë déclenchée par le mail de l’Ambassade nous apprenant que nous étions inscrites sur le vol du 21 avril et que nous pouvions d’ores et déjà organiser notre trajet jusqu’à Christchurch, la nouvelle était digérée. Ou presque. Un choix est un choix. Inutile de se torturer l’esprit en se demandant, a posteriori, si nous avons fait le bon. A la rigueur, nous pourrons peut-être en savoir plus lundi, lorsque le gouvernement néo-zélandais présentera son plan pour l’après 22 avril. Voire plus tardivement encore, début juin, en approchant de la date de notre retour théorique. Mais, au final, ce ne sera plus important.

Je réalise en écrivant cela à quel point j’ai avancé sur cette question. Il faut avouer que je ne suis pas très douée avec les choix. Aussitôt faits aussitôt remis en question. Et puis, j’ai toujours cru que je pouvais tout embrasser – ce qui n’est pas très réaliste et rejoint mon histoire de temps et de valise métaphorique d’il y a quelques jours. Voilà qui me rappelle en tout cas une petite phrase du philosophe Patrick Viveret, que j’avais mise de côté il y a quelques années, car, il était alors important que je l’assimile : « il faut accepter de ne pas tout vivre mais de vivre intensément » (1). Etant entendu que je me sentais plus concernée par la première partie que la seconde.

Ceci dit, peut-être, un monde parallèle avec une autre moi et une autre Coralie ayant décidé de rester à Wellington le temps de voir a-t-il déjà émergé quelque part dans l’univers. N’est-ce pas, grossièrement, ce que stipule la physique quantique ? Que tous les possibles existent parallèlement ? Et peut-être qu’en empruntant un trou de ver – schématiquement encore, des trous noirs avec une sortie –, je pourrais même aller voir ce qui s’y passe ? Bref, je m’emballe ! Je ne sais même pas où trouver un trou de ver…

Donc, nous rentrons. Mercredi, nous serons à Paris. C’est étrange de se dire cela. C’est étrange d’utiliser le futur et non pas le conditionnel. C’est étrange comme la résolution d’une question appelle, en fait, de nouvelles questions. Comment allons-nous rentrer chez nous ? En RER, en taxi ? On nous a dit : « choisissez bien votre lieu de confinement ! ». Pouvons-nous le finir ailleurs que chez nous ? Et si oui, avons-nous un temps limité pour atteindre ce potentiel autre lieu ou devons-nous nous y rendre dans la foulée de notre arrivée à Roissy ? Et dans ce cas, comment y aller ? Y a-t-il des trains, des avions ? Et puis, pourrions-nous tout de même passer chez nous avant pour récupérer deux trois choses et changer notre « garde-robe » ? Mais surtout, est-ce vraiment une bonne idée ? Ne serait-ce pas mieux, tout de même, d’être chez nous, enfin ? Si le confinement s’arrête réellement le 11 mai, cela ira, même si mon isodistance – de fait, j’ai regardé à quoi elle ressemblait – n’intègre absolument aucun espace vert – enfin, il y a le cimetière mais ce n’est pas le Père Lachaise. Je me dis, tant pis, je ferai le tour du parc, comme ces joggeurs qui courent autour du Jardin du Luxembourg, sur le trottoir extérieur, après sa fermeture. J’ai toujours trouvé cela un peu bizarre. Si le confinement devait se prolonger au-delà, allez savoir… Mais personne ne sait ! Ah ah ah ! Les mêmes interrogations finalement ! Nous avons encore deux jours pour nous décider puisque nous devons remplir, avant l’embarquement, une « Attestation de déplacement international dérogatoire vers la France Métropolitaine » en y inscrivant notre adresse, j’imagine notre lieu de confinement. Celle-là même qui nous permettra de nous déplacer en toute légalité en arrivant, la case « j’étais coincée à l’étranger, je rentre juste, je ne sais pas si j’ai bien fait ! » n’étant pas prévue dans le formulaire classique. Je m’inquiète de  cela comme si j’avais toujours vécu aux portes de la nature alors que non. Je suis une citadine qui traversait Paris à pieds 3-4 fois par semaine. C’est étrange. Et puis, j’ai déjà deux idées de projets artistiques si jamais nous confinons chez nous !

De fait, aujourd’hui, notre balade, tardive et longue, avait une autre saveur. Nous sommes remontées au lookout du Mont Victoria pour voir la ville, d’en haut, encore et encore. Il y avait plus de monde que d’habitude et Wellington elle-même était un peu plus bruyante que les jours précédents : l’absence de nouveaux cas depuis plusieurs jours, l’espoir – voire la certitude – de passer en alerte de niveau 3 lundi, le week-end, le beau temps même si venteux ont sans doute contribué à relâcher un peu la pression… Certainement, l’atmosphère était différente. Ou alors, ai-je voulu la voir différente, car pour moi, cette ascension était différente… Avant de redescendre par la ville et de regagner notre antre temporaire, je me suis tournée à nouveau vers cette sculpture maorie haute perchée qui m’avait accueillie en février. A elle aussi, j’avais envie de dire au-revoir ! C’est la dernière photo que j’ai faite aujourd’hui, ma batterie s’éteignant juste après, et celle, de rechange, que j’avais dans mon sac, étant elle-même vide (ce qui ne m’est pas arrivé de tout le séjour). Clap de fin ! Heureusement, Vénus était dans le ciel ! Ça recharge toutes les batteries !

(1) https://www.lemonde.fr/tant-de-temps/article/2015/06/19/patrick-viveret-il-faut-accepter-de-ne-pas-tout-vivre_4657892_4598196.html#

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Et sans hamac ! 8 nouveaux cas confirmés et probables pour la journée d’hier. La descente se poursuit, c’est une excellente nouvelle pour le pays ! Et pourtant, nous sommes toujours dans l’expectative. « Attitude d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui attend prudemment et attentivement qu’un parti sûr se présente pour s’engager et agir » selon le CNRTL (1). « Parti sûr »… Voilà qui vient se heurter à ce qui qualifie le temps présent, à savoir l’incertitude.
Pour cette dernière, la même source annonce : « impossibilité dans laquelle est une personne de connaître ou de prévoir un fait, un événement qui la concerne; sentiment de précarité qui en résulte ». J’ai vérifié, je n’ai jamais autant utilisé et de façon si rapprochée, les mots « incertitude » et « impression » que depuis le début de ce récit de (non) confinée. D’une part, nous ne savons pas ; d’autre part, nous ne sommes pas totalement sûrs de ce que nous percevons non plus. Cela me rappelle toutes ces fois où j’ai marché dans la brume sans voir où me conduisait le chemin sur lequel j’étais ni ce qu’il y avait autour…
 
Je m’en remets à nouveau à Edgar Morin qui répondait au journaliste du Journal du CNRS (2) que « nous devons apprendre à accepter [les incertitudes] et à vivre avec elles, alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, quand on nous a décrit avec précision ce qui va nous arriver en 2025 ! L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. (…) Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille… ».
 
