Photo-graphies et un peu plus…

Les juxtapositions savoureuses # 1

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...lovers left alive

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Lorsque vous habitez Paris, que vous aimez le cinéma et que, vous avez la chance d’avoir des amis, l’envie de se faire une toile ensemble – somme toute, assez légitime – existe. Sauf que, plutôt que de vous inciter à vous jeter sur le programme de la semaine, cette envie lance un court interrogatoire…

– Tu as la carte ?

Je traduis : As-tu un abonnement mensuel à un cinéma ?

Vous avez le choix de répondre entre « oui » ou « non ». Jusque là, c’est facile. Le « non », pour une fois, facilite la suite de la soirée. Car, dans ce cas, vous êtes libre, n’avez aucune attache et n’avez juré fidélité à aucune salle obscure-jusqu’à-ce-que-la-mort-vous-sépare. Sourire de satisfaction du questionneur même si lui-même, non encarté. Là réside toute la subtilité de la question initiale. Evidemment, vous me voyez venir, il se peut également que vous répondiez « oui » à cette question. Une réponse qui entraîne une deuxième question :

– UGC ou Gaumont ?

Je traduis : Tu as le pass UGC-Mk2 ou le pass Gaumont-Pathé ?

C’est une question qui devrait presque faire son apparition dans les profils déposés sur les sites de rencontre tant cela conditionne la suite… Si les deux parties ont le même pass, tout va bien dans le meilleur des mondes et vous pouvez ouvrir le programme en quête de la séance idéale. Ceci dit, une fois sur place, dans la salle, l’un se retournera forcément vers l’autre pour lui demander :

– Devant ou derrière ?

Je traduis : tu préfères t’asseoir aux premiers rangs ou tout au fond ?

Le milieu peut s’avérer un bon compromis…

Maintenant, abordons le cas le plus complexe. Les deux parties ont des cartes différentes. Et là, c’est plutôt le drame…

– T’es Gaumont ?

– Et oui ! Il n’y a que ça autour de chez moi…

Car on a l’impression qu’il faut toujours se justifier quand on a des cartes différentes.

– Oui mais quand même, Mk2, c’est mieux !

– J’étais Gaumont-Mk2 avant que je ne déménage…

Je traduis car il y a trop d’informations d’un coup. Quand les pass sont nés, Gaumont et Mk2 se sont unis l’un à l’autre. Pour le meilleur et pour le pire. De telle sorte qu’il y avait une sorte de Pass à caution cinéphile ou presque, et un autre – UGC donc – à tendance bourrin car programmation plus massivement tournée vers le blockbuster. A cette époque, lorsque vous posiez la question : UGC ou Mk2 ?, selon la réponse, vous saviez donc tout de suite à quel cinéphage vous aviez à faire. Aujourd’hui, les cartes sont brouillées. Comme un couple sur deux à Paris, le duo Gaumont-Mk2 a donc divorcé. Pour une vulgaire question immobilière, l’un voulant le cinéma que l’autre convoitait. Comme quoi, les principes de bases du mariage n’avaient pas été réellement compris. Bref, cette lutte de pouvoir a fait des orphelins et imposé des choix difficiles.

Voici les faits : vous souhaitez aller au cinéma avec vos amis mais vous avez des pass différents. Là s’arrête, non pas votre amitié, mais, plus sobrement, votre tentative de ciné collective. Car personne ne voudra payer sa place de cinéma au prix fort alors qu’il a déjà un pass mensuel.

– Bon, et bien, tant pis, nous n’irons pas au ciné ensemble…

Mais c’est sans compter sur les plus prévoyants qui sortiront de leur chapeau la liste des cinémas prenant les deux cartes. Car ils existent ! Et même si leur motivation est probablement financière, histoire de ne pas se couper de clients n’ayant pas envie de débourser plus en bonheur immatériel, ils ne réalisent peut-être pas à quel point ils sont aussi des réconciliateurs, des garants de la pérennité des sorties amicales, tous bords confondus…

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Une amie m’a récemment offert un livre en forme de colle. Cela aurait pu faire l’objet d’un duo amusant sur la difficulté de compulser un ouvrage aux feuilles soudées les unes aux autres, mais ce sera pour une autre fois. C’est « colle » au sens de question à laquelle on ne trouve pas spontanément de réponse, voire pas de réponse du tout. Le livre ? Ils ne sont pour rien dans mes larmes d’Olivia Rosenthal. Une petite compilation de récits assez intimes de personnes racontant quel film a changé leur vie et en quoi. Un présent totalement approprié pour qui aime le 7e art, ce qui est mon cas, sans être pour autant une cinéphile de la ligne pure ou une cinéphage compulsive… En ouvrant le paquet, je découvre la question qu’elle me pose, directement, sur la page de garde, par mine de charbon interposée : « Et toi, quel film a changé ta vie ? ».

