Photo-graphies et un peu plus…

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Quand deux photographes se croisent, c’est un peu comme deux motards qui se retrouvent au feu. Ils jaugent la bécane de l’autre, entament, souvent, une conversation, et lorsque le feu passe au vert, celui qui possède la moto à la cylindrée la plus élevée donne, en général, un bon coup d’accélérateur pour montrer que c’est bien lui qui a la plus grosse. C’est vrai, cette sympathie spontanée entre motards, cet échange verbal anodin m’ont toujours fascinée. Imaginez si les automobilistes commençaient à s’apostropher – aimablement, j’entends – à l’arrêt, ou si ceux marchant en Nike tapaient la causette sur le trottoir, cela n’en finirait pas !

Mais, c’est faux. Deux photographes qui se croisent ne se parlent pas forcément. En revanche, le regard vers l’appareil est un vrai constat. Parfois du coin de l’œil seulement. Le plus amusant est, bien sûr, de se prendre en flagrant-délit de coup d’œil indiscret sur la marque, le modèle, le type et son porteur… Ceci dit, un autre télescopage l’est peut-être encore plus. Amusant. Et se produit lorsque deux photographes se retrouvent au même endroit avec cette sensation délicieuse d’avoir trouvé un paysage, une perspective, une scène correspondant à leur quête, leur thème, leur goût, et avec lequel ils savent qu’ils pourraient passer des heures sans se lasser. Sauf que deux photographes ne peuvent décemment pas avoir les mêmes envies au même moment. Donc, la première conséquence de cette simultanéité inopportune est qu’ils évitent très soigneusement de se regarder. Cela briserait le moment de communion qu’ils croient ou essaient d’avoir avec l’espace. Par chance, quand deux photographes se retrouvent au même endroit, leurs différences intrinsèques sont suffisantes pour qu’ils soient, en fait, attirés par des éléments distincts.

C’est exactement ce qui s’est produit dans ce sombre couloir… Si mon camarade d’appareil s’est révélé totalement subjugué par un puits de lumière aux formes très géométriques, tournant autour comme un lion avec sa proie, j’ai instantanément préféré ce qui se passait de l’autre côté, sur ce plafond de lattes couleur ivoire, plastifiées et, de fait, réfléchissantes. Des silhouettes de marcheurs disciplinés valsant, aux mouvements saccadés, découpés, décomposés. Du Muybridge tronqué ! Rien ne dit, toutefois, que je ne me serais pas attardée sous la lumière aussi s’il n’avait été là…

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C’est le bruit que font les chips quand elles craquent sous les dents. Difficile, en effet, de ne pas penser à Poncherello quand on débarque sur la côte ouest américaine et que l’on tombe nez à nez sur un motard de la S.F.P.D. Certainement moins connue que la N.Y.P.D, mais elle a ses fans. Le fait d’avoir pris cette photo m’étonne. Ce n’est pas un sentiment a posteriori. Sur le moment, je me suis dit : « C’est très étrange ce que tu fais ! » Je ne suis pas particulièrement attirée par les uniformes, encore moins par les représentants de l’ordre.

Mais, dans les faits, cela va au-delà de cette étiquette. Cet homme, vraisemblablement sûr de lui, est une icône, la représentation d’un mythe. Aussi ai-je fait comme la masse de touristes que l’on ne voit pas ici, j’ai déclenché. Le plus étonnant dans cet instant photographique reste la passivité du modèle. Comme s’il était payé pour être pris en photo (le matin, au central, ils tirent à pile ou face celui qui fera le modèle pour la journée sur le Pier…), comme s’il était blasé par son propre mythe, même si, ce côté froid donne l’impression qu’il cherche Sarah Connor. On s’attendrait presque à le voir sortir une arme et à tirer à vue, histoire d’empêcher la sortie d’un cinquième épisode… Mais non, rien de tout cela. La vie réelle est bien plus calme !

Quelque chose me taraude malgré tout : y a-t-il beaucoup d’endroits dans le monde (en écrivant, je pense aux très photogéniques Bobbies anglais, mais ce n’est pas tout à fait pareil) où les gens (quels qu’ils soient) se pressent pour tirer le portrait d’un policier consentant, non pas, parce qu’il est en train de commettre une bavure ou de griller un feu rouge, mais parce qu’il est policier, simplement (en écrivant, je pense aux gardes républicains que j’ai pris en photo sur leurs grands chevaux à Paris) ? Mais, ce n’est pas tout à fait pareil… Scrontch, scrontch…

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