Photo-graphies et un peu plus…

Surfeur averti ou causeur au long cours, il vous est sûrement déjà arrivé de devoir joindre la hotline de votre fournisseur d’accès à internet ou de votre opérateur téléphonique pour une raison quelconque. Au terme d’un rapide et méthodique jeu de questions/réponses destiné à isoler l’objet de votre appel en vous faisant appuyer sur les touches 1, 2 ou 3, un être humain entre généralement en contact avec vous et souvent, de façon très cordiale. Il vous précise d’emblée que votre échange peut être enregistré avant de vérifier que vous êtes bien celle ou celui que vous prétendez être. Ceci étant fait, votre congénère absorbe vos jérémiades (on appelle souvent pour se plaindre, non ? ; personnellement, je n’ai jamais vu qui que ce soit contacter son opérateur pour lui dire : « C’est super, tout fonctionne à merveille, je tenais à vous le dire, merci beaucoup ! ») avant de dérouler machinalement mais toujours très poliment la procédure prévue dans ces circonstances. Tant pis si vos réponses ne rentrent pas dans les cases. Au bout de quelques minutes si vous avez de la chance, il résout votre problème. Vous l’embrasseriez presque (cette pulsion de communication constante bouscule complètement nos repères !). Vous le remerciez chaudement, lui souhaitez une bonne journée, vœu qu’il vous retourne dans la foulée. Vous y croyez un peu même si c’est sans doute là la dernière ligne de leur script. Vous êtes un client satisfait et c’est ce après quoi courent toutes les entreprises aujourd’hui car un client satisfait est client fidèle, un peu comme les chiens.

Le lendemain, voire le surlendemain, en tout cas jamais très longtemps après votre interaction d’être humain à être humain, on vous téléphone. Une voix de synthèse, féminine, vous rappelle que vous avez récemment contacté le service client et vous « demande » si vous accepteriez de répondre à quelques questions, ce qui ne prendra pas plus de 2 minutes (« on » sait que votre temps est compté). Evidemment, la notion de « demande » est un peu biaisée puisque personne ne vous parle vraiment et qu’il vous suffit de raccrocher pour refuser cette mini-enquête sans paraître impoli pour autant. De loin, tout semble normal. En se rapprochant un peu, il y a quand même quelque chose d’étrange… Cette mesure de satisfaction est entièrement mécanique. En d’autres termes, « on » demande à des robots de juger le travail réalisé par des êtres humains… N’est-ce pas curieux ? Et alors que les laboratoires de robotique s’escriment à rendre leurs machines les plus « humaines » possibles, en évitant soigneusement de tomber en panne sèche dans la Vallée de l’étrange (j’y reviendrai un jour) et en les dotant d’une sorte d’indépendance de « pensée », les êtres humains doivent, dans le même temps, suivre des schémas de plus en plus systématiques et prédéfinis face à des situations elles aussi anticipées. Un inversement de casting bien moins anodin qu’il n’y paraît, non ?

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On la connaît tous, cette petite phrase, pour l’avoir soi-même prononcée ou se l’être entendue dire. Une façon diplomatique d’avouer que l’on aime pas spécialement (ce mot est important) ce qu’une personne, que l’on n’a pas envie de froisser, est en train de nous montrer avec un enthousiasme non feint. Ceci dit, la personne en question, qui use du même stratagème de temps à autre, n’est pas dupe et répond souvent par un « Tu n’aimes pas, c’est ça ? ». Deux solutions se présentent alors à nous : assumer effectivement ce que l’on pense vraiment au risque de vexer celle que l’on voulait épargner et qui voudra forcément savoir pourquoi l’on aime pas, ce à quoi vous serez obligé de répondre, tout en étant bien incapable de cacher que vous trouvez cette table basse vitrée montée sur une roue de chariot absolument immonde (cela parlera peut-être à certains fans de Billy Cristal), ou, s’enfoncer dans la parade en tentant de limiter la casse. Le plus sain est qu’après un « à chacun ses goûts », celui qui le reçoit ne poursuive pas.

Ce n’est pas ce qu’ont décidé de faire les habitants de cette place du Bari Gottic barcelonais, qui, à chaque fois qu’ils ouvrent leur fenêtre, tombent nez à nez avec cet artefact immense de grillage fuselé comme un aéronef prêt à s’envoler, ce qu’ils aimeraient probablement… Et ils sont plusieurs à protester via des affiches accrochées… aux grilles de leurs balcons et clamant « No a l’escultura ». La bête a en effet de quoi désarçonner et questionner celui qui s’approche du lieu. Ce qui est aussi le rôle de l’art. Enfin, de l’Art. Et il n’y a pas de faute de goût dans l’Art. Juste des gens qui ne peuvent pas comprendre la portée d’une telle œuvre. Evidemment, tous les matins, tous les soirs devant soi, de façon très pragmatique, c’est autre chose. Voilà donc ce que je suggère aux mécontents : qu’ils fassent pousser des plantes grimpantes le long de ces fils de fer qui feront d’excellents tuteurs, et, ainsi, obtiendront-ils, au bout de quelques mois, une agréable canopée sous laquelle ils auront plaisir à se reposer et où viendront se nicher quelques perruches vertes… Pourquoi pas ? Il en faut pour tous les goûts !

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