Photo-graphies et un peu plus…

Oiseaux de nuit

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L’autre matin, écrasée de toutes parts dans la rame des sardines par des gens poussés par d’autres amassés sur un quai bondé et n’arrivant pas à se faire à l’idée d’attendre le prochain métro, j’ai eu un flash. Là, au cœur de ce sas à la densité humaine digne d’intégrer la page 469 du livre des records, j’ai pensé aux manchots. Vous avez déjà sûrement observé cette scène, en vrai ou sur écran : en hiver, alors qu’il fait très froid sur la banquise (voire plus au nord comme ici) balayée par des vents glacés et forts, les colonies de manchots se regroupent. Les manchots se collent les uns aux autres pour avoir le plus chaud possible. Ceux en périphérie jouent alors le rôle de bouclier et protègent les cercles inférieurs des agressions météorologiques jusqu’à ce qu’une savante rotation soit déclenchée permettant ainsi aux manchots frigorifiés de réintégrer l’intérieur et d’être remplacés par des manchots réchauffés. Et ainsi de suite… C’est un spectacle assez étonnant à observer et si parfaitement orchestré que l’on croirait presque qu’ils font de la télépathie… « Vas-y, c’est à ton tour ! » « Bien reçu, Roger, j’arrive ! » Vous visualisez ?

Bon, et bien, c’est exactement cette séquence qui m’est revenue dans mon sas… Car c’est exactement comme cela que nous, pauvres êtres humains même pas soumis aux vents catabatiques, procédons pour nous déplacer ou nous extraire d’une rame bondée quand l’heure est venue. Nous sommes comme des manchots serrés les uns contre les autres, bras le long du corps, incapables de nous mouvoir autrement que par des pas minuscules et de façon légèrement circulaire : une personne sort, cela crée un vide dans le sas que la masse humaine s’attache instantanément à remplir tout en absorbant une, deux  voire trois nouvelles personnes. A l’échelle de l’individu, au bout de 4, 5 stations, on réalise que l’on a fait un tour sur nous-même, que nos voisins ne sont plus du tout les mêmes qu’au départ et que l’on fait désormais partie du bouclier protecteur. Celui qui va sauvagement être expulsé à la prochaine station ! Car, malheureusement, l’homme transporté n’est pas aussi civilisé que les manchots !

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A l’école, j’avais un professeur de mathématiques qui ressemblait beaucoup à Philippe Léotard et qui préférait vivre de certitudes que de doutes. Surtout en matière d’orthographe. Ainsi, lorsqu’il n’était pas sûr de celle d’un mot, sur un doublage de lettres en particulier, il préférait la tripler et être certain d’être dans le faux plutôt que de laisser faire le hasard et d’avoir une chance sur deux d’avoir raison, ou tort. C’est une vraie philosophie de vie sur laquelle méditer. A l’école, j’avais aussi une professeur d’allemand qui aimait bien nous faire imaginer des suites à divers débuts de phrases plus ou moins inspirés. Dans la langue de Goethe bien sûr, l’exercice n’étant pas gratuit. Une fois, il y avait eu « De l’autre côté« . La fois suivante, elle avait opté pour un étonnant « Si j’étais riche ». Un choix que je trouve a posteriori assez cynique puisque la majorité des élèves étaient issus de familles aisées. Ceci dit, un « si j’étais pauvre » l’aurait encore plus été.

Aujourd’hui, je formulerais bien une toute nouvelle hypothèse, certes un peu incongrue, mais totalement d’actualité : « Si j’avais un CDD ». Trois petits points… Ne vous méprenez pas, je ne parle pas de travail mais de Clone à Durée Déterminée ! Bien plus utopique à obtenir de nos jours malgré les efforts des généticiens du monde entier (j’avais aussi une professeur de français qui se moquait de toute personne osant écrire ou dire « monde entier »… ce qui fait beaucoup de monde !) et la crise de l’emploi que nous traversons. Mais, là est justement l’intérêt du si ! Car avec des si, tout devient possible. Ainsi, l’avantage de pouvoir employer son propre clone – j’entends, ce clone de notre imaginaire collectif, scientifiquement faux, qui serait notre exacte photocopie, en somme, notre double parfait bien qu’imparfait nous-même – est qu’il nous connaît plus que le plus proche de nos amis. Nous pouvons donc espérer une collaboration en toute confiance. Ce qui en pousse certains à utiliser leur CDD comme assistant personnel, qu’ils chargent de leurs tâches administratives, des courses, de toutes ces petites choses qu’il faut faire, le plus souvent à contrecœur… J’y ai pensé, mais ce serait un peu du gâchis d’autant que nous parlons ici de CDD et non de CDI, qui n’existent pas encore. D’autres se rendent à l’ANPEC (agence nationale pour l’emploi des clones) pour être remplacé au travail de temps en temps, avec compte rendu en bonne et due forme en fin de journée ou de semaine pour bien assurer le retour. Evidemment, tout cela se fait sous le sceau de la confidentialité, le remplacement par son clone étant encore interdit, même si, dans la pratique, de nombreux employeurs l’acceptent. Je n’y ai pas pensé.