Comme si on me demandait combien font 8 et 13, je cherche à répondre le plus rapidement possible. Après tout, j’ai vu des centaines et des centaines de films, cela ne devrait pas me poser de problèmes. Mais rien, absolument rien ne parvient à ma conscience de façon instantanée. Bien consciente, en revanche, que cela ne va pas être le cas dans les prochaines minutes, je pose le petit ouvrage sur une table et mets la question dans un coin de ma tête pour qu’elle y murisse et éventuellement – idéalement même – trouve sa réponse. Le lendemain, je l’embarque pour en faire mon compagnon temporaire de transportée urbaine. En lisant ces récits tous touchants, ma petit voix intérieure ne se lasse pas de m’envoyer la question en plein écran. Et toi, alors, quel film a changé ta vie ? A la lecture, je réalise, non sans un certain soulagement, que la véritable question à laquelle ils répondent est plutôt, ou plutôt, plus souvent : quel film t’a profondément marqué(e) ? Evidemment, un événement marquant a forcément un impact sur la vie, aussi minime soit-il, mais, par ce faux glissement sémantique, voilà que je trouve ma réponse en quelques secondes. Une réponse évidente.

Mais c’est un peu particulier. Il ne s’agit pas d’une fiction mais d’un documentaire. Et je ne l’ai pas vu dans un cinéma, dont l’obscurité salutaire aide à masquer nos émotions intimes, mais dans une sorte de salle des fêtes sise au cœur d’un village vacances pour familles où je faisais des ateliers de sensibilisation à l’image (fixe). Ce sont ceux de l’équipe vidéo qui voulaient projeter Nouvel ordre mondial de Philippe Diaz à l’assemblée mais qui souhaitaient, au préalable, avoir l’assentiment des autres animateurs ainsi que des maîtres des lieu avant de l’inscrire au programme des projections de la semaine. Mille précautions avaient, de fait, été prises avant de lancer la projection privée. En substance, « ce film est d’une extrême violence. Si tu ne veux pas le voir, il n’y a aucun problème ». Je n’aime pas les films violents, a fortiori la violence documentaire, mais donner mon avis sur ce film avant qu’il ne soit montré à une plus large audience me semblait faire partie de mes attributions. La vocation de notre équipe était en effet de démythifier un peu le monde des médias et de l’information, pour aiguiser le sens critique des vacanciers, tous âges confondus.

Je reste. Nous sommes une petite douzaine peut-être. Un peu éparpillés dans la salle. Peut-être en anticipation du malaise à venir et de la bulle dans laquelle nous allons bientôt nous enfoncer. La porte est fermée, le bouton « lecture » actionné. Ecrire aujourd’hui que je me souviens de tout dans les moindres détails serait mensonger. Et malgré les avertissements, je ne vois pas comment un être normalement constitué aurait pu être préparé à une telle barbarie. Le réalisateur filme l’horreur de la guerre de façon brute, sans filtre. La torture, les amputations, les exécutions à bout portant, les mutilations… Là, en pleine face, le sang qui gicle, les corps qui tombent, les têtes qui explosent, les cadavres qui s’entassent. Là, comme ça, par une chaude après-midi d’été en bord de mer, bercée par l’insouciance d’une vie qui va bien. Corps à corps à l’issue connue d’avance. Elimination systématique et impitoyable de l’ennemi, femme, enfant, vieillard… Là où les soldats du monde moderne se tuent de loin grâce à des armes ultra-perfectionnées sans, peut-être, réaliser qu’ils ôtent la vie, au Sierra Leone, malgré les armes vendues par les Occidentaux, on s’assassine à la machette. En tenant le corps de l’autre, qui n’est pourtant qu’un autre que soi. On sait que l’on tue, on le sent, on le voit. Voir à quelle folie la haine de l’autre peut conduire est tétanisant. Cet autre qui a perdu son statut d’être humain et qui, à ce titre, est traité de façon inhumaine. Au-delà de la violence insoutenable de ces images macabres, c’est bien cette insensibilité, cette inhumanité des hommes, leur détachement qui fait tressaillir, qui bouscule, qui secoue. Plus les minutes passent, plus la sensation de froid autour de moi augmente, plus je me tasse sur ma chaise, plus j’ai la nausée, plus j’ai du mal à respirer, plus mon regard s’égare, plus la confusion règne. A cette époque, je ne vis plus dans un monde utopique depuis quelques années, mais la confrontation avec cette réalité-là n’en constitue pas moins une expulsion manu militari d’un univers où elle n’a que peu de place, voire pas du tout. La démonstration par l’auteur, certes maladroite, du rôle des organisations internationales bien pensantes dans ce massacre ne fait que charger le trouble profond, le dégoût viscéral, l’incompréhension totale.