En temps normal, je ne suis pas en quête de certitudes, j’ai bien conscience que tout est possible et que la vie prend souvent des chemins inattendus. En temps anormal, je ne suis pas plus en quête de certitudes, mais force est de constater que certaines – pas beaucoup hein, juste une ou deux – pourraient être utiles voire salutaires. Par exemple : notre vol de début juin via Singapour sera-t-il maintenu ?
C’est une question que nous nous posons tous les jours sans avoir de réponse, sans savoir quand nous aurons une réponse sûre, sans savoir quand nous pourrons reprendre un avion si jamais ce troisième vol de retour en France était annulé. Car, pour l’heure, le gouvernement n’a pas partagé ses décisions quant à la porosité de ses frontières. Nous avons compris qu’elles n’étaient pas prêtes d’être ré-ouvertes aux étrangers mais que ceux qui voudraient partir pourraient le faire. En même temps, rien d’officiel pour le moment. Et puis, encore faut-il qu’il y ait des avions, que les escales et transits soient de nouveau autorisés. Encore faut-il que des compagnies aériennes acceptent de voler vers des destinations presque à vide – puisque personne, hormis les kiwis, ne pourrait venir en Nouvelle Zélande et ils ne sont peut-être pas des milliers à vouloir le faire. Et j’oublie l’espace Schengen susceptible, lui aussi, d’être verrouillé…
 
Si nous étions sûres que ce vol Auckland – Singapour – Paris allait partir, alors, nous aurions réagi différemment hier soir, en découvrant le mail de l’Ambassade de France en Nouvelle Zélande. Elle annonce un deuxième vol depuis Christchurch sur l’Île du Sud le 21 avril, précisant à l’occasion que ce sera le dernier. Qu’après le 21, chacun devra rentrer par ses propres moyens via les vols commerciaux. Sur lesquels nous n’avons donc aucune certitude… Or, à un moment, il nous faudra tout de même rentrer. De façon certaine. Si je suis mon propre patron – enfin, je ne sers pas à grand chose en ce moment, mais cela me donne au moins la liberté de croire que je peux travailler d’où je veux –, ce n’est pas le cas de Coralie. Et la patience a toujours ses limites, sauf chez les grands sages que ne sont pas toujours les RH.
 
« Alors, quoi, on s’inscrit ? Quand même, elle n’est pas optimale la com’ de l’Ambassade, à n’avoir pas pu dire combien de vols (en tout 4, 2 depuis Auckland dont un réservé aux personnes les plus fragiles et l’autre inaccessible puisque vol intérieur complet, pas de bus, pas de train ; 2 depuis Christchurch dont celui du 21) seraient organisés et jusqu’à quand, à peu près – ils ne savaient sans doute pas ; ni qu’il n’y en aurait pas depuis la capitale ; et comme ça, t’envoyer un mail où est écrit en gras et en rouge que youhou c’est le dernier et qu’il part de Christchurch (à 450 km de Wellington, sur l’autre île). On essaye de l’avoir ce vol ou on croise les doigts pour que celui que nous avons réservé ne soit pas annulé – dans l’histoire de l’humanité, je ne suis pas sûre de trouver de preuve que le croisement de doigts ait déjà eu une quelconque influence sur les décisions prises par les compagnies aériennes ou qui que ce soit d’autre d’ailleurs ? Oui mais, s’il est annulé ? Et si lundi, le gouvernement annonce fermer ses frontières pour un an ? Oui, je sais, mais on ne peut pas savoir ! Oui mais c’est aujourd’hui qu’il faut choisir. Mais « ils » – nous ne savons pas trop qui « ils » sont d’ailleurs – ne vont pas laisser les gens – les étrangers ayant un billet retour – comme ça ! On ne sait pas. »
 
Bref, après une nuit mouvementée – avec entre autres, un réveil à 4h du matin par les grattements répétés et acharnés de la bête qui avait déjà creusé dans la terre du jardinet de la courette, à l’endroit même où devraient pousser des choux de Bruxelles !, bête qui, après ouverture de la fenêtre et balayage systématique à la frontale, s’est révélée être un ensemble de branches de l’olivier poussées par le vent sur la façade ! –, ce matin, nous avons décidé de nous inscrire sur ce vol.
Oui… Mais bon, cela ne signifie pas pour autant que nous avons des certitudes, même pas une, entre les mains. Car s’inscrire ne signifie pas « être pris ». Je ne sais pas trop comment l’écrire, je n’ai pas compris quels étaient les critères de sélection de l’Ambassade. Car tous les inscrits ne pourront pas partir a priori. Et puis, maintenant que nous sommes inscrites, nous devons nous attendre à n’avoir la réponse de l’Ambassade que la veille ou l’avant-veille du départ… Ce qui est sans doute un temps incompressible pour statuer sur les dossiers, mais qui n’est pas hyper pratique. Surtout quand il faut organiser un vol intérieur pour aller attraper ledit vol international, que l’ensemble doit se faire sur une journée du fait des restrictions de déplacements ici – nous avons donc acheté deux billets pour le 21 au matin sans savoir si nous pourrons prendre le vol pour Paris ; qu’il faut se préparer à quitter un toit en urgence – nous avons prévenu notre logeuse de cette possibilité de départ précipité en lui précisant que nous lui réglerons le loyer de la semaine prochaine dans tous les cas (oui, on paye à la semaine ici). Et puis, après tout cela, nous nous sommes imaginées de retour en France dès mercredi matin, et vivre la suite du confinement dans notre appartement, sans courette, sans balcon, sans nature à 1 km… Comment dire… Quand ce que l’on préférerait faire, ce que l’on peut faire et ce qu’il serait préférable de faire renvoie à trois réalités différentes, décider n’est pas une sinécure…
 
(1) Centre national de ressources textuelles et lexicales, une belle bible des mots
(2) https://lejournal.cnrs.fr/articles/edgar-morin-nous-devons-vivre-avec-lincertitude

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J’ai commencé ma journée à essayer de comprendre d’abord, puis résoudre une énigme urssaf arrivée dans mes spams, imaginant rapidement que l’équation urssaf + confinement en Nouvelle Zélande risquait de m’entraîner dans un délire un peu kafkaïen ou Brazilesque m’épuisant d’avance – y a-t-il une formule plus officielle pour se référer au film culte de Terry Gilliam ? –. C’est fou d’être à l’autre bout du monde et d’être ainsi rattrapée par cette réalité administrativo-pratique, dont, évidemment, je suis totalement déconnectée. Ceci dit, conformément au 3eaccord toltèque, je me garderais de faire des suppositions quant à la suite ! Nous verrons.