La mission de mon CDD n’a presque rien à voir et je n’ai d’ailleurs pas encore réussi à en évaluer la durée. C’est pourtant essentiel. Car, comme chacun, j’ai droit à trois CDD d’un an maximum par vie. Le problème est que dans ce monde-là, on ne connaît toujours pas la date de notre mort, ce qui rend difficile la gestion du clone. Mais c’est un autre si ! Voilà, vous allez peut-être trouver cela étrange, mais j’ai besoin d’un clone pour scanner mes négatifs et mes diapositives qui se meurent dans des boîtes éparses à l’abri des regards, s’approchant jour après jour d’un oubli que personne ne leur envie. Et surtout pas moi. C’est une tâche aussi titanesque – je n’ai pas le temps de m’en charger moi-même – qu’indispensable – j’en ai absolument besoin pour « voir » et revoir. Comme les lieux visités, j’ai de vagues souvenirs d’anciennes photographies. Pour certaines, pas si anciennes en réalité, puisque je n’ai adopté le tout-numérique qu’il y a deux-trois ans. Mais de celles faites il y a 9, 12 ou 15 ans, il ne reste rien. Ou presque. Peut-être redécouvrir ces images provoquera-t-elle la même gêne qu’à la relecture de textes rédigés à un âge plus naïf, pour ne pas écrire plein d’illusions… Peut-être, mais ce peut-être a aussi un sens. Celui de me permettre de retracer mon histoire, de la lier au présent pour pouvoir l’ancrer dans le futur…

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Je ne reviendrai pas sur cet état de fait malheureux : une journée fait 24h, pas une minute de plus, pas une de moins. Comme nous n’avons pas – l’espèce humaine – ce pouvoir surnaturel d’augmenter la durée d’une journée, nous nous sommes contentés de faire ce qui était dans nos capacités, à savoir multiplier ce que l’on pouvait faire en un jour. Des gens brillants ont inventé des machines volant à 1 000 km/h, raccourcissant les distances, et donc le temps, entre deux destinations lointaines ; d’autres ont créé des machines lavant et séchant le linge automatiquement, permettant à celles qui s’en occupaient de faire autre chose pendant ce temps ; certains ont même conçu des machines destinées à penser et à calculer à leur place, pour aller encore plus vite. Ces dernières génèrent d’ailleurs tellement de données que le cerveau humain n’est plus capable de les analyser, mais il est suffisamment malin par ailleurs pour créer d’autres machines qui se chargeront de trier les données pertinentes voire de les pré-interpréter.

A chaque fois que du temps est gagné sur la journée de 24h, c’est qu’il y a technologies. Ces dernières années, elles ont massivement inondé les modes de communication, de telle sorte que nous sommes, à tout instant, en « contact » avec les autres – connus ou inconnus -, avec ce qui se passe ici et surtout ailleurs, hors de notre portée visuelle, auditive, olfactive ou sensorielle. « Contact » est d’ailleurs un abus de langage hérité de cette époque où les gens se voyaient réellement, cette phrase n’étant pas aussi rétrograde qu’il n’y paraît… Et si ce n’est pour communiquer, c’est au moins pour s’informer. Des plus futiles aux plus fondamentales, les informations tombent, non hiérarchisées, à un rythme effréné. Ce déluge de savoirs et de connaissances, – deux notions à redéfinir ? – diversement intéressantes donc, est véritablement effrayant dès lors que l’on accepte de prendre un peu de recul (sans celui-ci, on est dans la phase d’incompétence inconsciente que j’évoquais dans Et la lumière fut). Et le rythme n’est pas destiné à décélérer, bien au contraire. D’ici 4 ans, les pros du secteur estiment en effet que le trafic Internet annuel de notre chère planète bleue atteindra les 1,3 zettaoctet. Vous ne savez pas ce que cela signifie ? Moi non plus ! Pour ne pas finir la journée plus bête que ce matin, voici : un zettaoctet, c’est un 1 suivi de 21 zéros. On ne se le figure pas plus pour autant : c’est en fait près de quatre fois plus qu’aujourd’hui… Toujours en 2016, 45% de la population mondiale devrait être connectée à cet informateur universel ! On imagine que l’on s’active déjà dans les tuyaux pour que tout ce monde en quête d’échanges ait réellement accès à un débit digne de ce nom, le très haut-débit, voire la fibre optique (on ne pourra en effet pas aller plus vite que la lumière même si des physiciens l’ont cru l’an passé suite à un excès de zèle mal calibré de neutrinos).