Le film s’achève. Chacun garde le silence. On ose à peine se regarder. De l’air. Les jambes coupées, je peine à m’extraire de la salle. La porte s’ouvre. La lumière entre. Je me sens lourde, je titube, sonnée par ce défilé d’images auquel je suis incapable de donner un sens. Je sors de la pièce. Je ne décide pas où je vais mais mes jambes me conduisent vers la sortie. Je m’extrais de l’enclave. Je prends à droite, me retrouve sur le bas-côté de la route départementale. J’aurais pu tourner à gauche. Je ne sais pas où je vais, je ne vais nulle part, je ne suis capable que d’une chose : marcher, bouger, avancer, mettre un pied devant l’autre, mécaniquement, comme si le mouvement allait m’expliquer. Le pourquoi, le comment et tout le reste. Mais l’inexplicable ne s’explique pas. Comme ça, la tête totalement vidée et pleine de questions, je marche. En silence. Des voitures passent à quelques mètres, je les entends à peine. Pendant 15 minutes. Puis, j’entends battre mon cœur. J’aspire de plus en plus d’air. Je perçois à nouveau le vent dans les feuilles, sens la chaleur du soleil sur mon bras, vois les voitures… Je m’arrête et rebrousse chemin. Avec une pensée, étrange a posteriori, lâche peut-être : je ne peux pas. Je ne peux pas créer en sachant, en ayant pleinement conscience, en étant témoin, en voyant, ce dont est capable l’homme pour détruire ses semblables. Car alors, aucune création, aussi modeste soit-elle, ne pourra me faire oublier cette ignominie. Aucune création ne pourra plus se faire l’écho de mon optimisme, certes naïf, car ce dernier aura perdu tout son éclat. Or, c’est vers cette moitié du verre là que je veux continuer à regarder l’avenir et grâce à elle que je peux donner un sens à la vie, en tout cas, à la mienne…

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Chercher un lieu dont on ne connaît pas l’adresse n’est pas le moyen le plus simple pour le trouver. Ce n’est pas impossible pour autant moyennant une petite dose de chance et une pincée de sens de l’orientation. Evidemment, lorsqu’il s’agit de retrouver un quartier où a été tourné un film que l’on affectionne particulièrement, cela peut se corser pour au moins une raison : ce que l’on nous montre comme étant une unité de lieu authentique à l’écran peut n’être qu’un décor de cinéma, certes très réaliste mais faux, donc trompeur… Or, chercher un lieu qui n’existe pas relève d’une démarche totalement différente, et à vrai dire, hors sujet à cet instant précis.

Prenons un exemple concret. Coup de foudre à Notting Hill, ou simplement, Notting Hill en version originale. Oui, oui, j’ai un faible pour les comédies romantiques, les bien dégoulinantes qui se terminent en chaudes larmes de bonheur et de bons sentiments après quelques nécessaires orages. Dans ce cas, les créateurs du film ont été gentils avec le public puisqu’ils ont indiqué, dans le titre même, où se situait l’intrigue. Notting Hill, un quartier plutôt bohème et bourgeois situé sur une colline de Londres avec ses maisons colorées, ses jardins, ses boutiques de vinyles et de tissus, son festival et son marché bio. Il n’y a pas de doute, les caméras ont vraiment traîné dans le coin. Et Hugh Grant d’apparaître avec ses lunettes de plongée au cinéma aux côtés d’une Julia Roberts qui avait peut-être plus de rides qu’aujourd’hui… Comme quoi, le temps ne va pas dans le même sens pour tout le monde.

