Photo-graphies et un peu plus…

C’est un jour à extraire un passage d’« Etats d’âme sur le macadam », cet ensemble de textes griffonnés à l’aube du 21e siècle sur mes inséparables petits carnets… On est presque synchrone dans le temps, en tout cas, dans la météo (ouf !). Et étrangement, je n’ai pas trouvé d’image du Canal Saint-Martin, dont il est partiellement question ci-dessous, dans mes archives numériques, plus jeunes que leurs ancêtres argentiques non numérisées (mais où est encore passé mon clone scanneur ?)… D’où la pirouette ci-dessus. Car, tout est souvent une question de temps…

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Et voilà le joli mois de mai en début de parcours, ensoleillé et chaleureux… Le week-end a passé vite, comme chaque autre jour de la semaine, et du mois, d’ailleurs. Une partie du Canal Saint-Martin est vidée de son eau et le béton a remplacé les pavés. Un des pêcheurs du Canal de l’Ourcq m’a dit que les pavés laissaient libre cours aux infiltrations d’eau, d’où quelques inondations dans les caves et parkings… On comprend aisément le mécontentement des propriétaires. Canal au tirant d’eau de trois mètres asséché… Les péniches sont stoppées aux écluses. Y a-t-il encore des bateaux qui naviguent ? L’intérêt des traversées est d’aller jusqu’à La Villette. Avec ce canal vide, des images cinématographiques de courses poursuites infernales remontent à la surface ; mais celui-ci n’est encombré que par les Manitoo, les blocs de béton et les armatures métalliques. C’est bien moins spectaculaire, mais plus réaliste.

Les abords du Canal de l’Ourcq sont envahis ; la chaleur et le soleil y sont pour beaucoup. A pieds, à vélo ou en patin, la foule se presse. Certains se prélassent, allongés à quelques centimètres du bord de l’eau verdâtre, absorbant tous les rayons solaires qui s’offrent à eux. La promenade est agréable. Le canal étant fermé, il n’y a plus de courant, à peine quelques ridules. Ici, une affiche : « bateaux à louer ». En voilà un qui zigzague sur ces eaux poissonneuses, mené par un gamin en gilet orange dont les parents se cramponnent à côté. Une barque n’est pas très loin.

C’est l’agitation sur les terrains de sport, des cris retentissent. Quartier de week-end, vie des jours ensoleillés. De l’autre côté, le cinéma Mk2, face au canal, et deux café-terrasse occupent un ancien entrepôt de briques et de verre. D’ici, tables et chaises semblent assiégées. Un tour sur l’autre rive le confirmera. Il y a cette péniche, aussi, amarrée au quai sur laquelle prennent place spectacles et concerts ; une pancarte annonce la prochaine manifestation : un quatuor à cordes. Un peu plus loin, sur la terre ferme, un théâtre ; son architecture en bois brun lui donne des allures de chalet. Le pont se rabat. Les voitures passent, et les piétons. Une petite fille s’est créé une canne à pêche avec une branche d’arbre, au bout de laquelle pend de la bande magnétique de K7 audio, lestée par un bouchon en plastique : les prises sont maigres voire inexistantes. Ce qui n’est pas le cas pour Grandes Oreilles et son voisin, Anonyme. C’est lui qui m’a expliqué pour le canal. Il a deux poissons dans son filet : une truite de 23 (cm) et un autre, au nom oublié. « Tous les gens qui ont mangé les poissons pêchés ici n’ont jamais rien eu. » Pourtant, l’eau laisse à désirer. « Mais, aujourd’hui, à La Villette, ils ont tondu les pelouses ; et c’est plus facile de jeter l’herbe dans le canal plutôt que de se baisser ! » D’où la verdure ambulante. Sa canne est très longue ; il a un tatouage sur le bras gauche ; une petite chaise et une mallette. A coup sûr, un habitué. Comme son voisin Grandes Oreilles qui flaire toujours les prises. Les poissons ? « Il y a de tout ici : la truite, le brochet, la carpe, l’anguille, la tanche… mais il ne faut pas manger les poissons de plus de trois kilos. Trop d’arêtes ! » Quelques poissons viennent du bassin des Buttes-Chaumont et se retrouvent ici après un périple dans les souterrains lacustres de la ville. « Le jour où il n’y aura plus d’oxygène, ils viendront avec les bonbonnes d’air. Ils l’ont déjà fait une fois, à cause de la pollution due à la sucrerie, plus haut, là-bas » tout en montrant du doigt, l’usine derrière La Villette. Il y avait des poissons à la surface. L’air supplémentaire ? A cause du canal bloqué, le courant fait défaut… Un pêcheur arrive. « J’ai eu ma truite. » « Moi aussi. » « Oui mais moi, avant toi ! » Eclipse… « Bon appétit. » « Bonne journée. » L’après-midi se termine et le soleil, comme la chaleur, sont toujours là.