Des champs d’investigation totalement nouveaux et aux noms emplis de mystères – au quasar, glycobiologie, épigénétique, bioinformatique, enthéobotanique, biologie synthétique, NBIC (convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’intelligence artificielle et des sciences cognitives) – s’ouvrent à nous comme la Mer Rouge et nous serons pourtant à jamais inaccessibles (même si nous en exploiterons les applications sans savoir qu’elles en sont à l’origine). Cette inaccessibilité-là n’étant pas liée au fait d’accéder à l’information – nous avons vu que, de ce point de vue là, l’affaire était réglée – mais plutôt à la pleine compréhension de cette information. Sans doute n’est-ce pas absolument grave de ne pas tout comprendre pour vivre correctement – admettons même que la chose est impossible – mais de réaliser que l’évolution des sciences et techniques va plus vite que notre capacité à les maîtriser, à les appréhender, à se les approprier, à en mesurer les implications me donne le tournis. A la fois à titre individuel – une petite mort, quand même -, mais aussi collectif : où se dirige un monde qui ne peut plus comprendre ce qu’il crée lui-même ?

Ce mouvement ne peut évidemment s’inverser : on ne rétrograde pas, dans notre monde moderne, sauf cette andouille d’indice triple A. Et même quand on veut faire plus simple, gommer l’ostentatoire technologie, il faut des trésors d’intelligence pour y arriver. C’est compliqué de faire simple, surtout quand on veut aussi faire mieux. Plus efficace, plus rentable, plus direct, plus rapide, plus fiable, plus truc que ce qui se faisait « avant ». Vous savez, cet « avant » que l’on brandit en général pour dire qu’il était mieux, ce qui est un peu facile. Mais je me demande sincèrement comment les personnes de plus de 80 ans – celles qui ont connu les opératrices (presque centenaires donc) et peuvent aujourd’hui se skyper avec leurs arrières-arrières-petits-enfants à l’autre bout du monde tout en s’envoyant des photos du petit dernier – perçoivent ce monde d’hyper-connexion un brin abstrait… Monde qui donne la désagréable sensation de frôler la chute en permanence : la déconnexion ! Laissez passer une nouvelle techno grand public et vous êtes potentiellement à la traîne pour le reste de votre vie… Ce monde – j’écris ça comme s’il y en avait un autre, qu’il y avait le choix ou que je lui étais étrangère – est comme un train en marche – un shinkansen, ultra-rapide donc – dans lequel il faut forcément sauter, indépendamment du besoin et de l’envie, deux notions à revisiter tout comme le savoir et les connaissances sus-cités. Celui qui n’a ni smartphone ni tablette aujourd’hui est-il un has been, un obscurantiste ? Risque-t-il de manquer son entrée dans le futur comme ceux qui ont résisté à l’outil informatique à l’aube des années 1980 ?

Impossible de suivre ce rythme qui nous empêche de penser, de réfléchir, car réfléchir, c’est s’arrêter et s’arrêter, c’est louper la station ! Personne n’a le don d’ubiquité et pourtant, tout semble se passer au même instant. Je n’ose même pas écrire « moment » qui, en lui-même, suggère une certaine durée. L’instant, c’est cette unité furtive du temps qui est déjà finie sitôt qu’elle débute. Bref ! Le présent, notre présent, nous donne l’illusion d’une omniscience tout en nous confrontant à notre ignorance croissante sans que cela paraisse paradoxal. Le présent, où tout change vite, où l’on est témoin de la disparition d’outils créés par nos parents (la K7 par exemple), où tout tourbillonne autour de l’homme lui fait aussi croire qu’il est lui-même plus rapide, qu’il est lui aussi temps-flexible. Qu’il peut, comme il a réussi à le faire avec les 86 400 secondes de la journée, se subdiviser, se démultiplier, se … cloner ? La grande illusion ! Car cela lui prendra toujours le même temps de nouer ses lacets, de prendre une douche, de se plonger dans un livre, de faire la cuisine, d’aller voir un film, de faire des longueurs, de dormir parfois, de voir ses amis, de rêver… Et, même si je passe mon temps à pester contre le temps qui passe trop vite, qui file entre les doigts comme le sable blanc ultra fin de Jervis Bay en Australie, je suis partiellement soulagée que l’homme ait des limites. Mais, jusqu’à quand ?

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Cinq minutes après le décollage pour la première plongée, autant avant l’atterrissage pour la seconde… Mer d’huile et terres artificielles contre océan de verdure et tapis de colza. Comme ces deux mondes semblent littéralement aux antipodes l’un de l’autre ! Un monde totalement nouveau, sortant tout droit des dunes du désert imbibé d’or noir, certes encore embryonnaire mais suffisamment avancé pour laisser filtrer sa folie des grandeurs, sa démesure, son inaccessibilité… D’en haut, un vaste chantier que l’on imagine aisément contre-nature et en même temps, fascinant. Face à cet animal étrange à l’appendice pustulaire mais probablement réservé aux hyper-nantis, impossible pour nos mignonnes petites maisons aux toits pentus de brique rouge, toutes collées les unes aux autres pour mieux se tenir chaud et entourées d’une forêt combattive mais sans cesse grignotée, de ne pas prendre un sacré coup de vieux… Le voyage a beau être géographique, curieusement, il revêt aussi les atours d’un voyage dans le temps. Sommes-nous déjà le passé de ce monde à venir ?

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