En fait, non, j’ai commencé ma journée en allant sur le site d’Objectif3280 pour compter et admirer les échos postés pendant ma nuit sur cette 5eGénération qui s’achève demain mercredi à 10h – sirène du premier mercredi du mois : ceci est un message pas du tout subliminal destiné aux personnes situées à l’intersection du cercle des lecteurs de ces posts et de celui des participants au projet qui n’auraient pas encore posté leur écho –. Un peu comme si je croyais encore au Père Noël et que je me précipitais vers le sapin au matin du 25 décembre pour découvrir mes cadeaux. Quelle joie donc de constater, qu’à nouveau, les branches de l’arbre – avec Objectif3280, nous créons en effet un arbre écho-photographique – poussent vite et poétiquement, et que, grâce aux anciens qui se muent en ambassadeur de choc, de nouveaux participants y grimpent gaiement !

Mais ce matin, j’ai aussi lu que le confinement en France était prolongé jusqu’au 11 mai et cela me coupe un peu dans mon élan d’écriture légère. Cela a beau être une date précise – sûrement mieux psychologiquement que le flou –, c’est aussi une durée – longue, quasiment un mois supplémentaire, autant que ce qui est déjà derrière vous. Et je me dis que ces prochaines semaines risquent d’être difficiles pour certains, pour beaucoup même sans doute. Je pense d’abord à ma famille, à mes amis bien sûr, puis à mes connaissances et aux amis d’amis, et plus généralement, à tout le monde, un peu comme si je préparais une campagne de crowdfunding.

Comment sort-on de deux mois de confinement, que Boris Cyrulnik a qualifié de « situation d’agression psychologique » il y a quelques jours (1), et comment accepte-t-on, dès aujourd’hui, un déconfinement progressif qui, à nouveau, semble échapper à une certaine forme de cohérence et soulève déjà l’opposition et le rejet ? Je ne vais pas refaire, comme il y a 2 ou 3 jours, de liste à la Prévert version psycho de la foule de questions qui vont se poser prochainement, mais, depuis ma lointaine cabane à Wellington, je pense à vous, très sincèrement, et j’espère que chacun aura les ressources – morales, psychologiques, physiques, matérielles… – pour vivre le plus sereinement possible ces prochaines semaines.

C’est bête comme réflexe, car une négation vaine de la flèche du temps, mais je me demande, à la lumière de la stratégie adoptée par d’autres pays qui s’en sortent mieux aujourd’hui, si les choses auraient pu être différentes en France. Mais il ne sert à rien de refaire le monde à l’envers… En revanche, demain est toujours une page blanche, et même s’il peut être complexe, en ce moment, de penser global et d’avoir une approche holistique de la situation, je me permettrai, pour finir, de citer Edgar Morin : « Alors qu’aujourd’hui, du Nigeria à la Nouvelle-Zélande, nous nous retrouvons tous confinés, nous devrions prendre conscience que nos destins sont liés, que nous le voulions ou non. Ce serait le moment de rafraîchir notre humanisme, car tant que nous ne verrons pas l’humanité comme une communauté de destin, nous ne pourrons pas pousser les gouvernements à agir dans un sens novateur ». Par quoi commençons-nous ?

(1) https://www.franceculture.fr/emissions/confinement-votre/boris-cyrulnik-on-est-dans-la-resistance-pas-encore-dans-la-resilience
(2) https://lejournal.cnrs.fr/articles/edgar-morin-nous-devons-vivre-avec-lincertitude

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Cette nuit, des vents à 120 km/h ont soufflé sur Wellington, pourtant nichée au creux d’une baie. Cela bougeait encore pas mal ce matin, aussi avons-nous préféré différer notre incursion quotidienne en forêt. Les branches craquaient déjà bien hier, ce serait dommage d’échapper au coronavirus mais d’être assommé par un bout de bois. Ceci dit, j’ai appris très récemment que c’est pendant la Grande Peste de Londres en 1655 – qui avait éradiqué un quart de sa population – qu’Isaac Newton, dans l’impossibilité de se rendre à son université à Cambridge, avait dû, durant une année – réjouissons-nous donc, même si ce n’est pas fini ! –, travailler depuis la demeure familiale, notamment dans le jardin. Et c’est ainsi qu’il avait pu être sous le pommier lorsque la fameuse pomme – certainement la plus célèbre de l’histoire des pommiers, qui remonterait à 50 millions d’années ! (ou 65, ou 80 selon les sources) – lui était tombée sur la tête (1). Je pourrais donc faire un effort et accepter une brindille sur la mienne en échange d’une fulgurance intellectuelle aussi brillante que la compréhension de la gravitation…

En réalité, ce changement de programme m’apparaît plutôt être une excuse pour, l’air de rien, étendre notre territoire d’exploration… De fait, aujourd’hui, pour la première fois depuis 18 jours, nous sommes retournées au bord de l’eau, sur la promenade qui longe la baie, celle-là même que je voyais d’en haut, du lookout, au jour 15. Je crois que j’avais envie de revoir « Solace of the wind » sous un autre jour…

Dans les faits, ce n’est pas si loin que cela, peut-être 5 minutes supplémentaires par rapport au supermarché où nous nous ravitaillons. Mais, jusqu’à présent, nous n’avions pas osé y aller. Nous aurions pu ceci dit puisque ce n’est pas interdit et que nous savons que les autres promeneurs auraient respecté la distance de sécurité de 2m recommandée ici. Ce matin, soleil et vent en poche, c’est donc avec une joie toute enfantine que nous nous sommes dirigées vers la mer, pas vraiment la mer car nous ne voyons pas l’horizon depuis Wellington, mais la baie et les montagnes environnantes. Comme si nous nous aventurions sur des terres inconnues, que nous connaissons cependant pour les avoir traversées en février. Sur le trajet, comme toutes les fois où nous avons emprunté cette rue, Smith – je le baptise ainsi, mais au fond, je ne sais pas, c’est simplement le prénom masculin le plus courant en Nouvelle-Zélande depuis des décennies – était sur son échelle à poursuivre avec beaucoup de concentration son ouvrage initié dès le premier jour du confinement : repeindre, au pinceau, la façade de sa maison, après avoir soigneusement retiré la couche précédente au décapeur thermique. Ils sont en fait plusieurs à s’être donné cette mission pour ces 4 semaines un peu spéciales. Matériellement, c’est d’autant plus facile que la grande majorité des maisons néo-zélandaises sont en bois. Smith est d’ailleurs très efficace, il a bientôt fini d’apposer la première couche de son gris Madrid et la peinture semble si épaisse que je ne suis pas sûre qu’une deuxième soit utile. Promis, je suivrai cela avec beaucoup d’intérêt ces jours prochains…