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Voir un arc-en-ciel – même si cela signifie qu’il a plu récemment, manifestation céleste pas toujours appréciée à sa juste valeur, mais heureusement, comme on dit, « après la pluie, le beau temps » d’où justement de potentiels arcs-en-ciel -, donc, voir un arc-en-ciel est toujours un bonheur pour les yeux – ces couleurs dans le ciel ! -, un ravissement pour les sens – quelle magique apparition ! – et un catalyseur pour l’imagination – il y a un trésor là où il se pose à terre… A fortiori, voir un double arc-en-ciel, phénomène relativement rare mais totalement explicable – il s’agit d’une « double réflexion de la lumière du soleil à l’intérieur des gouttes de pluie » -, double bonheur, ravissement et catalyse…

L’émerveillement passé, la raison reprenant la majorité, plusieurs détails sautent aux yeux : le gris du ciel sous le premier arc est différent de celui qu’il y a entre les deux arcs, plus sombre, et encore de celui qui l’occupe au-delà de l’arc secondaire dont l’ordre des couleurs est, par ailleurs, inversé, ce qui semble logique puisqu’il s’agit d’une réflexion d’une réflexion, une méta-réflexion en quelque sorte. Mais revenons aux raisons de ce dégradé grisâtre, car évidemment, le monde s’interroge… Cette bande intermédiaire, inter-arc, porte le nom à la fois clair et énigmatique de « bande sombre d’Alexandre ». Bande sombre car, comme chacun peut le voir, la bande est plus sombre que le reste. Alexandre car prénom du Monsieur d’Aphrodisias – aucun lien de parenté avec les substances que l’on imagine en lisant ce nom -, philosophe péripatéticien de son état – qui, bizarrement, n’est pas le pendant masculin de ce que signifie le mot au féminin – qui l’a observée le premier… Or, en ces temps immémoriaux, un peu avant 200 donc, il y avait encore une telle kyrielle de choses à découvrir qu’être le premier observateur d’un phénomène lui faisait prendre automatiquement son nom.

Mais pourquoi cette différence de teinte ? Encore une histoire de réflexion qui ne passera pas sans quelques chiffres… Et pour comprendre, il me faut briser la magie de l’arc-en-ciel, ce dont je m’excuse par avance : la lumière qui traverse une goutte d’eau est déviée de 40°-42° vers l’arrière après une première réfraction, une réflexion, puis une seconde réfraction qui la fait sortir de la goutte ; quand il y a un second arc, c’est qu’il y a eu une réflexion de plus dans la goutte – quelle penseuse ! – et l’angle total de déviation à la sortie est de 50°-52°. Aucun rayon lumineux ne s’échappe donc d’une goute d’eau entre ces deux angles – 40° et 50° – d’où cette perception de bande plus sombre entre les deux arcs. CQFD.

Reste un mystère persistant après même la disparition de l’arc-en-ciel : même si on le croit proche, même si on se met en quête de l’atteindre pour vérifier cette légende de pirate, il nous sera toujours impossible de passer dessous. L’arc-en-ciel demeure un rêve éveillé inaccessible…

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Dans quelques semaines, nous allons tous, plus ou moins, devoir répondre à cette simple et anodine question, enfin d’apparence simple et anodine…

– Alors, c’était bien tes vacances ?

Il ne faut pas se leurrer, certains d’entre nous répondront, un brin amer :

– Tu parles, on a eu un temps pourri ! Il a plu pendant les 3/4 du séjour !

– Ah oui, c’est dommage…

– Ouais, j’ai 3 semaines de vacances par an, c’est pas pour les passer sous la pluie ! Au final, je suis aussi crevé qu’avant de partir !