Question suivante : quid de la librairie de William, alias Hugh ? En voyant dépasser ce bleu azur de la toile du stand, en découvrant la typographie utilisée pour l’affiche du film, on se dit qu’on touche au but. Certaines en sont d’ailleurs persuadées et se laissent aller à quelques singeries pour immortaliser la rencontre devant cette ex-librairie devenue une banale boutique de chaussures. Sales en plus ! C’est un peu trop facile pour être vrai… La façade a récemment bénéficié d’une cure de jouvence ; par ailleurs, la librairie ne portait pas le nom du film, a fortiori, ne copiait pas non plus son identité visuelle. Il semblerait que nous soyons donc face à une supercherie, à une basse manipulation d’âmes sensibles en quête de lieux de pèlerinage ! Ouh, ouh ! Finalement, en croisant différentes sources, il semblerait que ce soit un peu plus complexe car c’est bien là qu’ont été tournées les séquences dans la librairie qui n’était pas une librairie à l’époque. Et c’est d’ailleurs une librairie toute proche – The Travel Bookstore – qui a servi de modèle pour créer cette librairie temporaire. Quelques années après, les derniers propriétaires ont tout simplement compris l’intérêt à donner vie aux rêves des touristes du 7e art, n’hésitant pas à faire comme les magiciens de l’image : un vrai décor de cinéma.

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L’obscurité n’est plus ce qu’elle était… Il y a quelques années, lorsque le noir se faisait dans une salle de cinéma – dite « salle obscure » -, de concert ou de spectacle, il n’y avait que le bloc parallélépipédique « Sortie de secours » pour lancer sa faible lumière, repérable de tous. Le monde a changé. Aujourd’hui, il y a les portables. Les téléphones d’abord, aux écrans à taille variable, rétro-éclairés dans des couleurs elles aussi variées. S’y ajoutent les livres numériques puis, depuis peu, les tablettes, aux formes plus généreuses et, a fortiori, un peu plus lumineuses. Quelques ordinateurs portables complètent ce tableau digital en perpétuelle évolution, tout en restant très minoritaires. Ainsi, quand le régisseur lumière appuie sur l’interrupteur, signifiant à l’assemblée que le spectacle-le film-le concert va débuter et, de façon délicate, qu’il est donc temps de s’asseoir et de se taire, telles des lucioles flottant dans l’air, toutes ces magnifiques petites machines continuent de briller. Soit parce que leurs propriétaires ont du mal à couper le cordon et attendent la dernière microseconde pour, non pas éteindre, mais mettre en veille leur opium binaire – sait-on jamais, il pourrait se passer quelque chose d’hyper important pendant les deux heures suivantes – ; soit parce que, à l’instar des Transformers, ils peuvent les utiliser pour photographier, enregistrer, filmer ce qui défile devant leurs yeux, ou plutôt, leurs écrans, ces nouvelles prothèses visuelles. Dans les deux cas, le charme est rompu même si ce parterre polychrome n’en est pas dénué…

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Pourquoi cette manie de vouloir ressortir tous les grands succès passés du cinéma en 3D – Star Wars et Titanic arrivent sur les toiles à grands renforts de sabre laser traversant les écrans et d’iceberg s’échouant dans la salle – ? Et pourquoi essayer, en plus, de nous faire croire que ce sera merveilleux, ou plutôt « comme on ne l’a jamais vu ! » ? Peut-on réellement encore se faire envoûter par de tels arguments ?