Tout comme je surveillerai les dizaines d’oliviers plantés sur les trottoirs de ce quartier pavillonnaire, dont je suis très heureuse de la présence car, à chaque fois, ils me conduisent mentalement vers mon autre pays de sang, la Tunisie, mais qui reste une énigme pour moi : climatique d’une part car j’ai toujours vu ces arbres dans des pays chauds – c’est le moment de chercher à quoi ressemble l’hiver ici à Wellington – et paysagiste d’autre part, car les arbres sont actuellement plein d’olives qui, faute d’être cueillies – je m’avance peut-être mais j’ai du mal à imaginer que la ville dépêche des agents pour les récolter, les presser pour en faire une cuvée d’huile d’olives de Wellington – vont inévitablement finir sur le trottoir. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la loi de la gravitation ! Bref, pourquoi l’olivier en ville ? Comme vous pouvez le constater, mes questions du jour sont très terre à terre. Il n’y a pas de petite compréhension.

Ce qui nous conduit directement au pied de la sculpture de deux mètres de Max Patté, la raison ultime de cette diversion… Nu comme un ver en fer, les bras en arrière, tendu vers les éléments – l’eau salée, le feu solaire, l’air vif -, l’homme, abîmé, pourtant prêt à tomber, est comme suspendu dans le temps et l’espace dans une posture mélancolique – les yeux clos, calme voire las, paré pour faire face aux événements à venir – mais pourquoi pas joyeuse aussi – ne serait-ce pas les prémisses d’un plongeon, d’un élan, d’un nouveau départ qu’il nous offre là ? Un peu comme nous en ce moment, finalement.

(1) https://www.courrierinternational.com/…/pommier-confine-pen…

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Dvořák m’accompagne. Symphonie n°9 en mi mineur, dite du Nouveau Monde. Je n’ai pas cherché le symbole – d’autant que son Nouveau Monde était l’Amérique de la fin du 19esiècle, New York précisément où il vécut 3 ans pour en diriger le Conservatoire –, juste un air si familier que je le siffle en parallèle. Le fait est qu’elle m’emporte tellement que je peine à me concentrer sur mes propres mots (même si je n’en suis qu’au début). Je découvre à l’occasion d’une vérification chronologique qu’il a composé les thèmes de cette fantastique symphonie en « leur donnant les particularités de la musique des Noirs et des Peaux Rouges » (1), aveu qui avait choqué l’Ancien Monde à l’époque. Dvořák s’est notamment inspiré d’un poème, Le Chant de Hiawatha, de Henry Longfellow, évoquant la vie de Hiawatha, un Indien de la tribu des Ojibwés. Je résiste à creuser plus la piste de ses origines de peur de ne jamais remonter à la surface. A ce propos, Armstrong – Neil pas Louis – en avait emporté un enregistrement lorsqu’il a, pour la première et unique fois, marché sur la Lune (personne, ou plutôt, aucune personne n’y étant allé deux fois).

Quoi qu’il en soit, retour à Wellington dont l’atmosphère n’est pas si éloignée de la Mer de la Tranquillité. Enfin, on se comprend… Dans un autre registre, notre voisin, musicien, plus jazzy a priori, nous disait l’autre jour, de loin rassurez-vous, avoir l’impression d’être dans « Groundhog Day », traduit littéralement par nos amis québécois, qui ne font jamais de réinterprétation en la matière, par « Le jour de la marmotte ». Un titre peu évocateur pour nous autres Français. Je lui préfère « Un jour sans fin », nettement moins énigmatique, beaucoup plus direct. Curieusement, depuis le confinement, alors même que clairement, mes journées se ressemblent, à quelques folies près sur la rue empruntée pour rejoindre la forêt ou le New World (pas celui de Dvořák, celui de mon estomac), je n’ai pas du tout éprouvé ce sentiment.

En fait, la dernière fois que j’ai eu la sensation de glisser dans la peau de Phil Connors, le personnage principal du film magistralement campé par Bill Murray, c’était il y a quelques années, à l’occasion de vacances estivales avec mes neveux et nièce, que j’adore bien sûr et qui ont grandi depuis, et pendant lesquelles j’avais eu l’impression de revivre 23 fois la même journée. Jour après jour, les mêmes événements se produisaient dans le même ordre, aux mêmes heures, pendant la même durée ; jour après jour, la répétition des mêmes sentences que la veille, sans fléchir mais en espérant, comme lui, qu’un jour, prochain, cela finirait par rentrer et que je pourrais enfin passer à une autre journée ! Au lendemain finalement, où, comme sur une page blanche, tout deviendrait à nouveau possible, tout serait à écrire…

Et là, je réalise que, peut-être, je suis malgré tout dans « Un jour sans fin » sans m’en apercevoir. Car même si tout se passe bien pour moi dans le pas-meilleur des mondes, même si je ne manque de rien – hormis de ma famille et de mes amis, dont l’absence réelle est compensée par leur présence numérique –, même si je pourrais rester là des mois sans m’ennuyer une seconde, pour le moment, comme beaucoup, je ne peux toujours pas passer à demain. J’entends, le « vrai » demain. C’est comme s’il avait littéralement disparu, que le temps de l’anticipation, des projections était révolu. De fait, quand j’essaye de penser à demain, le vrai, dans quelques semaines, dans quelques mois, peut-être même dans quelques années, je n’y arrive pas. Il n’y a rien auquel mon esprit se raccroche. Ou si peu. Je l’écris d’autant plus facilement que je traverse ce brouillard parfaitement bien, sans angoisse aucune. Et pouvoir écrire, a fortiori penser cela, me prouve, je le savais déjà, à quel point je suis une personne heureuse (encore plus depuis que je sais que je suis la personne idéale pour partager un confinement, sic). Simplement, c’est inédit, c’est étrange, c’est extra-ordinaire. Et d’une certaine manière, reposant. C’est évidemment très personnel, corrélé à mon propre vécu de cet événement qui nous touche tous différemment. Je me garderais bien de faire des généralités en ce moment, pour lesquelles je confie d’ailleurs une légère aversion…