Comme si une entité supérieure devait savoir que Robert est en vacances pour 3 semaines et de fait, régler le bouton météo sur « grand beau fixe » pendant toute la période. Car des vacances sous la pluie, c’est sûr, c’est gâché. On se dit que l’on aurait mieux fait de rester chez soi. La pluie pendant les vacances, ça sape l’ambiance. D’abord, on pense que c’est passager, on le prend bien, on sort les jeux de société – ça faisait longtemps que je n’avais pas joué au Monopoly tiens, on devrait faire ça plus souvent (ouais, ouais, ne rigole pas trop avec ça)…. Et quand le passager s’installe, la tension commence à monter… On râle – j’en ai marre de ce jeu, c’est nul ! Je veux sortir ! -, on finit par en vouloir à tout le monde – range tes affaires, ça traîne partout, on ne peut plus passer dans cette chambre ! -, en particulier à ceux qui nous accompagnent – bon, bah, qu’est ce qu’on fait, y a pas un endroit où il fait beau dans ce pays ? t’as regardé dans le guide où il y avait des microclimats ? -, en oubliant qu’ils n’ont pas la météocommande non plus, jusqu’à accuser toutes ces industries qui polluent et qui sont évidemment responsables du dérèglement climatique. Total, la pluie pendant les vacances, c’est la plaie.

– Tu étais où déjà ?

– En Bretagne…

Mais non, c’est une blague, tout le monde sait qu’en Bretagne, il ne pleut jamais, ou alors que sur les parisiens ou, comme le dit le dicton, sur les cons, ce qui, pour certains, revient un peu au même… Robert, il était à Lisbonne.

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Vancouver me fait parfois penser à un enfant ou un animal (de compagnie) – non, je ne mets pas les deux au même niveau – qui ferait une bêtise digne de mériter une sévère punition, qui en serait conscient et qui, suffisamment intelligent, saurait aussi, d’une élégante pirouette – une moue adorable, une parole incongrue, un câlin irrésistible – renvoyer toute tentative d’autorité du dit adulte ou maître aux oubliettes.

Mais quelle bêtise a bien pu faire Vancouver ? La ville a volé la pluie des autres, convoqué un gigantesque pow-wow de nuages de tous horizons au dessus de sa tête, et leur a intimé l’ordre de se presser un peu. Alors que certains paradent sous 30°C depuis des mois pour le meilleur (le plein de vitamine D pour des années) et pour le pire (la sécheresse fatale aux agriculteurs) invoquant les faiseurs de pluie les plus reconnus, projetant d’utiliser quelques pétards pour donner une telle frousse aux cumulonimbus qu’ils en fassent pluie-pluie, nous devons supporter les abus de pouvoir de cette ville.

Elle sait que quiconque en foule le sol en tombe littéralement amoureux, que la pluie – un peu trop récurrente – fait douter ses habitants quant à leur capacité à la supporter à long terme, alors, quand, elle nous sert un crachin dès le petit déjeuner ou, des trombes d’eau au dessert agrémenté d’une sauce de grêle pendant deux bonnes heures, elle sait qu’il suffit de quelques rayons de soleil bien sentis pour réconcilier tout le monde et provoquer une amnésie générale.

Evidemment, le tort, en ces circonstances chaleureuses, serait de croire que la chose est acquise. Que c’en est fini de la pluie pour la journée. Et c’est d’ailleurs sur l’un de ces troncs bancs disséminés régulièrement sur les plages que j’ai écrit les mots qui précèdent. Et pourtant, après deux heures de répit, des gros nuages gris sont venus assombrir le ciel, et le doute s’est à nouveau emparé des esprits. Cela a commencé gentiment par de grosses gouttes de pluie entre lesquelles il était possible de passer, et puis, petit à petit, le rythme s’est accéléré, la taille des gouttes s’est réduite et la pluie a mouillé tous ceux qui étaient sortis pour profiter du soleil. Et à nouveau, Vancouver s’en sort à merveille : le spectacle de ces gouttes jouant au tam tam sur la surface de l’eau, de la montagne disparaissant dans le grain, de ces rayons de soleil réussissant à percer et de ces amateurs de paddle surpris par l’assaut aqueux est magnifique… Et la ville, en pleine forme, pousse même le vice jusqu’à tenter quelques notes d’humour : sur le chemin du séchoir, alors que je dégouline de partout, je tombe nez à nez sur une affiche de concert : des places à vendre pour Supertramp !! Et, pour parfaire le tableau, je n’ai plus de batterie et ne peux donc capturer ce qui aurait pu être l’image de fin. Et hop, une « petite » PPF… Allez, Vancouver est vraiment une ville très très agréable à vivre !

