Photo-graphies et un peu plus…
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Conformément à cette vérité iconographique selon laquelle 1 + 1 = 3, la juxtaposition de ces quatre photographies prises en quatre lieux très éloignés les uns des autres – Berlin en Allemagne, Thuan An au Vietnam, Doha au Qatar et Quinault aux Etats-Unis – pourrait suggérer que je cherche à faire passer un message. Je vous laisserai pourtant seuls maîtres de vos propres associations d’idées pour me concentrer sur chaque image indépendamment des autres. Ce qui ne les empêche pas d’être toutes unies par une même réflexion, ou pensée, ou impression : celle, partagée, qu’il peut être difficile de faire de l’humour, ou tout simplement d’être léger, sur certains sujets dans le monde actuel, la capacité de distanciation de certains s’étant réduite comme peau de chagrin ces derniers temps. Ou encore celle que certaines images renvoient inévitablement à des événements passés dans l’inconscient collectif alors qu’elles ne s’en font absolument pas l’écho, notamment car elles ont été prises avant qu’ils ne se produisent.

« Le clou du spectacle ». C’est le titre que je serais tentée de donner à la première photographie prise au coeur de l’Eglise du Souvenir, reconstruite sur les ruines de l’ancienne, et devenue symbole de paix et de réconciliation post 2e guerre mondiale. Limite, limite, me soufflent certains.

Direction le cimetière de Thuan An coincé sur une langue de terre donnant sur la Mer de Chine, où les sépultures, posées de façon chaotique sur des dunes mouvantes, se fissurent, s’éventrent voire se font engloutir comme si elles étaient prises dans des sables mouvants. En errant entre les tombes, je découvre des bouts d’un mannequin en résine, démembré, d’abord une tête, et un peu plus loin, une jambe, et puis encore un peu plus loin, des bras, une poitrine. Et puis tout le reste dans un coin. Je recompose le corps en trois-quatre images dans ce lieu de culte où les corps se décomposent, mais différemment. Aujourd’hui, impossible de les regarder avec la neutralité voire l’amusement qui étaient miens en déclenchant : ce faux corps déchiqueté et immaculé me renvoie désormais, et certainement pour longtemps, au tragique vendredi 13 novembre.

« Pyjama party ». C’est le titre que je serais tentée de donner à cette procession blanche en dish-dash et keffieh déambulant sur le tarmac de l’aéroport de Doha le pas alerte et le coeur léger.

Et enfin, la bannière étoilée. Quiconque a déjà eu l’occasion de voyager aux Etats-Unis – à défaut, de visionner des films ou des séries américaines – sait à quel point elle est omniprésente – en toutes tailles et dans les moindres recoins du pays – et les Américains lui vouent un culte sans borne, que nous jugerions, nous Français peu friands de cette forme d’exhibition patriotique, excessif voire ringard. Oui, mais là encore, c’était avant… Car depuis quelques semaines, le drapeau tricolore, avec lequel la majorité des hexagonaux gardait une certaine distance de sécurité, n’a jamais été aussi présent – de mémoire de vivante – aux fenêtres, sur les murs (les vrais, en brique, les faux en 0 et 1), dans la rue, sur les bâtiments et partout… Un hommage, un symbole de rassemblement et d’unité certes, mais aujourd’hui, difficile de ne pas se demander, parmi ceux flottant encore au vent, combien sont ceux liés à un sentiment nationaliste et sclérosant légitimé par les dernières élections, plutôt que patriotique et ouvert sur les autres…

Ces quatre exemples me montrent à quel point l’interprétation que l’on peut faire d’une photographie est fluctuante, fugace, temporaire et varie en fonction des éléments contextuels survenus entre le temps de la prise de vue et celui du commentaire, qui, de fait, doit lui-même être idéalement daté. Ils me confirment aussi que, dans ce monde terriblement sérieux, il m’est primordial de cultiver et de partager, sans manquer de respect à qui que ce soit pour autant, ce décalage et cette dérision face aux choses de la vie, étranges ou pas…