Bien sûr, la question est posée partout : et après – car cette situation ne va pas durer éternellement –, ce sera comment après ? Qu’aurons-nous appris ? Changer, est-ce devenir quelqu’un d’autre ? Serons-nous toujours libres ? L’avons-nous été un jour ? Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ? Faut-il vivre comme si nous devions mourir demain ? Choisissons nous notre existence ? L’homme doit-il travailler pour être humain ? Pouvons-nous échapper au temps ? Exister, est-ce vivre au présent ? Est-ce une fonction de l’art que d’embellir la vie ? L’art nous réconcilie-t-il avec le monde ? Que nous apprend l’histoire ? L’étude de l’histoire nous conduit-elle à désespérer de l’homme ? La recherche du profit est-elle le but de tout échange ? Y a-t-il une raison à tout ? Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ? Peut-on concevoir une société sans Etat ? Le mensonge est-il une vertu politique ? Une société juste peut-elle s’accommoder d’inégalités ? Qui peut me dire ce que je dois faire ? Faut-il se soucier de l’avenir ? (2) Chaque jour, j’ai l’impression que cette pandémie nous fait repasser notre bac philo ! Pas vous ?

(1)https://www.francemusique.fr/emissions/klassiko-dingo/la-symphonie-ndeg9-dite-du-nouveau-monde-d-antonin-dvorak-la-cornemuse-et-l-actu-dingo-15153
(2) Pour une grande partie, des sujets réels de bac philo de ces dernières années

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Aujourd’hui, j’ai envie de nous emmener au sommet ! Au sommet du Mount Victoria, à côté duquel nous avons la chance de vivre ce confinement. Cette colline arborée aux multiples sentiers est notre respiration quotidienne. Sauf hier. Pour cause de pluie abondante, de froid et enfin de lancement – ignition three two one zero ! – de la 6e édition d’Objectif3280, que j’évoquais l’autre jour et qui a commencé sur les chapeaux de roue !

De ce fait, ce matin, après le petit-déjeuner, le soleil étant de retour, la température extérieure plus engageante, et avant de nous engouffrer, tête baissée mais bouillonnante, dans nos mondes binaires respectifs, nous sommes parties à l’assaut du lookout et de son panorama à 360°. En français, cela donne quelque chose d’ambigu : « point de vue », qui pourrait être compris comme une absence de vue, alors que c’est tout le contraire ; un paradoxe linguistique que porte aussi le mot « personne » par exemple. J’ai toujours trouvé fou que le même mot désigne à la fois l’absence et la présence…
Toujours est-il que de là-haut – pas si haut non plus, à peine 200 mètres ; mais tout de même, c’est 70 de plus que Montmartre à Paris –, l’on peut embrasser du regard la magnifique baie de Wellington, le centre-ville en contrebas, les quartiers perchés sur les autres collines, le port, l’aéroport, les chaînes de montagne alentour et parfois même, les côtes les plus septentrionales de l’île du Sud. En février, lors de notre premier passage à la capitale, l’été encore rayonnant, la vie y grouillait de partout. La promenade le long de la mer était pleine de marcheurs enjoués et de cyclistes prudents ; à la surface, naviguaient des vedettes et autres voiliers chargés de passagers tout sauf clandestins ; sur les terrasses, tintaient des cocktails colorés ; dans l’eau, barbotaient petits et grands ; sur les routes, se croisaient bus et automobiles… Même d’en haut, la rumeur de la vie d’en bas s’entendait. Tout cela faisait évidemment un bruit certain, et même un certain bruit, un bruit de fonds diffus, un ronronnement constant et continu, pas franchement agressif, mais permanent, donc agressif à la longue – ce n’est pas propre à Wellington, c’est l’une des signatures de toute ville.

Tout cela a disparu depuis le confinement. Quel réconfort pour nos oreilles sensibles ! La ville n’émet presque plus aucun son. Certes, de temps en temps, la sirène d’une ambulance ou d’une voiture de police vient fendre le silence, mais globalement, la ville ne fait plus que murmurer… De là-haut, du lookout, on a pourtant l’impression que rien n’a changé, que tout est comme avant, la ville est toujours là, au pied de la colline, le musée Te Papa, les immeubles du CBD, mais on a beau chercher, plus personne n’arpente le front de mer, plus personne ne dérive sur un bateau, plus personne ne trinque, les parkings sont vides, les routes désertes et les avions cloués au tarmac. De l’extérieur, la ville est immobile. Sa vie est suspendue. C’est aussi pour cela que les confinés montent, courent, pédalent, marchent, jusqu’au lookout, sommet triomphant, pour voir leur ville coupée dans son élan.

Inévitablement, j’ai pensé à Detroit, Michigan, où j’étais en août 2013, juste après que sa banqueroute soit prononcée (1). Bien sûr, c’est excessif, mais j’avais eu l’occasion, alors, de monter au sommet du Detroit Marriott au Renaissance Center, propriété et siège social de General Motors. De la haut, j’avais pu voir ce qui m’échappait partiellement les pieds à terre, l’étendue de cette ville abîmée, vide, silencieuse, résiliente et pourtant que j’avais trouvé sublime. Là s’arrête l’écho. Mais ce n’est pas si courant de croiser une ville à l’arrêt. C’est presque un contresens, un oxymore, d’ailleurs. C’est émouvant même… Mais ce qui l’est peut-être encore plus, c’est de pouvoir l’observer et en être témoin depuis une poche de nature, où la vie, elle, ne s’est pas arrêtée une seule seconde…

(1) Voir éventuellement le travail que j’avais réalisé à cette occasion avec « Why Detroit? » : https://issuu.com/lou_camino/docs/whydetroit_loucamino

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Vous êtes vous déjà demandé, de façon purement théorique, quel unique objet vous prendriez avec vous sur une île déserte ? Un seul, oui. Chuck Noland a bien dû composer avec un ballon de volley dans « Seul au monde », alors pourquoi pas vous ? Enfin, l’avantage, avec la théorie, c’est que l’on peut poser une question sans en questionner la logique ou la pertinence : parce que, honnêtement, qui irait volontairement s’échouer sur une île déserte ? Je ne parle pas de l’île métaphorique ou de la « bubble » sur ou au creux de laquelle nous vivons en ce moment, pas forcément de façon volontaire ceci dit. Non, la « vraie » île déserte, celle de nos dessins d’enfant, un bout de sable émergeant de la surface d’une eau forcément turquoise, une poignée de palmiers plantés ça et là, des rochers aux formes étranges, un soleil rayonnant au dessus et… pas grand chose de plus en fait.

