Photo-graphies et un peu plus…

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Il y a 20, 30 ou 40 ans, je ne sais plus trop bien, j’ai, pour la première fois, posé le pied dans une école. J’y ai appris beaucoup, notamment que ce que j’allais faire serait désormais jugé et évalué par des personnes qui en savaient plus que moi et que je devais respecter : mes institutrices/teurs et plus tard, mes professeures/rs (même si, à l’époque, un professeur, même femme, restait au masculin… la grammaire grand-mère). Tout cela se matérialisait par des notes, sur 10, sur 20, sur 50. Des chiffres. Plus le travail fourni était bon, c’est-à-dire en adéquation avec ce qu’en attendaient les sachants, plus la note était élevée, et plus grande était la satisfaction de l’apprenant et de ses parents (sans que je sois réellement certaine de l’ordre dans lequel les citer). Avec une bonne dose de bonnes notes, on avait même des bons points, des images, des tableaux de satisfaction voire d’honneur (la classe ultime !). C’était un peu la consécration, même si, au fond de nous, élèves, nous détestions ce système de notation, stressant, discriminant sur un seul critère (évidemment, j’en avais différemment conscience à 7 ans). Car dès le plus jeune âge, on nous apprenait que le monde était scindé en deux : les bons, avec les bonnes notes essentielles pour avoir une belle vie plus tard, faisant la fierté à la fois des parents (c’est mon enfant !) et des maîtres (c’est mon élève !), et les mauvais, avec les mauvaises notes donc, la risée de la classe parfois, le problème des parents (qu’est-ce qu’on va bien pouvoir en faire ?) et les oubliés des professeurs (je n’ai pas le temps de passer autant de temps avec toi). Autant dire que lorsque tout ce cirque, qui a fini par déteindre sur nous, s’est arrêté, des années plus tard donc, le soulagement était au rendez-vous. Enfin « libéré » des notes, des bulletins et autres appréciations parfois lapidaires…

Et bizarrement, le monde moderne a créé les réseaux sociaux, auxquels des centaines de millions de personnes dans le monde ont adhéré, adoptant, du même coup, son cortège de like, de pouces levés, de « + », de partage et autres, en somme, son propre système de notation, au véritable rôle masqué par une nomenclature amicale. Un système que nous avions pourtant réussi à quitter il y a quelques années. Car, soyons francs, plus de personnes plébiscitent un propos, une image, une vidéo, un statut, un lien, un contenu donc, quel qu’il soit, plus son émetteur est heureux. Un bonheur qui atteint son paroxysme quand la notification s’accompagne d’un commentaire personnel. Comme l’était l’enfant ramenant un 8/10 en mathématiques et son TB de son instit… Les animaux sociaux que nous sommes devenus aiment qu’on aime ce dont ils parlent. En cela, le réseau social m’apparaît comme un milieu régressif. Régression à laquelle je participe moi-même : sous chaque article de ce site, il y a un petit cœur et un « + » juste à côté, invitant les lecteurs ayant aimé ce qui précède à le faire savoir en cliquant dessus et donc, en faisant monter la « note » de l’article en question. Oui, oui, il sert à ça, ce cœur… Et je me surprends à claironner : « Mon mot du jour a 8 « + » ! ». Une vraie fierté, et sincère en plus ! Comme si la communauté virtuelle et partiellement anonyme m’avait accordé une bonne note. Comme à l’école. A ceci près que là où, plus jeunes, seuls nos enseignants, ceux qui savaient donc, étaient habilités à nous estimer, à nous juger, aujourd’hui, tout le monde, au sens propre, peut le faire. Et c’est même nous qui le leur demandons ! Voilà que nous avons érigé en norme ce que nous avons autrefois rejeté… Est-ce du sadomasochisme ou simplement notre nature ?

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A l’origine, l’idée n’est pas vraiment mauvaise. Elle est plutôt bonne d’ailleurs, tout du moins amusante, un petit clin d’œil de voyageur à celui qui l’accompagne pendant son séjour : son guide. Celui de papier. Et l’idée ? Retrouver le lieu et l’angle exact sous lequel a été faite la photo de sa couverture et la faire à son tour. Identification rapide pour celui de l’Ouest américain : le mythique Golden Gate Bridge fait la Une. La photographie est prise quasiment à ses pieds, au sud de la baie, côté Baker Beach, décrite comme une petite plage très agréable dans ledit compère d’errance. Rien de plus facile a priori !