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Le mythe de la caverne

Lorsque je pousse la porte vitrée d’un cinéma banalisé – j’entends par là, un cinéma situé dans l’enfilade des immeubles d’une rue et non pas un bloc massif à part déconnecté de tout et se suffisant à lui-même -, donc, lorsque je pousse la porte d’un tel cinéma, que je traverse son hall plus ou moins grand mon billet à la main, que j’emprunte un escalator vers le haut ou vers le bas pour atteindre la salle, petite ou grande, dans laquelle est projeté le film que je suis venue voir, immanquablement, une fois dans mon fauteuil, j’ai l’étrange sensation d’être dans le chapeau haut-de-forme d’un magicien, négligemment posé sur une petite table carrée au milieu de la scène, chapeau dont il a montré le fond à l’assistance au préalable pour lui prouver – mais c’est un leurre, nous le savons même si nous voulons croire le contraire – qu’il était bien vide, et dont il réussit malgré tout, l’instant d’après, à extraire un lapin, une balle de tennis, un foulard, des dés, un jeu de cartes, une colombe, une salade et bien d’autres choses improbables encore sous les yeux forcément ébahis de l’assemblée conquise… Ainsi rempli d’immenses volumes savamment imbriqués les uns aux autres totalement imperceptibles de l’extérieur, qui affiche fenêtres et autres ornementations architecturales classiques, le cinéma s’apparente à un espace à double-fond, de mondes parallèles, où l’illusion des fictions fait écho à celle des lieux, pourtant bien réels.

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Question de point de vueGénéralement, lorsque je décide de m’appuyer à une rambarde pour discuter nonchalamment avec des amis de la dernière carpe miroir pêchée, de la production de riz aux Philippines ou encore de la rencontre étonnamment bicolore des Rio Negro et Rio Solimões au Brésil, je veille à me poster face à la vue la plus ouverte sur le monde, pour que chacun puisse librement s’y ressourcer, s’y plonger et s’y évader entre chaque question. En aucun cas, un haut mur de briques rouges, quelle que soit mon attirance avérée pour ces parallélépipèdes rectangles ocres, ne fera l’affaire.

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Memory géographique

Retourner volontairement dans un quartier d’une ville étrangère – Amsterdam en l’occurrence – pour retrouver un ensemble architectural découvert par hasard et de nuit deux ans auparavant. M’appuyer sur mes seuls souvenirs nocturnes et ceux des photographies prises à l’époque mais toujours à l’esprit – dont celle-ci – pour tenter de reconstituer le cheminement qui m’a conduite au pied de ce lotissement encore anonyme. Reconnaître des pièces du puzzle ici et là. Errer pourtant trois quart d’heures durant, sous la pluie, dans un quartier similaire et contemporain, en repassant parfois deux fois par les mêmes rues, au cas où, tout en étant intimement persuadée que le site convoité, même s’il n’est pas là, n’en reste pas moins « dans le coin ». Profiter du passage de la seule personne croisée en 30 minutes pour tenter de lui faire comprendre ce que je cherche, déceler une lueur d’espoir dans son regard et recueillir ses indications comme de précieux sésames : gauche, droite, droite, gauche, par là-bas (en néerlandais)… Appliquer à la lettre la recette et me retrouver au coeur de De Dageraad, fleuron de l’école d’architecture d’Amsterdam où la brique était reine, cité construite dans les années 1920 pour des populations ouvrières. Savourer. Reprendre quelques clichés de jour pluvieux et repartir. Soulagée et heureuse.

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L'extrapolation

Encore aujourd’hui (c’est-à-dire, plus de 3 ans après sa naissance), cette photo m’intrigue. J’en suis pourtant l’auteur. D’ailleurs, les deux ne sont a priori pas incompatibles. Pourquoi le photographe serait-il tenu de comprendre ce qu’il fait au moment où il le fait, les raisons qui le poussent à cadrer comme ceci plutôt que comme cela, à préférer tel couple vitesse/ouverture plutôt que tel autre etc ? Déclencher n’a jamais fait disparaître le mystère. Au mieux, il le fige.