Cette question-là, nous nous la sommes posée il y a des années. Et à chaque départ, nous repensons à nos réponses en veillant bien à ne pas les oublier dans nos bagages. On n’est jamais trop prudent… Ce n’est pas très charitable de ma part mais la sienne m’a toujours fait rire : un coupe-ongle ! J’ai eu beau argumenter que son intérêt à long terme était limité, que les dents pouvaient faire le même travail, moins soigneusement certes, mais tout de même, un seul objet, vraiment, le coupe-ongle ? Oui, oui, et encore oui ! Devant tant d’opiniâtreté bretonne, j’ai capitulé. Ceci dit, en théorie, tout s’entend. Pour ma part, après avoir envisagé emporter un album photo pour ne pas oublier les visages aimés, j’ai opté pour un objet plus utile dans ces circonstances : le couteau suisse de mes 22 ans. Nous avons évidemment les deux avec nous ici en Nouvelle Zélande. Qui n’est pas une île déserte, même si l’on peut passer des heures et des heures à rouler sans croiser qui que ce soit d’autre que son reflet dans le rétroviseur.

Cette faible densité est, je l’ai déjà évoqué, l’une des raisons pour lesquelles le COVID-19 (il est rarement nommé coronavirus ici) a peu de prise en NZ : la distanciation sociale est inhérente à la vie des îliens. Aujourd’hui, cela fait ainsi deux semaines que le confinement a débuté. Depuis plusieurs jours, le nombre de nouveaux cas est en chute libre : 50 hier et 29 seulement aujourd’hui – une petite victoire à laquelle, étrangement, j’ai l’impression de participer – ; les guérisons quotidiennes dépassent les contaminations ; 14 personnes sont hospitalisées et il n’y a « toujours » qu’un unique décès à déplorer (déjà mentionné, une femme de plus de 70 ans avec des antécédents médicaux). Lorsque je me penche sur les statistiques et situations des autres pays – effrayantes pour certaines telle la courbe vertigineuse actuellement suivie par les Etats-Unis ou l’impact dramatique à venir du confinement en Inde –, j’ai l’impression de vivre à des années-lumière de la planète bleue. Certes, la vie est entre parenthèses ici aussi, mais elle est tellement paisible, tellement déconnectée du climat anxiogène que beaucoup semble vivre… C’est un peu comme si j’étais une auditrice lointaine d’une fiction apocalyptique diffusée en mondovision, genre la « Guerre des mondes » d’Aldous Huxley lue par Orson Welles en octobre 38, sans la légendaire panique des Américains en l’entendant. A la différence près que, là, c’est vrai. C’est vrai, n’est-ce pas ? Rassurez-moi ! Enfin…

Anyway, les autorités néo-zélandaises sont confiantes – les habitants aussi : c’est même presque surréaliste de voir un peuple avoir ainsi confiance en ses dirigeants ! comme quoi, ce n’est pas un contresens –, et, sans envisager d’avancer la fin du confinement pour autant – il s’achèvera comme prévu le 22 avril –, elles préparent l’après – probable rétrogradation d’un point du niveau d’alerte – et demandent aux entreprises – en particulier aux commerces – d’en faire autant. Tout est arrêté depuis deux semaines et, comme partout dans le monde, les conséquences économiques et sociales de cette pause imposée sont importantes, les aides de l’Etat ne pouvant tout compenser. Bien sûr, la vie ne reprendra pas « comme avant » et ne sera sans doute pas « comme après » non plus. Ce sera un E2DNI, un Entre-Deux à Durée Non Identifiée… Pendant ce laps de temps, les tests vont se poursuivre. Afin de retracer au plus vite le parcours d’une transmission éventuelle du virus, les interactions entre personnes vont aussi être suivies. C’est en gestation, mais cela passera peut-être par une App à installer sur son téléphone. Certes, c’est justement la capacité à remonter le fil des contaminations qui a permis de limiter les contagions, mais quel impact pour les libertés individuelles, à court, moyen et long terme ? Autant directement passer à l’étape suivante de l’humain augmenté et nous greffer une puce dans l’avant-bras, non ?

Le contrôle des frontières est le dernier point du programme de demain. Comme toute île, la Nouvelle-Zélande fait déjà très attention à tout ce qui transite sur son territoire – par exemple, nous avons dû montrer nos semelles en arrivant… Là, il ne s’agira plus simplement de vérifier la propreté des chaussures, il faudra également veiller à ce que personne ne rapporte de cadeau empoisonné à la maison. De fait, dès ce soir, les kiwis rentrant au pays seront obligatoirement isolés 14 jours au moins dans des hôtels. Ce n’est pas le sanatorium à la Sibérienne (clin d’œil amical) mais quand même…
Pour l’heure, il n’est pas du tout question de rouvrir les frontières du pays à qui que ce soit d’autre. La dernière fois que le sujet a officiellement été abordé, il était même envisagé de les garder imperméables pendant 12 à 18 mois, le temps qu’un traitement ou vaccin fiable soit disponible.
C’est long pour un pays qui accueille près de 4 millions de visiteurs internationaux chaque année, presque autant que sa population – les prévisions à 2024 tablaient même sur 5,1 millions ; imaginez le bazar que provoque d’ailleurs cette pandémie chez les statisticiens, prévisionnistes, prospectivistes en tous genre : tout, tout, absolument tout est à revoir ! – et dont une partie de l’économie repose, a fortiori, sur le tourisme. Le reste, et dans volumes plus importants, ce sont les vaches, les moutons, le vin et le bois…

Bien sûr, que cette pandémie ait atteint cette échelle mondiale de façon aussi fulgurante est intimement lié à la facilité et à la rapidité avec laquelle nous pouvons désormais voyager, nous déplacer sur cette planète, passer d’un pays à l’autre, y déposer nos miasmes sans le savoir avant d’aller les semer ailleurs. Et, en oubliant les miasmes quelques instants, cela fait déjà quelques années que les dérives du tourisme de masse sont pointées du doigt, que certaines villes n’en peuvent plus, que les touristes-bulldozer ne sont plus les bienvenus, qu’il nous faut repenser nos migrations légères et volontaires, mais parfois lourdes de conséquences.
Ce virus, peu enclin à faire des concessions va donc très tranquillement – même s’il faut veiller à ne pas lui attribuer d’intention consciente, ce qui, à vrai dire est question ouverte à l’heure où certains parlent de karma, de planète nous transmettant un message… – et comme sur de nombreux autres sujets sur lesquels il envoie un coup de projecteur, exacerbant par la même occasion les failles de nos systèmes, fonctionnements et réflexes, ce virus va donc, inexorablement, précipiter le changement. C’est du moins ce que nous espérons tous. Je rectifie, c’est du moins ce qu’espèrent toutes les personnes que je connais. Car, même si ma bulle est large, je suis bien consciente qu’elle comprend majoritairement des personnes qui partagent le même système de valeurs et les mêmes espoirs que moi… Ceci dit, c’est un bon point de départ et il faut bien commencer quelque part !