Il suffit de remonter cette longue plage, où une Californienne, que l’on veut croire typique, plonge ses pieds dans les eaux glacées de la célèbre Baie. Dix-quinze minutes de marche à tout casser et l’image est dans la boîte ! Sauf qu’à mi-parcours, les choses se corsent. Tel un mirage, j’ai l’étrange pressentiment que les gens se promenant un peu plus loin sur la plage sont nus comme des vers. L’hypothèse se confirme en avançant. Je marque une pause, ouvre le guide, retrouve le paragraphe consacré à Baker Beach. On n’y parle pas de plage naturiste… Ce qui n’est pas un problème en soi dans la mesure où la tolérance est à double sens et que personne ne réclame aux habillés de se dévêtir pour traverser cette portion de plage où le bronzage intégral est de rigueur. Cela pimente juste un peu le chemin jusqu’à l’objectif de la promenade. Et encore plus lorsque l’un de ces adeptes du simple appareil s’approche avec le sien – photographique – pour demander à ce qu’on le prenne en photo devant le pont. Passée la surprise de la requête – le type n’est pas d’ici, il veut ramener un souvenir de son passage à Baker Beach et évidemment, préfère solliciter quelqu’un en tenue normale car, forcément, c’est bien plus drôle ! -, une question cruciale se précipite rapidement aux portes de l’esprit : à partir de quelle hauteur veut-il être cadré ? Comme çà ? Non, non… Ah, plus bas ! Bien, très bien… Alors, attention, un, deux, trois, le petit oiseau va sortir ! Ah, non, pardon, c’est déjà fait ! Moralité : vouloir reproduire la photo de couverture de son guide de voyage, c’est bien, mais il faut avoir à l’esprit que le hors champ peut réserver quelques surprises !

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D’abord, enfoncer quelques portes ouvertes. Aujourd’hui, tout le monde a un, voire deux, portables. Même les plus vieux – les constructeurs ont adapté le matériel -, même les plus jeunes – ils sont insolemment doués de naissance avec les technologies. Aujourd’hui, nombreux sont ceux à être équipés de smartphones ou à avoir opté pour des forfaits leur permettant d’échanger de façon illimitée par écrit, qu’il s’agisse de SMS ou de mails, avec leurs interlocuteurs. Or, et l’homme est ainsi fait, l’absence de contraintes – un quota de textos par mois, par exemple, au-dessus duquel tout envoi supplémentaire devient payant – ne favorise pas l’efficacité, en l’occurrence ici, la concision. De telle sorte que la simple mise en place d’un rendez-vous peut donner lieu à une avalanche d’échanges dont les trois-quarts, au moins, sont inutiles… D’où un agacement certain si l’un des deux protagonistes en est encore à l’âge de pierre, c’est-à-dire, dispose d’une formule raisonnable, donc limitée voire bloquée, et fait son possible pour limiter les aller-retour. Voilà ce que cela peut donner :

– Personne à formule illimitée (PAFIL) : On se voit toujours aujourd’hui ?

Deux minutes plus tard.

– Personne à formule limitée (PAFLI) : Oui ! Je serai libre vers 17h30-18h. On peut se retrouver chez moi ou au Café des étoiles.

La PAFLI, même si elle se veut efficace, entend quand même donner le choix à son rendez-vous. Elle veille malgré tout à la formulation claire devant conduire à une réponse précise.

A peine deux secondes plus tard.

– PAFIL : ça me va !

Echec total : la PAFIL ne choisit rien. La PAFLI reprend la machine et tapote, en réfléchissant bien à ses mots à nouveau.

– PAFLI : Parfait ! A quelle heure et où ?

La PAFLI est confiante cette fois-ci.

Tremblement de la bête.

– PAFIL : Comme tu veux !

Damned, cette réplique, la PAFLI ne l’avait pas du tout anticipée. Elle renvoie à son premier message et à sa volonté de ne pas imposer son choix. La PAFLI aurait dû avoir moins de scrupules. Mais ce n’est pas aussi simple, car la PAFIL aurait alors pensé qu’elle n’avait pas le choix et aurait peut-être proposé autre chose, histoire de. Bref.

– OK. Donc, chez moi.

La PAFLI déroule l’adresse, le code, enfin, tout ce qu’il faut pour arriver chez elle. Elle pose la machine à relier les hommes sur la table basse et poursuit ce qu’elle faisait en se satisfaisant de n’avoir passé que 8 minutes sur cette histoire. Cinq minutes avant de partir, la PAFLI reçoit un nouveau texto. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Je vais être en retard. Retrouvons-nous directement au café.

La PAFLI intègre l’information. Quelques minutes passent. Et son téléphone se remet à se trémousser. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Dis, tu as bien reçu mon message où je te dis que je suis en retard ?