En fait, à chaque fois que je regarde cette image, quelque chose d’indéfinissable me perturbe. Les formes, les couleurs, l’objet lui-même, la combinaison de tout cela… C’est d’autant plus étonnant que cette photographie n’a rien de particulier. Mis à part qu’il s’agit d’un détail. D’un bout d’ouvrage. Une extraction un peu flottante – alors que nous l’imaginons aisément lourde – et finalement assez abstraite – car sans ancrage ni à la terre, ni vers le ciel. Donc un peu surréaliste. Et c’est très certainement là, dans cette décontextualisation quasi totale et la pseudo liberté qu’elle confère à ce monolithe à rivets au pouvoir illuminateur, que réside mon trouble (et, au passage, mon attirance pour cette image).

Car, finalement, difficile de deviner la fonction de cette « brique » simplement en la regardant ou d’imaginer de quoi elle est la constituante. Ce qui laisse grand ouvert le champ des possibles. Alors que, lorsque nous voyons une image d’une épaule par exemple, nous n’avons aucun mal à nous représenter ce qui n’est pas montré, le hors-champs, à savoir le bras d’un côté et le cou de l’autre. Puis la tête et le torse. Et finalement le corps entier. En associant instantanément, spontanément et mécaniquement la partie au tout, le mystère de la partie se dissipe…

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LogiquementLorsque vous arpentez une ville avec un appareil photo en bandoulière, la probabilité de survenue de certains événements particuliers augmente drastiquement. C’est un peu comme lorsque vous fumez une cigarette en plein rue, il y a plus de chance qu’une personne ayant le tabac mais pas le feu vous interpelle pour que vous l’allumiez, la cigarette, plutôt que votre camarade de marche qui a décidé d’arrêter de fumer pile poil la semaine passée (ce qui fait de vous un ami pas très empathique au passage, mais c’est une autre histoire). Les informations que son cerveau a eu à traiter pour en arriver à cette conclusion ne sont pas très complexes : puisque votre cigarette est allumée, alors vous devez disposer de ce que nous appelons communément, un briquet. A défaut, des allumettes. Bien sûr, la probabilité pour que vous ayez vous-même demandé du feu à une autre personne qui fumait à une terrasse accompagnée d’un ristretto et d’un journal n’est pas nulle. Et ainsi de suite. Mais elle est faible.

Même chose avec l’appareil photo. En plus d’augmenter la probabilité que vous vous en serviez et donc preniez effectivement des photos, en avoir un autour du cou vous expose à certaines demandes, en particulier dans les lieux touristiques. Gestuelles parfois : un couple (ou trouple ou groupe) s’approche de vous, hésitant et souriant à la fois, vous indique son propre appareil photo puis un monument dans le champ (visuel), enchaîne avec des allers-retours de la main entre l’appareil, le monument (ou autre), eux et vous, avant de simuler une prise de vue avec l’index. Vous aviez compris bien avant cette ultime étape… Les demandes peuvent aussi être verbales : « Could you take a picture of us, please? ». Oui, souvent, les gens qui demandent à être pris en photo sont polis. Comme les joyeux lurons ci-dessus, qui m’ont vue me contorsionner au sol pour prendre de sombres et menaçants nuages que vous ne pouvez malheureusement pas admirer ici. J’en entends déjà plusieurs se dire : « Mais comment se fait-il que tu aies la photo si tu l’as prise avec leur appareil ? » (Oui, mes lecteurs peuvent me tutoyer.) Facile, mais pas systématique : une fois leur photo prise, je demande si je peux en prendre une pour moi, pour ma galerie personnelle d’heureux anonymes…

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Rêve de petite fille

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Après une petite pause post-fêtes meilleurs vœux et puis voilà, Line Francillon se pose quelques minutes sur la branche…