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Cette injonction, nous la lisons et l’entendons tous les jours dans les news locales depuis l’instauration du confinement. « Bubble », c’est doux, c’est plein de rondeurs, c’est rassurant, c’est irisé, ça laisse passer la lumière, c’est protéiforme, c’est magique, on s’y glisse, comme dans une couette en plein hiver, avec la certitude d’être au chaud… Il sonne, en tout cas, mieux à mes oreilles que le terme foyer, qui, d’après le dictionnaire est d’abord le « lieu où l’on fait du feu » avant d’être celui où « vit une famille »… Ce qui, dans le fond, est un résumé aussi cruel que réel de ce qui, malheureusement, se passe dans certaines maisons actuellement.

Face au temps, qui peut-être n’existe pas ou plus (voir un de mes précédents blabla), ce « stay in your bubble » – à la fois humain et géographique puisqu’il inclut les personnes avec lesquelles vous vivez et votre quartier, que vous ne pouvez quitter – redessine totalement notre espace. S’il s’est drastiquement rétréci ces dernières semaines, paradoxalement, j’ai l’impression que les distances n’ont jamais été aussi réelles. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, ce qui est loin est « réellement » loin.
L’espèce humaine n’étant pas en mesure d’augmenter la durée d’une journée, elle s’est en effet appliquée à faire ce qui était dans ses cordes pour contourner cette contrainte forte : multiplier ce que nous pouvions faire en un jour. Des gens brillants ont ainsi conçu des machines volant à 1 000 km/h, faisant des bouts du monde des voisins de palier. Aujourd’hui, ces oiseaux de métal étant cloué au sol, les 18 850 km qui me séparent de la France redeviennent une distance infinie, presque une aventure. Sans doute Clément Ader, qui n’avait parcouru que 50 mètres lors de son premier « vol » en 1890 à bord d’Eole, l’engin qu’il avait fabriqué en s’inspirant de la chauve-souris (qui n’apporte donc pas que des virus), ne se doutait-il pas que son invention allait à ce point révolutionner notre appréciation de l’espace, du temps et au final, du voyage.

M’en plaindre serait malhonnête : j’ai beaucoup usé – de l’avion, du train, du bateau, du bus, de la voiture – pour aller découvrir l’ailleurs. C’était ça l’urgence, voir, sentir, toucher le monde avec mes propres yeux (c’est pourquoi je n’ai jamais voulu lire de récits de voyage a priori par exemple, même historiques). Je me disais que si la Terre avait été un point (ce qu’elle est depuis l’espace, ne nous leurrons pas), je serais naturellement restée au même endroit, mais comme c’est une sphère, la parcourir me semblait plus logique. Je l’ai fait instinctivement, selon mes envies, conscientes et inconscientes, et non pas avec un objectif quantitatif…

Voilà qui me renvoie à un après-midi de mai 2017, à Taïwan où j’ai séjourné quelques mois. Direction Puli, au centre géographique du pays, où se trouve l’imposant Monastère bouddhiste Chung Tai Chan. J’envisageais à l’époque de faire un sujet au long cours sur ce lieu organisé tel un microcosme. Des contacts locaux m’avaient permis d’organiser une visite de l’école et du temple. Une nonne (parlant anglais) avait été chargée de me faire découvrir le temple, incluant les étages fermés au grand public. Après m’être brièvement présentée, elle m’avait demandé combien de pays j’avais visité jusqu’à présent. A vrai dire, c’est une question que je ne me suis jamais posé. « Je ne sais pas » lui avais-je donc répondu, ajoutant que ce n’était pas important, que je voyageais pour élargir mes horizons, aller à la rencontre d’autres cultures, sillonner d’autres paysages, parce que j’étais curieuse… Après coup, j’ai pensé que c’était une question « piège », une jolie façon de sonder la personne que j’étais avant de me guider dans ce lieu sacré, d’une incroyable beauté et dégageant une énergie telle qu’en atteignant et découvrant le dernier étage, j’avais littéralement éclaté en sanglot, prise d’une émotion si forte qu’il m’avait fallu plusieurs minutes – une éternité ! – pour retrouver mes esprits…
Etrangement, plusieurs fois depuis mon arrivée en Nouvelle-Zélande – avant même que le monde ne bascule – et pour la première fois dans ma vie, je me suis dit que c’était peut-être l’un de mes derniers voyages, qu’il était l’heure de creuser un autre sillon… L’avenir nous le dira, aussi incertain soit-il…

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Au fait, samedi, avec une satisfaction non dissimulée, j’ai trouvé du chocolat pâtissier et de la farine au New World, transformant instantanément notre envie de gâteau au chocolat en quasi-réalité. Pour mémo, New World est le nom – fort à propos mais encore un peu flou quant à la ligne éditoriale qui va en émerger – de l’enseigne où nous allons remplir placard et frigo pour une semaine, presque à la même fréquence qu’à Paris finalement. La distance inter-espèce, les masques, gants, barrières de protection entre caisses, désinfectants, produits manquants (rares toutefois), stratégies d’évitement dans les rayons en moins évidemment. Je ne sais comment cela se passe chez vous (j’écris cela comme si j’étais chez moi ici, ce qui n’est pas le cas, si ce n’est temporairement), mais, dans le Nouveau Monde, certains produits en vrac – graines, céréales, légumes et fruits secs, petits pains, muffins, croissants, crumpet… –  ont été pré-sachetés de telle sorte que chacun peut évacuer le stress lié à un éventuel contact de ses cubes de gingembre cristallisé avec une main, une pelle ou des postillons portant en eux le germe de la maladie. Ceci dit, les sachets ayant tous des poids différents – masse pour les puristes –, la main baladeuse est aussi tentée de les soulever, donc toucher, un à un, pour trouver le poids qu’elle aurait pris si elle avait pu le remplir elle-même. Mais c’est assurément mieux… Et dans les faits, il me semble qu’aucune transmission du virus via un produit alimentaire ou son emballage n’a été recensée. Vous me direz.

Oui, je dis « vous » comme si je vous écrivais, à vous, comme si vous n’étiez qu’Un, comme si vous étiez Tout, qui que vous soyez et où que vous soyez, parfois sans vous manifester, parfois en me gratifiant de commentaires toujours appréciés ou de ces démonstrations sentimentales digitales et iconiques désormais intégrées à notre grille de lecture : j’aime, j’adore, je me gausse, je suis waouh mais waouh quoi, bouh je suis triste… Décalage horaire oblige, je sais que certains parcourent mes billets au réveil, d’autres en trempant leur tartine dans leur thé du matin, certains les lisent jour après jour, d’autres dans le désordre, il en est même qui m’avouent avoir hâte de les découvrir. Hé, ho, les amis, vous me mettez la pression là J !