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Il y a quelques semaines, la Mission Cinéma de la Ville de Paris était toute fière d’annoncer que le nombre de tournages dans la ville lumière avait encore augmenté en 2011. Avec 940 tournages, soit 3 707 jours cumulés, il a même cru de 40% en 6 ans ! Il y a quelques années, six peut-être, Woody Allen, adorateur manifeste et autoproclamé de New York mais aussi de Paris, avait décidé, à regrets, de se tourner vers d’autres pays européens où les taxes étaient moins élevées. La donne a donc vraisemblablement changé, ce qui l’a conduit à revenir en terrain connu pour son cru 2011, Minuit à Paris, entièrement filmé dans la capitale, ce qui n’est pas le cas de tous les films s’y déroulant.

Parmi les derniers films « parisiens », Sherlock Holmes 2 Jeu d’ombres où l’on peut découvrir une Avenue de l’Opéra telle nous – vivants du 21e siècle – ne l’avons jamais connue. Ou encore, Hugo Cabret, le dernier opus de Martin Scorcese, légère étrangeté dans sa sombre filmographie. Lui aussi nous montre un Paris, romantique mais plus charbonneux, où nous n’avons aucun repère. Ou presque. Dans les deux cas, Paris est plus reconstruite, numériquement évidemment, que réellement dévoilée. Or, toute reconstruction s’accompagne inévitablement d’approximations urbanistiques, de raccourcis, volontaires ou pas. Lorsque, dans la fable de Scorcese, Hugo admire la Tour Eiffel depuis le sommet d’une gare qui ressemble à s’y méprendre à celle du Nord, celle-ci paraît à deux pas. Mais Paris est si petite pour un Américain… Cela ne froisse probablement personne, surtout pas ceux qui ne connaissent pas la ville ou qui ont trop abusé de Las Vegas qui arbore son mini-Paris paré de ses incontournables collés les uns aux autres justement. D’autant que cette fameuse gare parisienne, où se déroule une grande partie du film, a en fait été bâtie à l’échelle 1 dans des studios londoniens, Scorcese n’ayant pas eu l’autorisation de tourner à la Gare du Nord, pour une action qui se passait, dans l’histoire, la vraie, celle de Méliès, à la Gare Montparnasse, aujourd’hui méconnaissable… Logique !

A leur façon, les réalisateurs, pour des raisons techniques et souvent budgétaires, contribuent donc à créer une autre cité dans l’imaginaire collectif. Certes, moins que ceux qui placent leur action dans le Los Angeles ou New York d’aujourd’hui par exemple, et qui tournent, en grande partie, à Vancouver ou Toronto, les antichambres d’Hollywood. Deux villes plus des images de studios se mêlent de façon inextricable pour n’en former qu’une seule, irréelle mais cinématographiquement viable. Une ville du 7e art qui ne se visite pas « en vrai », ou alors, qui sème son explorateur, une illusion de plus…

Rien de nouveau sous le soleil : pour la première scène si saisissante de Shining, celle où l’on voit Jack Torrance dans sa petite voiture jaune serpenter les étroites routes de montag(n)e, sur la terrible Symphonie fantastique de Berlioz, et découvrir, au détour d’un sommet, l’hôtel Overlook où il va passer l’hiver, Stanley Kubrick joue avec les lieux et nos émotions. Les images liminaires de montagne ont été tournées au Glacier National Park, dans le Montana, alors que l’hôtel où arrive le personnage de Jack Nicholson se situe sur le Mont Hood, près de Portland, à des centaines de kilomètres de là. Enfin, il n’y a que la façade du Timberline Lodge qui a été utilisée. L’intérieur, copie quasi conforme d’un hôtel du Yosemite, a été reconstruit dans des studios à Londres, ainsi que le labyrinthe où se perd Torrance, posé « en face » de l’hôtel dans le film. Savante supercherie totalement transparente à l’écran et qui éclate au grand jour lorsque l’on s’aventure soi-même sur ces routes de montagne, que l’on réalise qu’elles n’ont rien à voir avec ce qui nous a été montré, qu’il n’y a pas de sommet d’où l’on puisse observer l’hôtel en plongée et que la vue sur le lodge, qui ne fait plus du tout peur, est désormais gâchée par un massif bâtiment en béton… L’ensemble a beau avoir été totalement modelé, il n’en demeure pas moins quelque chose de réel : les gérants du lodge ont en effet demandé à ce que le numéro de la dramatique chambre 217, qui y existe, soit changé en 237, qui n’y existe pas, de peur de ne plus jamais réussir à la louer…

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