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La météo et la politique sont deux sujets que l’on peut sortir de son bonnet lorsque le blanc s’installe dans une conversation à plusieurs, à tel point qu’il en devient gênant. Plus rien à se dire. Chacun se tortille intérieurement pour trouver le sujet qui relancera l’échange, tout en essayant de repousser au maximum le joker météo (on le garde en dernier recours, car il marche à tous les coups). La thématique politique est tout aussi efficace, encore plus lorsque les avis des personnes en présence divergent. Dans un tel cas, votre soirée, que vous pensiez ratée, est sauvée, mais pas forcément l’amitié qui vous unissait à vos voisins de table ! De fait, la météo est bien plus consensuelle. Evidemment, l’on pourrait aussi imaginer quelque chose du genre :

A : Ah non, je ne suis absolument pas d’accord avec toi ! Cette pluie était totalement malvenue !

B : Mais tu racontes n’importe quoi, une fois de plus. Si tu voyais un peu plus loin que ta petite personne, tu verrais, que comme nous tous autour de cette table, cette pluie est, en vérité, la meilleure solution pour tous dans la situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons !

C : Euh, moi, je ne pense pas ça non plus…

B : Comment ? T’es avec lui alors ? Vous êtes vraiment tous des égoïstes ! Vous n’avez rien compris ! Donc, encore une fois, ça devient lassant à la fin, je vous explique…

C : Bah non, je ne pense pas comme lui non plus !

B : Et ben voyons ! Alors, quel est ton avis sur cette pluie ?

C : Je n’en ai pas. Je m’en moque totalement de cette pluie ! J’ai autre chose à penser dans ma vie !

B : Je n’y crois pas ! Il y a des hommes et des femmes qui se sont battus des années pour que nous ayons le droit de dire ce que nous pensons sur la pluie, et toi, comme ça, tu t’en moques totalement ? Pfff… Je ne sais pas ce que je fais là, vraiment…

Bon, ce serait amusant… Du coup, je me sens obligée de parler météo. Non parce que je n’ai rien à écrire (loin de là), ni pour lancer une nouvelle polémique, mais parce que c’est de circonstance. Il neige. Sans discontinu depuis plusieurs heures. Des flocons magnifiques qui brillent comme des diamants que je ne convoite pas ; qui, propulsés par le vent, scintillent comme des étoiles filantes. Montréal essuie, en ce moment même, sa première petite tempête de neige. C’est-à-dire qu’il n’y a que 50 cm de neige dans les rues. Dans un tel pays, la discussion météo a probablement un vrai rôle social. Dans un pays où à 00h34, des voisins raclent la neige sur leur terrasse, elle n’est sûrement pas un sujet pour combler la neige, euh, les blancs, mais un sujet en soi, de partage d’un rendez-vous annuel à la fois magique et sûrement éprouvant aussi ! Enfin, nous verrons de quoi nous parlerons demain…

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Le train-train quotidien n’a-t-il pas une toute autre saveur lorsque le ciel est bleu, que le soleil chauffe déjà depuis longtemps à l’heure où le réveil sonne et que les hirondelles en sont aux essais de moteurs zélés (ah ah) pour les 24h du Mans locales ? Les fenêtres sont grandes ouvertes, chacun hésite entre telle chemise verte à manche courte et telle jupe bleue légère, se dit qu’il serait grand temps d’acheter des nus pieds (en déplaise à nos chaussures rouges à tous), car cette fois-ci, c’est sûr, l’été s’installe pour de bon…

Le beau temps fait passer presque toutes les tracasseries habituelles, celles qui auraient énervé un jour de pluie, comme si chacun se mettait dans une bulle de tolérance inédite. Nous voilà donc très météo-dépendants, ce qui n’est pas nouveau et même un phénomène très connu des habitants des pays scandinaves et du grand nord en général où les jours s’allongent à faire disparaître la nuit, et inversement. Aujourd’hui, nous allons tous dire : « C’est super ce beau temps ! », « ça fait du bien après cet hiver qui n’en finissait pas ! », « et ce week-end, c’est pareil ! C’est vraiment l’été cette fois-ci »… Aujourd’hui, nous allons peut-être « se faire une terrasse », ou « se faire un pique-nique » sur les quais de Seine en fin de journée comme tous ceux qui se seront dit ça le matin en pensant qu’ils seraient seuls à y avoir pensé. Mais ce n’est pas grave ! Aujourd’hui, il fait beau, tout le monde accepte de tourner un peu pour trouver sa place… au soleil.

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