D’ailleurs, cela me fait penser que je n’ai toujours pas envoyé mes cartes postales, pourtant achetées au fur et à mesure du voyage pour refléter au mieux la diversité des paysages néo-zélandais. Au fond, cette attention ne change pas grand-chose puisque chaque carte n’a qu’un seul et unique destinataire. Je pourrais donc prendre 15 fois la même et écrire 15 fois la même chose sans que personne ne le sache… Mais j’aime choisir une carte en fonction de la personne à qui elle est destinée, ce qu’elle aime, ce à quoi elle est susceptible d’être sensible… Quoi qu’il en soit, le tas de cartes est sur le coffre qui trône au milieu du salon. L’idée était de les écrire toutes depuis Auckland, où nous devions passer nos derniers jours, au calme, avant de filer vers Buenos Aires. Comme vous le savez, le programme a légèrement évolué. Et je m’interroge… Que faire de ces cartes ?

Maintenant que le monde a changé, je ne peux plus naïvement écrire : « La Nouvelle Zélande est un pays magnifique, magnétique même ! Nous passons notre temps à nous émerveiller devant tant de beautés naturelles que nous parcourons à pieds, à vélo, en voiture, en train, en bateau. Cela vous plairait ! (…) Tout se passe parfaitement bien so far. Nous avons l’étrange sensation d’être complètement coupées du monde et ça fait un bien fou ! (…) Le retour en ville et dans notre appartement risque d’être un peu difficile mais d’autres territoires nous attendent. (…) J’espère que tout va bien pour vous ! Nous avons hâte de vous voir et de vous serrer dans nos bras. »

Et je ne peux pas écrire non plus : « Salut… je voulais te parler de cet incroyable lac à l’eau laiteuse et turquoise, en plein cœur de l’Ile du Sud, le long duquel nous avons marché. Le vent était si fort ce jour-là que les ombres des nuages semblaient danser à sa surface. C’en était hypnotisant ! Mais franchement, à quoi bon, nous savons toi et moi que tout cela n’a plus aucun sens, que depuis cette petite balade insouciante dans les Alpes du sud, ce fichu virus qui n’était qu’une grippette en Chine a essaimé partout dans le monde, bousculant tout à une échelle inédite, individuelle et collective, révélant les failles de nos systèmes et l’étendue de nos interconnexions, contaminant 1,3 millions de personnes, en tuant 72000… Alors, mes petites vacances en Nouvelle-Zélande… »

Un temps, j’ai pensé les écrire (version : le monde d’avant 2020, en me mettant dans les conditions de l’ignorance), les photographier puis les envoyer par mail à leurs destinataires respectifs (puisque les échanges postaux sont aussi limités). Puis, j’ai pensé que cela pourrait être le point de départ d’un nouveau projet collectif… Nous avons tous, en effet, des cartes non envoyées et/ou glanées désespérées au fond de nos tiroirs. Chacun pourrait alors raconter dans quel contexte il s’est retrouvé en possession de cette carte, un souvenir, et l’envoyer à une personne qu’il ne connaît pas mais dont le nom lui a été soufflé par un ami… et ainsi de suite… sauf que non…

Bref, l’envie sous-jacente était surtout de « faire quelque chose » depuis cet endroit privilégié où je vis calmement et d’où je vois – sidérée et spectatrice – se dérouler cette catastrophe mondiale – au sens de la physique tel qu’évoqué par mon amie Laurence il y a quelques semaines – comme une pelote de laine de mérinos lâchée depuis le dernier étage d’un immeuble moderne du centre ville de Wellington. C’est ainsi que s’est progressivement imposée l’idée de lancer, avec quelques mois d’avance, la 6eédition d’Objectif3280.

Cette année 2020, nous fêtons en effet les 10 ans de ce projet et nous imaginions une édition en fanfare en fin d’année plutôt. J’en vois certains froncer les sourcils. Objectif3280 ? Je le présente brièvement ainsi sur son site : « Objectif3280 est un projet photographique participatif, mondial, en ligne et en temps réel où toutes les photos sont, de génération en génération, liées les unes aux autres par des associations d’idées ». A l’oral, je le compare souvent à un cadavre exquis géant, où ce n’est pas une personne qui propose une suite, ici à une photographie, mais trois. Autrement dit, tout cela est exponentiel. Je crois que tout le monde est désormais familier avec cette notion mathématique…

Objectif3280 est né dans ma tête en 2009 je crois mais il n’a pris forme qu’en 2010 grâce à Coralie, à ses talents informatiques et sa patience. Nous étions alors au Canada pour un an. Comme ça, sur un bout de table aussi bancal que le sol de la cuisine où elle était perchée, une idée est devenue réalité. Quand nous avons envoyé le premier mail annonçant l’existence du projet et son lancement, nous ne savions absolument pas si, de l’autre côté, vous encore donc, quelqu’un allait réagir et se prendre au jeu. Et quand, au bout de quelques minutes d’un intense suspense à rafraîchir compulsivement la page du projet (vous savez, comme le personnage de Zuckerberg à la fin de « Social Network »), une photo est arrivée – Laurence, la tienne d’ailleurs il me semble ! –, poursuivant ainsi l’histoire que j’initiais avec la mienne, nous avons poussé un grand cri de joie.

En tout, nous avons organisé 5 éditions, qui, grâce au bouche à oreille des participants, IRL ou IDL, ont réuni 736 personnes vivant dans 57 pays. Chaque édition requiert un important travail en amont et nous mobilise, à divers niveaux, pendant le mois qu’il dure. Et chaque édition fait vibrer mon cœur comme aucun autre de mes projets artistiques, personnels ou non. Parce qu’à travers lui, j’ai la sensation de faire partie d’un tout, j’ai la sensation que ce tout là vibre à l’unisson, j’ai la sensation que nos différences et divergences n’ont plus aucun sens, j’ai la sensation que nos ondes respectives créent de la joie, de la beauté, du lien, de l’intelligence, du sens. Et alors, je me dis que tout est possible. Aujourd’hui, depuis mon bout du monde, malgré la complexité de la situation, je me dis que ce projet prend tout son sens, et j’ai envie de nous sentir à nouveau ensemble, simplement, légèrement, autour d’une petite œuvre d’art dont nous serons tous les co-auteurs…

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