Quelle est la place de la photographie dans ta vie ?
Je fais et je vois des photographies depuis longtemps, depuis tout le temps en fait, j’ai commencé sans y penser, car mon père est artiste photographe, et travaillait dans un laboratoire argentique. Les images, l’appareil photo, le cadre, le temps, le choix, la chimie… C’est une pratique naturelle pour moi, mais qui est devenue de plus en plus consciente et qui a évolué avec la découverte d’autres arts visuels. Ce qui m’intéresse dans la photo, c’est l’invention, et cela dans le réel. Une histoire de rencontre des éléments, de lumière, d’attente, d’instant, d’intuition. Cette pratique oblige à trouver son « point de vue » sur les choses, sur ce qui nous entoure. En photo, tu es obligé de regarder autour de toi, c’est un art solitaire, mais en même temps tu te connectes avec le monde. Cela parait superficiel, on ne capte que la surface des choses, mais parfois une image prend du sens, elle existe, elle s’affranchit de toi et de son contexte.
La manière dont je fais des images est très instinctive, et en même temps profonde. Je ne comprends pas tout, cela me dépasse. Dans mon travail de transmission de la photographie notamment, avec différents publics, j’essaie de faire sortir les choses les plus personnelles, les plus particulières. La prouesse technique et les photos déjà vues mille fois m’ont toujours ennuyée, car je ne sens personne derrière l’image, sinon la « norme » de ce qui doit être beau et acceptable esthétiquement.
Bref, la photo est pour moi un moyen de percevoir le monde de manière intense, d’être dans la vie. C’est une exploration sans fin.

Quelle est l’histoire de ta photo (La fabrique du paysage) ?
Cela fait deux étés que je voyage en Islande, et à chaque fois j’ai fait des photos dans cet endroit. Il s’agit d’une maquette de l’île. J’ai tout de suite aimé les reliefs à contrejour et le rapport d’échelle avec les visiteurs. L’idée de construction du paysage m’est venue. Et ce qui est étonnant, c’est que je suis tombée sur l’atelier de construction de ces maquettes par hasard, dans un village. Je suis en train de développer une série sur la représentation du paysage, et cette photo y trouvera sûrement sa place.

Quelle connexion avec celle de la génération précédente (La terre vue du ciel de Camille Ganivet) ?
La photo vue d’avion de Camille Ganivet m’a plu car elle est très simple, la terre en jaune, la mer en bleu. Cela m’a fait penser à la représentation du monde dans les Atlas, alors j’ai pensé à cette photo.

 

Vous pouvez découvrir le travail de Line en allant sur son site.

Line Francillon expose prochainement quelques photographies à Orléans :
« Incidences », installation de Line Francillon à L’identité remarquable, Orléans
Vernissage samedi 1er février à 18h ; visible tout le mois de février, 7j/7, 24h/24
4 rue du Bourdon Blanc, Orléans

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Lors de la 2e édition d’Objectif3280, j’avais proposé aux participants de répondre à 3 questions sur la place de la photographie dans leur vie, l’histoire de l’image qu’ils partageaient et sa connexion avec celle de la génération précédente. 34 d’entre eux ont eu la gentillesse de répondre et j’ai eu envie de réunir leur témoignages dans un ebook que vous trouverez en cliquant .

C’est aussi pour moi l’occasion de vous annoncer le lancement imminent de la 3e édition d’Objectif3280 (anciennement Objectif_3280), 2 ans et 1,5 ans après les deux premières éditions qui avaient réuni 400 personnes dans 36 pays et plus de 1000 photos chacune : cela se passera ici dès samedi 16 novembre, c’est-à-dire demain, dans l’après midi.  Si vous n’étiez pas dans le coin en 2010 et 2011, petit flash-back : Objectif3280 est un projet photographique participatif, mondial, en ligne, en temps réel et limité (1 mois) où toutes les photos sont, de génération en génération, liées les unes aux autres par des associations d’idées (couleur, forme, atmosphère, légende…).

J’initie l’histoire avec une première photo (la Génération 1 ou G1, que je vais poster sur mon site samedi via une interface créée par Coralie Vincent spécialement pour ce projet). Trois personnes vont pouvoir lui donner une suite, puis 9 personnes y répondront, puis 27, puis 81… et ce jusqu’à la 8e génération qui comptera au maximum 2187 photos (chiffre que nous n’avons encore jamais atteint) !

Je poursuivrai cette rubrique « Sur une branche, perchée avec… » pour cette 3e édition.

Rendez-vous samedi pour participer ! Mais en attendant, si vous voulez en savoir plus sur ce projet, découvrir le rétroplanning et autres petites infos précieuses, la page de présentation est ouverte.

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