Petit rictus de la PAFLI qui se sent obligée de répondre.

– PAFLI : Oui, oui, pas de problème. On se retrouve là-bas dans 25 minutes du coup.

Répit de quelques minutes avant que le jingle d’arrivée de message se fasse à nouveau entendre, et détester par la même occasion. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Tu peux me redonner l’adresse s’il te plaît ? Je l’ai effacée par erreur…

Zut, zut et rezut. La PAFLI maudit la PAFIL, rumine dans sa barbe tout en lui renvoyant l’adresse du café.

Elle se chausse, enfile son manteau et quitte son appartement, passablement énervée et bien décidée à ne plus envoyer de textos pour le reste de la journée. Au bout de quelques minutes de marche, elle arrive à bon port. Entre dans ce café qu’elle connaît bien, trouve une petite table près de la fenêtre pour que la PAFIL la repère plus facilement, puis patiente. Cinq minutes, puis 10, puis 20. Là, ce n’est plus drôle du tout. La PAFIL n’est toujours pas là. La PAFLI ne tient plus, malgré sa promesse, et se résout à envoyer un message qu’elle tente le plus neutre possible.

– PAFLI : Bah, t’es où bordel ? Je t’attends au café.

Là, quasiment du tac au tac. C’est la PAFIL.

– PAFIL : Impossible ! J’y suis et je ne te vois pas.

Le sang de la PAFLI ne fait qu’un tour. Car elle connaît la suite.

– PAFLI : Tu es bien au 23 rue des Alouettes ?

– PAFIL : Ah non, tu m’as écrit avenue. Ce n’est pas loin mais ce n’est pas pareil. C’est quoi alors, « rue » ou « avenue » ? En même temps, je trouvais étrange que tu me donnes rendez-vous dans ce bar pourri…

La PAFLI fulmine d’autant qu’elle est certaine d’avoir envoyé la bonne adresse. Elle ouvre son dossier de messages envoyés et recherche celui dans lequel elle l’a donnée. Et constate avec effroi qu’elle s’est effectivement trompée ! Exaspérée, elle compose un nouveau message :

– PAFLI : C’est rue. Désolée. Je t’attends.

La PAFLI pas fière est au fond du trou, mais est sûre de voir le bout du tunnel.

– PAFIL : Ok, j’arrive.

Dix minutes plus tard, un nouveau texto s’annonce. C’est la PAFIL.

– PAFIL : J’ai rencontré un pote sur le trajet et on a commencé à discuter… Tu nous retrouves ? Il est sympa, tu verras. On s’est posés à La Peine perdue.

– PAFIL : Hey, tu as eu mon message ? Tu arrives ?

– PAFIL : Bon, t’es où ?

– PAFIL : On se retrouve ou pas, alors ?

– PAFIL : Bon, on s’appelle hein ?

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Actually, exhibit, grand, goblet, notoriety, relative, relief, vent… et bien d’autres encore, ne signifient pas ce que, un peu hâtivement, nous pourrions croire, à savoir actuellement, exhiber, grand, gobelet, notoriété, relatif, relief, vent, mais, en fait, exposition, magnifique, verre à pied, mauvaise réputation, parent, soulagement, orifice… Ah, les faux-amis, de véritables traitres qui viennent s’insinuer dans les conversations ! Nous en apprenons quelques uns à l’école. Pour les autres, c’est en interprétant la surprise, l’incompréhension, la vexation, le rire des anglophones avec lesquels nous discutons lorsque nous nous hasardons à traduire littéralement ce que nous pensons en français, que nous les devinons. Ce qui peut être embarrassant…

En photographie, les faux-amis existent aussi. A leur manière. Ainsi en est-il de cette belle datcha dont les pieds trempent dans la rivière. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, à ce que la rencontre entre l’image et notre imaginaire produit comme conclusion, un peu à l’instar des mots listés ci-dessus, cette photo n’a pas été prise en Russie, mais sur la côte ouest des Etats-Unis, en Californie, vers Point Reyes. Bien sûr, c’est la seule datcha dans cette région peuplée de fermes. Comme un mirage en bord de route, aperçu entre deux allées d’arbres…

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La terre a chaud, elle sue, elle craque. L’océan a froid, il saisit, il plombe. L’atmosphère. Ces deux-là n’arrivent pas à s’entendre. Elle montre les crocs, il lui répond en grondant. Terre et océan se repoussent l’un l’autre avec tant de force qu’émerge de cette joute naturelle un étonnant blanc nuage de colère. Qui, progressivement, ne fait qu’épaissir le mystère de cette contiguïté. Dispute thermique. C’est chaud !

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